Depuis la chute de l’URSS, l’économie mondiale s’est engagée dans une internationalisation généralisée des échanges, théoriquement basée sur le libre-échange et un désengagement progressif des Etats. Les faits viennent contredire cette vision idyllique de la « mondialisation heureuse » et force est de constater la persistance des politiques de puissance. Certes, le libre-échange s’est largement imposé ; mais tous les Etats n’ont pas renoncé à leurs prérogatives. On constate qu’ils peuvent intervenir à plusieurs niveaux :
• directement, par le biais de barrières protectionnistes, officiellement destinées par exemple à protéger des secteurs stratégiques ; une démarche qui ne constitue pas vraiment une nouveauté sur le fond, mais dont les formes se sont passablement complexifiées ;
• par la constitution de cellules publiques – privées très officiellement chargées d’optimiser les réponses aux grands appels d’offres internationaux (cf. l’Advocacy Center américain) ;
• indirectement, en influant sur les règles du libre-échange (on citera l’adoption au niveau européen de règles comptables d’inspiration anglo-saxonnes), sur les normalisations techniques, juridiques, sur les pratiques commerciales : d’une façon générale, il s’agit ni plus ni moins d’imposer au monde les règles avec lesquels on a les meilleures chances de vaincre l’adversaire ;
• en recherchant le contrôle des institutions internationales de gouvernance ;
• par l’instrumentalisation de fonds d’investissement (utilisés pour maîtriser une technologie stratégique d’origine étrangère) ou d’ONG (pour déstabiliser un concurrent) ;
• en disposant de réserves en devises telles qu’elles permettraient de déstabiliser le marché financier ;
• ou encore, en formant les futures élites de pays étrangers afin de leur inculquer des schémas cognitifs en harmonie avec ceux de la puissance d’accueil …
Enfin, le recours à des stratégies indirectes présente cet l’avantage sur un affrontement classique, que la cible n’est pas nécessairement consciente de l’agression dont elle est victime. Dans ces conditions, l’environnement concurrentiel des entreprises devient particulièrement complexe puisqu’une rhétorique libre-échangiste peut cohabiter avec des pratiques protectionnistes et offensives diligentées par les Etats (voir « Echiquiers »). Ceci est particulièrement notable au niveau européen, les Commissions successives considérant le libre-échange comme un bienfait per se, il en découle une véritable distorsion concurrentielle avec les pays mettant en œuvre des stratégies de connivence Etat - entreprise.