Dans un contexte de compétition accru, les entreprises doivent compter avec un environnement complexifié. Le champ concurrentiel voit l’arrivée de nouveaux acteurs : fonds d’investissement, partenaires technologiques ou commerciaux, et de nouveaux compétiteurs internationaux. Le champ géoéconomique voit les entreprises instrumentalisables au profit d’enjeux de puissance des Etats : elles sont les « soldats » de la Guerre Economique. Enfin, les entreprises doivent aussi compter avec le champ sociétal : développement durable, sécurité sanitaire, respect des Droits de l’Homme dans les zones de délocalisation … autant de facteurs de risques, accentués par les possibilités de mobilisation de l’opinion publique grâce aux NTIC. Chacune de ces dimensions constitue un échiquier avec ses enjeux, acteurs et modes opératoires propres, échiquiers qui traduisent les différentes strates d’affrontements simultanés et interdépendants auxquelles les entreprises sont confrontées.
Après la Seconde Guerre Mondiale, l’objectif des entreprises des grands pays industrialisés est essentiellement de produire beaucoup afin de faire face à la demande du marché. Dans ce contexte, la compétition internationale reste limitée, chaque économie nationale ayant du mal à couvrir les besoins de son propre marché. Avec les années 60, le marché se stabilise : l’objectif des entreprises devient alors de vendre plus efficacement que les concurrents. Puis la récession des années 70 entraîne un nouvel impératif : celui de la maîtrise des coûts. A la fin des années 90, l’ouverture des Economies, conjuguée à l’explosion des NTIC, entraîne une intensification de l’internationalisation de la concurrence, couramment appelée Mondialisation . Pour y faire face, les entreprises doivent accroître leurs capacités d’investissement et font appel aux marchés financiers, quittes à perdre la main sur le contrôle total de la société . Enfin, les entreprises doivent souvent développer des stratégies de partenariats commerciaux ou technologiques : soit qu’il s’agisse de création de marché (cf. coopétition), de partage de risques ou de repositionnement sur la chaîne de valeurs. L’élargissement de l’éventail des parties prenantes (cf. stakeholders) amène donc à la complexification de l’échiquier concurrentiel. Mais les entreprises doivent aussi compter avec l’intervention renouvelée des Etats dans le champ économique. Mise en place de normes techniques, juridiques ou comptables, d’instances internationales de gouvernance destinées à assurer le respect des règles générales de libre-échange, règles tout aussitôt contredites par des exceptions protectionnistes, financement public de la R&D, exception culturelle, volonté de maîtrise des technologies stratégiques, des approvisionnements énergétiques …, les entreprises sont désormais un enjeu de puissance dans l’échiquier géopolitique (cf. Guerre Economique). En parallèle, les NTIC viennent offrir un levier d’une puissance jusqu’alors inconnue sur les opinions publiques, d’autant que celles-ci exigent désormais des acteurs économiques une responsabilité étendue à l’échiquier sociétal. Qu’elle se fonde sur des données réelles ou sur une rumeur, qu’elle soit spontanée ou orchestrée par un concurrent au travers de relais instrumentalisés, une guerre de l’information peut dorénavant déstabiliser profondément une entreprise et même conduire à sa disparition. Cette « nouvelle donne » impose dorénavant de penser simultanément la stratégie de l’entreprise sur un ensemble ouvert d’échiquiers et constitue une nouvelle rupture avec l’environnement précédent. Conséquence de cette multiplicité d’échiquiers et de la complexité des interactions, le développement de l’intelligence économique et stratégique s’impose au sein des acteurs économiques, quelle que soit la taille de ceux-ci.