Face à une intensification de la concurrence, à un environnement de plus en plus complexe et imprévisible, les alliances de fortune à court ou moyen terme entre compétiteurs constituent une solution à moindre coût pour atteindre ses objectifs stratégiques. Qu’il s’agisse de réaliser des économies d’échelle, d’atteindre une taille critique, d’opérer un positionnement stratégique sur un marché émergent ou de mutualiser des briques technologiques dans le cadre d’un projet commun de R&D, la coopération entre concurrents constitue une manoeuvre d’affaiblissement des autres concurrents. Une vision erronée des phénomènes de coopétition s’est développée En France. Ceux-ci ont souvent été décrits comme la juxtaposition de la concurrence et de la coopération. Cette analyse s’oppose fondamentalement aux pratiques des entreprises américaines et à la définition originelle. Dans le monde anglo-saxon, cette alliance est une coalition de concurrents dont le but officiel est de créer de nouveaux débouchés et le but tacite, d’éliminer une partie de la concurrence (notamment les concurrents particulièrement compétitifs en terme de coût sur le marché traditionnel).Mais cette stratégie peut également cacher une manœuvre de « containment », consistant à réduire les sphères d’influence du partenaire pour le confiner à son marché historique et à ce nouveau débouché.
D’une vision de domination sans compromis, nous sommes dorénavant passés à une gestion diplomatique des zones de conflits concurrentielles entre les acteurs, meilleur gage pour asseoir une suprématie à long terme et préserver son marché cœur et ses zones d’intérêts vitaux. D’une manière générale, les dommages collatéraux qui résultent d’un affrontement avec un concurrent sont souvent plus préjudiciables qu’un accord circonstancié entre les protagonistes. A l’opposé d’une perception symbiotique de la coopération des décideurs français, les modus operandi déployés par l’establishment anglo-saxon s’inscrivent plutôt dans une stratégie indirecte visant d’une part à juguler les ardeurs concurrentielles d’un concurrent agressif et d’autre part à décrypter ses avantages compétitifs pour mieux les éroder. Preuve à l’appui, la présence grandissante de MVNO, opérateurs nationaux virtuels mobiles qui en s’associant à des opérateurs des télécoms bénéficient de leurs réseaux pour offrir des services téléphoniques. En France, cette coopération entre concurrents est loin d’être ancrée dans les mentalités de nos décideurs économiques et a fortiori envisagée comme une option stratégique intéressante et pertinente pouvant générer des synergies à court terme. Notre système éducatif privilégie davantage le travail et la réalisation individuels au détriment d’exercices en équipe où les complémentarités jouent pleinement : Les organisations en réseaux de type clusters ou pôles de compétitivité démontrent à l’envi qu’une coopération de proximité entre concurrents peut déboucher sur des succès économiques communs et générées des externalités positives bénéficiant à l’ensemble des protagonistes. Entretenir un statu quo dans un segment de marché en s’alliant temporairement à un concurrent permet également d’éviter le phénomène de la «sur-offre» : C. Christensen stigmatise les entreprises qui suite à une trop grande focalisation sur leurs concurrents font la course à la «sur-offre», conséquence d’une asymétrie de motivation entre le client et l’entreprise (le client veut un produit simple tandis que l’entreprise souhaite le sophistiquer) .