Espionnage des infrastructures sous-marines : la Russie dans le sonar du Pentagone.

Depuis Octobre 2019, le navire russe « Yantar », plateforme d’études océanographiques, est au cœur de suspicions d’espionnage de la part des autorités américaines. Opérant dans une zone où fourmillent les infrastructures de télécommunications sous-marines, le navire semble tout faire pour échapper aux procédures d’identification et de localisation.

Ce n’est pas la première fois que le « Yantar » soulève les interrogations méfiantes des analystes et autorités américaines. En 2015, ce dernier était déjà mis en cause pour sa proximité avec les infrastructures de télécommunications sous-marines proches de la prison américaine de Guantanamo Bay. À l’époque, l’analyse du trajet du navire grâce aux informations de son système d’identification automatique (Automated Identification System, AIS) permit de corroborer l’hypothèse d’espionnage.

Le système AIS fait référence aux dispositifs placés sur les embarcations civiles afin que ces dernières puissent communiquer leur position aux autorités portuaires et ainsi assurer leur traçabilité. En l’absence d’un tel dispositif, il devient impossible de déterminer l’endroit où se situe un navire et la route que ce dernier emprunte. Dans le cas récent du « Yantar », l’analyse des informations transmises montrent que ce dernier n’utilise son système AIS que lorsqu’il s’apprête à atteindre un port d’escale, comme ce fut le cas à Trinidad le 28 novembre 2019.

En dépit des efforts employés afin de brouiller les pistes quant à la mission du navire, le « Yantar » a été observé conduisant ses opérations à proximité de câbles de communication sous-marins par le passé, notamment dans la région des Caraïbes et dans l’est méditerranéen où ces infrastructures sont légion. D’après un rapport du Policy Exchange, le « Yantar » serait en mesure de transporter deux submersibles capables de trafiquer les câbles sous-marins. Le think tank britannique ajoute par ailleurs que ces câbles, dont dépendent 97% des communications globales et par lesquelles transitent chaque jour environ 10 billions de dollars de transactions financières, sont « indispensables mais trop peu sûrs ».  

Si cet euphémisme oblige à percevoir ces infrastructures comme critiques, il est impossible de déterminer avec certitude les objectifs de navires d’exploration comme le « Yantar ». Il est néanmoins tout à fait crédible d’affirmer que les infrastructures de télécommunications sous-marines continueront de faire l’objet d’une guerre de l’information globale. A ce titre, la Russie semble déterminée à développer des capacités permettant d’intercepter et de modifier les flux d’informations circulant par ces câbles : le 1 juillet 2019, l’incendie à bord du submersible Losharik mettait alors en relief l’avancée du programme russe de surveillance dans ce domaine.

Christophe Moulin