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[Compte-rendu] Conférence IHEDN : la lutte contre Daech

Ashton Carter, premier Secrétaire à la défense des États-Unis à s’être rendu sur le porte-avions français Charles-de-Gaulle en décembre dernier, est intervenu jeudi 21 janvier 2016 dans une conférence organisée par l’IHEDN, ayant pour sujet la lutte contre Daech.

Quelques semaines après cette visite symbolique sur le Charles-de-Gaulle, intervenue alors que le groupe aéronaval (GAN) constitué autour du porte-avions venait de prendre le commandement de la composante navale de la coalition anti-EI menée par les Etats-Unis, le chef du Pentagone a commencé son allocution en rappelant l'importance et la longévité de l'alliance entre la France et les Etats-Unis.

Durant toute son intervention, Ashton Carter a comparé Daech à un cancer. Il a ainsi déclaré qu'au même titre que le cancer, l'éradication de ce groupe extrémiste ne passerait pas uniquement par la suppression de la tumeur, mais qu'il s'agirait également de s'affranchir de toutes ses métastases.

Daech : un cancer métastasé

Partant de cette observation, la lutte anti-Daech des Etats-Unis s'articule en trois objectifs majeurs. Premièrement, il s'agit d'en détruire le coeur, la tumeur, qui réside en Syrie, et notamment ses deux épicentres : Raqqa (Syrie) et Mossoul (Irak). L'objectif primaire des Etats-Unis est de détruire toutes leurs bases présentes dans ces villes, par des efforts aériens, mais aussi terrestres, puis d'étendre leur action à l'ensemble des deux pays.

Deuxièmement, il faut détruire ses métastases, c'est-à-dire ses filiales qui se sont développées partout dans le monde, par une action dans les territoires intérieurs de la coalition et en leur coupant toute forme de financement et tout accès aux deux QG.

Enfin, il faut permettre aux populations locales, résidant à proximité de l'épicentre de Daech, de se gérer par elles-mêmes, et de prendre le relai des Occidentaux sur la lutte contre Daech, pour éviter toute recrudescence. Pour cela, la France et les Etats-Unis s'évertuent à construire une relation durable et de confiance avec les locaux, à les former, les équiper et les conseiller (y compris en termes de logistique et d'ingénierie), afin qu'ils puissent prendre la suite des actions de la coalition en continuant d'attaquer Daech et de l'isoler. Il ajoute que les Etats-Unis sont prêts à s'investir encore plus dans ces travaux, en admettant que ce ne sera pas facile et que la route sera longue.

"There can be no lone ranger" : une coalition globale…

Le Secrétaire à la défense a par ailleurs insisté sur le fait qu'une coalition globale était indispensable et que les efforts fournis actuellement pouvaient être démultipliés. Il considère en effet que ce n'est pas seulement aux Etats-Unis et à la France d'intervenir, étant donné que la menace est devenue globale et que désormais, tous les pays craignent pour leur sécurité intérieure.

Il invite ces pays à intervenir aux côtés des leaders français et américains, et à s'exprimer lors du sommet organisé par les Etats-Unis à Bruxelles le 11 février prochain, où les ministres de la Défense de 26 pays de la coalition luttant contre l'EI seront présents. Il a affirmé qu'il n'hésiterait pas à challenger les autres pays, pour qu'ils proposent de nouveaux moyens de contribuer à cette coalition, en rappelant l'urgence de la situation : il leur faut attaquer Daech au plus vite en Irak et Syrie, avant que les extrémistes ne frappent dans leur pays.

…qui a déjà ses limites

Interrogé sur l'éventualité d'une coopération avec la Russie, également présente en Syrie pour lutter contre Daech, le Secrétaire à la Défense Ashton Carter a réfuté toute possibilité de s'allier avec les Russes dans le cadre de cette cause.

En effet, alors que le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, se rendait à Moscou fin décembre 2015, pour échanger des informations militaires et tenter de convaincre la Russie de renforcer son action contre Daech, il semble clair pour les Etats-Unis, qu'aucune coopération avec la Russie n'est envisageable, dans la mesure où celle-ci a sa propre stratégie, qui n'oeuvre que pour ses propres intérêts. Selon Carter, cette stratégie n'a d'autre effet que de prolonger la guerre civile en Syrie, ce qui ne va pas dans le sens des objectifs américains, qui préfèrent s'orienter vers une association avec l'opposition modérée.

Plusieurs pistes sont ouvertes : "we must all do more"

Le chef du Pentagone considère que la solution réside également dans un meilleur contrôle d'Internet, qui est actuellement l'un des vecteurs servant à embrigader les "âmes perdues" dans les rangs de Daech. Il s'agit en effet d'éliminer leur capacité à exploiter Internet, qui doit rester un outil de civilisation, et non pas un instrument du mal.

Pour ce qui concerne la guerre des valeurs et des images, la communication est primordiale. Le rôle des religieux est indispensable dans le sens où ils devront parvenir à décrédibiliser les valeurs de Daech. En parallèle, les Etats de la coalition devront mieux communiquer sur leurs succès (comme par exemple la neutralisation par les Américains en Syrie, le 24 décembre dernier, de l'un des chefs de Daech directement lié aux attaques de Paris) et leurs campagnes de lutte, notamment sur Raqqa et Mossoul, ces villes qui représentent physiquement le califat.

Le Secrétaire a clos son intervention en remerciant l'IHEDN pour son invitation, et en remerciant la France pour sa force en tant qu'allié historique de son pays. 

Angéline Steinbach