Network Railway (NR) entame ses négociations avec l’Union européenne dans sa tentative de blocage de la fusion Siemens-Alstom. Appuyée par le gouvernement britannique, l’entreprise n’est pas la seule à émettre des inquiétudes. D’autres entreprises européennes, l’Union européenne ainsi que le Gouvernement australien ont eux aussi émis des réserves face au projet. La constitution d’un « champion européen des transports » ne fait pas l’unanimité.
Andrew Haines, directeur général de NR, propriétaire du réseau ferroviaire des ex-British Railways (entreprise d’Etat jusqu’en 1994), a adressé une lettre explicite à la Commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager. La fusion Siemens-Alstom – qui capitaliserait le groupe à 15 milliards d’euros – y est présentée comme « l’une des menaces actuelles les plus importantes à notre activité ». Selon le même Andrew Haines, le nouveau géant possèderait 93% de ce que représentait le marché de la signalisation au Royaume-Uni entre 2016 et 2017. Chaque année NR dépense 500 à 800 millions de Livres sur la signalisation, et a établi le budget de ses dépenses à deux milliards entre 2019 et 2024.
L’Office of Rail Regulation (ORR), l’agence gouvernementale britannique chargée de la régulation du secteur ferroviaire, n’est pas en reste. Dans un rapport publié en juin 2018 et régulièrement mis à jour depuis, elle estime que la fusion coûterait des dizaines de millions d’euros à NR. Le directeur de l’agence, Tom Cole, dénonce la création d’un monopole qui écraserait toute possibilité d’émergence d’un nouvel acteur sur le marché, et réclame des cessions d’actifs structurels massives de la part de Siemens-Alstom.
L’inquiétude n’est pas partagée qu’à l’ouest de la Manche. La Commission européenne elle-même a émis dès juillet 2018 des réserves face au rachat d’Alstom par Siemens, craignant une hausse des prix des services par l’appauvrissement de l’offre proposée et de l’intensité de la concurrence. La nouvelle entité deviendrait trois fois plus importante en valeur que son concurrent européen le plus proche dans les marchés de la signalisation et du matériel roulant. Les discussions dépassent également le cadre européen. En septembre de la même année, l’Australian Competition & Consumer Commission publiait elle-même un rapport émettant des remarques similaires. D’autres acteurs comme Bombardier, CAF et Stadler suivent de près l’évolution du dossier.
Siemens et Alstom de leur côté tentent de rassurer et se défendent de se placer en abus de position dominante, arguant que le marché de la signalisation ne doit pas être pris comme un tout homogène, mais comme une multitude de marchés distincts. Les deux entreprises rappellent l’intérêt pour les Européens de créer un « champion européen du transport ferroviaire » à même de peser dans la compétition mondiale, notamment face au géant chinois de la construction ferroviaire CRRC.
Bien que le projet soit appuyé par les autorités françaises, la forme finale que pourra prendre la fusion Siemens-Alstom est encore incertaine.