Le concept de société civile est thématisé au XIX°siècle, notamment par Hegel, qui analyse la séparation de la vie civile et de la vie politique, autrement dit de la société et de l’Etat. Les origines de la notion sont, elles, bien plus anciennes : la société civile est héritière de la polis grecque et de la res publica latine. L’importance de la société civile n’a cessé de croître au sein des Etats démocratiques occidentaux. Celle-ci est aujourd’hui devenue un pôle d’influence détenant un réel pouvoir. La sphère de la société civile s’inscrit en effet aujourd’hui au cœur même des rapports de force, qu’ils soient d’opposition ou de collaboration, qui structurent un Etat. Le développement de nos sociétés comme sociétés de l’information, dans lesquelles la maîtrise de la connaissance et sa communication deviennent des formes de la contrainte et ainsi des incarnations nouvelles du pouvoir et de la contrainte, favorisent l’émergence de ce nouveau pôle d’influence. Au sein d’une société mondialisée de l’information, l’espace public se développe en effet autour de structures d’intermédiation entre l’Etat et les citoyens. Par ailleurs, le poids accordé par la démocratie à la parole individuelle fait de la société civile un lieu privilégié pour l’expression des divers intérêts et revendications de ses membres. Le statut comme l’importance de cette société civile posent tout de même certains problèmes. On peut en effet se demander si l’influence croissante de la société civile vient fausser ou renforcer le jeu démocratique. Sa particularité est en effet d’être un lieu de participation qui ne résulte pour autant d’aucun processus démocratique (type scrutin par exemple). De fait, émergent dans la société civile des pôles d’influence divers qui peuvent ne représenter les intérêts ou les idéaux que d’une minorité de la population. Celle-ci accède alors à un pouvoir effectif s’insérant dans le jeu du pouvoir démocratique, tout en n’ayant qu’une légitimité faible. Au contraire, l’influence de la société civile comme possibilité de tous peut apparaître comme un instrument garantissant la démocratie, voire comblant ses lacunes.
Le concept de société civile a par ailleurs subi un changement de sens. Il désignait en effet à la base toute société politique. Son acception moderne prendra acte de la séparation des sphères privées et publiques : la société civile désigne alors « ce qui relève du domaine du privé, de la société sans l’Etat. » . La société civile est donc cette partie d’une nation qui n’est pas l’état politique tout en étant un lieu de débat et de manifestations citoyennes. Elle émerge en effet dans cette sphère proprement démocratique qu’est l’espace public. Celui-ci est héritier de l’agora grecque fondant la démocratie participative dans laquelle c’est bien la voix et la délibération du citoyen qui sont ses instruments de représentation. L’espace public est à penser comme inhérent à l’Etat démocratique fondé sur la participation citoyenne. La modernité des Lumières va entériner ce concept comme lieu médian entre la famille et l’Etat, dans lequel ont lieu les discussions et les débats confrontant les divers avis qui le constituent. L’émergence d’un tel lieu de discussion est consubstantielle à la prise en compte démocratique des individus comme libres, égaux et rationnels. C’est sur la base de ces caractéristiques qu’il devient en effet possible pour les hommes d’émettre et de débattre de leurs avis et points de vue, rationnellement construits et possédant une légitimité propre. C’est dans ce cadre que la société civile émerge et devient aujourd’hui un pôle de pouvoir.