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Blocage des exportations du Meteor vers l’Arabie Saoudite : l’Allemagne met-elle en péril les coopérations industrielles avec la France ?

Alors que Berlin a annoncé le blocage des licences d’exportation vers l’Arabie saoudite pour les composants allemands du missile air-air longue portée Meteor, fabriqué par MBDA, l’avenir et la pertinence des différents projets franco-allemands dans l’industrie de défense pourraient être remis en cause.

C’est une inquiétude de longue date, mais qui semble chaque mois se concrétiser un peu plus. Comment les différents programmes de coopération industrielle franco-allemands, dans le domaine de la défense, pourront-ils surmonter les divergences de politique étrangère et surtout de politique à l’exportation entre les deux pays ?

 

Une divergence franco-allemande marquée

Le 22 octobre dernier, invoquant le meurtre du journaliste Jamal Kashoggi, Angela Merkel annonçait la suspension des contrats d’armements allemands passés avec l’Arabie saoudite, et encourageait les autres pays européens à faire de même. Une déclaration qui avait rapidement fait réagir côté français, les deux pays ayant depuis plusieurs années des positions divergentes sur les politiques d’exportations de matériel militaire.

Enjoignant le gouvernement allemand à « ne pas tout confondre », Emmanuel Macron n’avait pas hésité à qualifier cet engagement de « pure démagogie ». « Je suis très admiratif envers ceux qui, avant de savoir, disent on ne vendra plus d’armes ! Ils en vendent déjà parfois plus que la France à travers les joint-ventures qu’ils ont ! » avait ajouté le président de la République.

Le gouvernement allemand a mis en application sa politique vis-à-vis de Riyad puisque Berlin a refusé d’accorder des licences d’exportation pour le système de propulsion et les charges militaires – fabriqués en Allemagne – composant le missile Meteor vendu par le géant européen MBDA.

L’Arabie saoudite était un partenaire privilégié pour le groupe puisque le missile équipe les avions de combat Eurofighter Typhoon produits par les Britanniques de BAE Systems. Déjà équipée de 72 appareils, l’armée saoudienne avait annoncé vouloir en acquérir 48 supplémentaires, ce qui aurait dû créer une nouvelle opportunité pour MBDA. En 2014, le missilier avait déjà passé un contrat à hauteur de un milliard de dollars pour la vente de Meteors au royaume.

 

Deux projets majeurs menacés ?

Ce blocage allemand vient confirmer les craintes quant aux programmes de coopération franco-allemands. Concrètement, le positionnement politique consistant à vouloir limiter les exportations d’armement pourrait compliquer les accords de coopération sur les deux projets majeurs actuels.

Celui mené par KDNS, association de Krauss Maffei Wegmann et Nexter Systems pour la conception d’un modèle de char franco-allemand devant remplacer à terme les chars Leclerc français et les Leopards 2 allemands. Mais aussi, le projet SCAF (Système de combat aérien futur), qui vise, à travers une collaboration entre industriels allemands et français, à préparer les systèmes de défense aérienne des deux pays pour les prochaines décennies.

Or, comme le relate Michel Cabriol dans La Tribune, la position allemande ne semble pas prête de s’adoucir.

Cité par le média français, le porte-parole du SPD sur les questions de défense, Thomas Hitschler, déclarait ainsi fin 2018 que « pour les projets d'armement communs, nous devons convenir de règles restrictives avec la France pour les exportations futures. Sinon, l'Allemagne ne peut pas participer à ces coopérations ». 

Pour l’heure, les projets sont toujours en cours. Mais l’industrie de l’armement française étant largement dépendante de ses exportations au Moyen-Orient, une politique d’exportation trop restrictive imposée par l’Allemagne représenterait un manque à gagner important et pourrait freiner les ardeurs des industriels français. L’Arabie saoudite est en effet le second client de la France, derrière l’Inde, avec plus de 11 milliards de dollars de contrats sur la période 2008-2017.

De la même manière que de nombreux groupes de défense de l’hexagone tentent de contourner l’International Traffic in Arms Regulations émit par les États-Unis en limitant le recours aux fabricants américains, des stratégies nouvelles pourraient être mises en place par différents groupes européens de défense afin d’éviter la collaboration avec des industriels allemands, et d’éventuels blocages à l’exportation.