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Brexit : l’étrangloir pour les ports de pêche

La suite des négociations du Brexit s’est ouverte ce lundi 2 mars entre David Frost et Michel Barnier. La pêche est un des chapitres en tête de la liste des débats. Éminemment sensible, ce sujet ressemble désormais à « une guerre économique de 100 ans » autour de la Manche.

Le Brexit signe de fait la fin de la Convention de Londres de 1964 qui régit les droits de pêche dans les zones côtières (entre 6 et 12 miles). À défaut d’enterrer la hache de guerre, les bateaux européens pourraient être interdits de pêche dans les eaux britanniques, une des zones les plus poissonneuses d’Europe, qui représente près de 700 millions d’euros, soit 40% des prélèvement en Europe.  Au sein de cette zone les bateaux anglais ne représentent que 22% de l’activité. La filière française, dans le cas du scénario catastrophe, appréhende de voir arriver les bateaux de l’Union européenne dans ses eaux côtières.  

 

Alors que la France réalise 30% de la pêche dans les eaux britanniques, il s’agit d’une question primordiale pour les quelques 20 000 marins-pêcheurs. En effet, les français, par leur grande proximité du Royaume-Uni sont les plus touchés par l’issue de ce débat. Les bretons sont les plus concernés. La relation de dépendance construite depuis 56 ans autour des accords de pêche dans le cadre de l’Union européenne est aujourd’hui exacerbée par le contexte du Brexit.  

 

Dans le rapport de force qui se crée, le Premier ministre Boris Johnson joue ses atouts, et affirme sa position dominante dans les négociations. Côté britannique, les marins pêcheurs mettent tous leurs espoirs dans de meilleures prises du fait de l’absence des européens, même si les ports n’ont ni les infrastructures, ni les bateaux suffisant pour subvenir à ces potentiels nouveaux besoins.

 

Les pêcheurs doivent maintenant suivre de nombreuses démarches administratives mises en place par l’administration du Royaume-Uni, notamment des procédures d’autorisation individuelle ou portant sur des questions d’immatriculations internationales.

 

Côté européen, le négociateur pose un accord réciproque sur la pêche comme condition indispensable aux sujets suivants sur le commerce, afin que le secteur ne soit pas une « variable d’ajustement ». Environ 70% de la pêche britannique étant à destination du marché européen, la France brandit l’argument de ne plus permettre aux prises du pays d’être transformée en Europe. Cette position est difficilement tenable du fait des besoins d’approvisionnement des marchés, de l’augmentation certaine du prix du poisson et de la survie des entreprises de transformation.

 

Dans la perspective d’une issue équitable, le Royaume-Uni doit accepter qu’il ne puisse pas être comme la Norvège « un état côtier indépendant » de par ses manques de structures et de main d’œuvre, où déjà 80% des employés sont étrangers. Le pays doit reconnaître aussi l’importance de l’Europe et notamment de la France dans les débouchés de la filière. Par ailleurs, nous pouvons imaginer des conditions plus restrictives pour les européens à savoir l’obligation d’employer des marins britanniques ou un système d’obligation de débarquement sur dans les ports anglais. Cela passe donc également par une nouvelle Convention de Londres permettant des octroies de droits et de quotas de pêche facilités pour les pays limitrophes du Royaume-Uni.      

 

Jean-Théophane SOVICHE