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Playmobil ou la réussite d’une PME enracinée

Comment le groupe allemand a protégé et développé sa production en Allemagne et en Europe quand ses concurrents délocalisaient hors d’Europe ? Un exemple qui nous dit beaucoup sur une PME européenne qui résiste à la concurrence mondiale, et aussi sur la politique industrielle allemande.

Playmobil est  un cas particulier dans le secteur du jouet. Le groupe est l'un des rares industriels du jouet à avoir laissé ses usines en Europe (en Allemagne, à Malte, en Espagne, en République tchèque). Il avait délocalisé une partie de sa production en Chine en 2003 avant de renoncer. Playmobil ne réalisait, alors,  que 5 % d'économies et prenait le risque de perdre le contrôle de sa production en raison des contrefaçons chinoises.

L’histoire de Playmobil débute en 1974. Après s'être enrichi en important des États-Unis en Europe le Hula Hoop, le groupe Geobra Brandstätter, était au plus mal, touché par la crise pétrolière et ses conséquences sur le prix du plastique. Mais un de ses ingénieurs, Hans Beck, invente une figurine de petite taille pour utiliser le plastique à moindre frais. Le succès est total. Les enfants oublient leurs soldats de plomb et apprécient ce nouveau jouet qui leur permet de se projeter dans l’histoire.

Aujourd’hui Playmobil va de l’avant. Premier vendeur de jouet en France, le groupe allemand, a dépassé, en 2011, les 55 millions de boîtes vendues dans le monde et tient tête à Lego, pourtant plus diversifié que lui. L'entreprise allemande, a doublé son chiffre d'affaires en dix ans, aujourd’hui à 505 millions d'euros, et vise une croissance de 5 % à 8 % en 2012. Son chiffre d'affaires, réalisé à 85 % en Europe, principalement en Allemagne et en France, est resté stable à 564 millions d'euros. Plusieurs facteurs déterminent ce succès.

Une stratégie produit. Le savoir-faire du groupe est inédit. A partir de moules placés au sein de machines à injection, les granulats de plastique sont transformés en accessoires. D’une grande précision chaque machine vérifie au micron près, en pesant le nouvel objet, que les jouets ont été conformément formés. La qualité et  la sécurité sont les deux fondements de la stratégie de Playmobil, face au «made in China». En cinq ans, Playmobil a investi 150 millions d'euros dans ses usines. Cette année 70 millions d'euros d'investissement sont programmés pour agrandir l'atelier d'injection. Playmobil a fait de son savoir-faire industriel son principal argument de vente. Avant d'être emballé, chaque jouet passe au contrôle technique et qualité. Placé sous UV, les jouets sont soumis pendant 210 heures à de hautes températures pour vérifier que les couleurs ne se modifient pas et que les composants ne fondent pas. Tout y est protégé par les brevets et soumis au secret. 12.000 moules d'acier sont entreposés sur des étagères. La valeur de cette technique est estimée à 250 millions d'euros.

Une stratégie commerciale. «Notre philosophie est à long terme, déclare Andrea Schauer la directrice générale du groupe. Nous privilégions une croissance organique, à notre rythme.» Le groupe refuse de tomber dans la production de masse aux États-Unis pour satisfaire Target ou Wall-MArt. Pourtant, Playmobil, qui n'a jamais emprunté un euro pour financer son développement, en aurait la capacité, aujourd’hui son outil industriel permettrait d'augmenter de 30 % sa production. Avec la même devise : "Ne jamais être à la mode pour ne jamais être démodé", le groupe  poursuit sa marche et le succès demeure. En matière d'innovation, Playmobil renouvelle chaque année environ un tiers de sa collection. Grâce aux évolutions technologiques, les figurines se sont progressivement modifiées même si elles restent en apparence les mêmes. Les nuances entre les personnages sont plus nombreuses. Les mains sont  désormais pivotantes, permettant ainsi aux bonshommes de saisir les objets. La coupe de cheveux a changé. En maillot de bain depuis deux ans, madame Playmobil est tombée enceinte cette année. Quant aux plus petits détails de ses robes ou de ses ombrelles, ce ne sont plus des autocollants mais des impressions au tampon, à la précision millimétrée. C'est en partant de la gamme actuelle que le groupe décide de moderniser ses produits et ce que sont thèmes qui peuvent être ressortis. L'objectif est de maintenir un équilibre entre les thèmes historiques et actuels. Il n'existe qu'un seul thème de figurines refusé par Playmobil, la violence et les thèmes militaires après la Première Guerre mondiale.

Une stratégie médiatique. Le groupe a choisi de se lancer dans le dessin animé. Playmobil Heroes United, sortira fin 2013, cependant la firme allemande, qui a accordé une licence aux producteurs, n'est pas impliquée financièrement. Playmobil part du constat que les enfants délaissent plus tôt leurs jouets. La cible de Playmobil s'est rétrécie aux 4 à 9 ans, au lieu des 4 à 11 ans il y a quelques années. La question essentielle pour le fabricant est de continuer à séduire les enfants, avec ces petits personnages nés en 1974, une présence accrue sur les écrans pourrait favoriser ce choix. Le fabricant doit aussi faire face à une compétition plus forte avec les jeux vidéo. Car Playmobil, contrairement à son concurrent Lego, ne propose qu'un produit. Légo, en plus des jeux de construction, vend des toupies et des jeux de société.

Une stratégie web. Sur YouTube Playmobil a aussi une réelle présence grâce à  ces milliers de joueurs qui mettent en scène leurs figurines préférées. Profitant de cette tendance, l'entreprise a lancé, fin octobre, Playmobil Collectors, la place officielle pour la communauté d'adultes collectionneurs et fans, pour coordonner les sites non officiels des adeptes du jeu du monde entier présents sur Playfans, Playpackeis, Playmotown, Playmoboard, Mofreaky, Playclicks, Macgayverplaymobil.

Alors que les débats sur la compétitivité s’animent, nous constatons que l’Allemagne a su conserver un groupe fort, dans un domaine d’activité dé localisable et fortement soumis à la concurrence des pays du sud. La part de l’industrie dans la richesse allemande est deux fois supérieure à celle de la France, il ne faut pas tirer de conclusions trop rapides de ce constat. Au-delà du coût de production, Playmobil a déterminé une stratégie pour rester cohérent et innovant, sans vouloir une croissance trop forte, peu maitrisable et une rentabilité immédiate. Playmobil, domine aujourd’hui, le domaine du jouet en Europe, et reste compétitif en termes de qualité et de sécurité. Le déclin industriel de l’Europe n’est pas une fatalité.

Rémy Berthonneau