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Le tribunal judiciaire de Nanterre limite l’activité de la société Amazon France à la commercialisation de « biens essentiels »

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a suspendu les activités de la société Amazon en France pendant la crise sanitaire par une ordonnance rendue le 14 avril 2020. Cette suspension a été prononcée sous astreinte d’un million d’euros par jour de retard. Amazon France a fait appel de cette décision, mais la cour d’appel de Versailles a confirmé la décision du tribunal de Nanterre le 24 avril 2020, en élargissant cependant la liste des produits considérés comme « essentiels ».

Cette décision fait suite à l’assignation en référé de la société Amazon France par « l’Union Syndicale Solidaires » devant le tribunal judiciaire de Nanterre. L’Union Syndicale Solidaires avait, dès le 19 mars 2020, interpellé par courrier la ministre du Travail Muriel Pénicaud, en lui exhortant « d’ordonner la fermetures des sites » d’Amazon en France, pour des raisons de sécurité et de santé suite à la pandémie du Covid-19. Le syndicat français estime notamment que l’évaluation des risques professionnels inhérents au Covid-19 est insuffisante, et que les mesures de protection des salariés ne sont pas adaptées. Conformément au code du travail en France, l’employeur a en effet l’obligation de prendre des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Le tribunal de Nanterre a ainsi ordonné à la société Amazon France, dans l’attente de la mise en œuvre des mesures nécessaires, de « restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux ». La cour d’appel de Versailles a confirmé cette décision dix jours plus tard en deuxième instance. Elle a cependant élargi la liste des « biens essentiels » aux produits « High-tech, Informatique, Bureau, « Tout pour les animaux » dans la rubrique Maison, Bricolage, Animalerie, « Santé et soins du corps », « Homme », « Nutrition », « Parapharmacie » dans la rubrique Beauté, Santé et Bien-être, Epicerie, Boissons et Entretien ».

 

Dans un communiqué en date du 15 avril 2020, la société Amazon France s’annonce « perplexe compte tenu des preuves concrètes qui ont été apportées sur les mesures de sécurité mises en place » pour protéger ses employés. « Celles-ci comprennent notamment des contrôles de température, la distribution de masques et une distanciation sociale renforcée » explique la société, qui ajoute avoir « reçu l’approbation d’experts de santé et de sécurité ». Cependant, dans sa décision, la cour d’appel de Versailles explique que « la société Amazon n’a pas pris des mesures suffisantes pour préserver la santé des salariés à l’entrée des sites, dans les vestiaires, lors des interventions d’entreprises extérieures, lors de la manipulation des colis et au regard de la nécessaire distanciation sociale ». 

A la suite de la décision du tribunal de Nanterre, Amazon France a expliqué qu’elle était dans l’obligation de « restreindre fortement » son activité en France. Le 26 avril 2020, elle a annoncé devoir « prolonger la suspension temporaire de l’activité » de ses centres de distribution français jusqu’au 5 mai 2020 à la suite de la décision de la cour d’appel de Versailles. Amazon estime que cette décision va à l’encontre des intérêts « des Français, des collaborateurs et des milliers de TPE et PME françaises qui comptent sur Amazon pour développer leurs activités ».

 

Dans un communiqué en date du 13 mai 2020, Amazon a annoncé une nouvelle prolongation de la suspension d’activité de ses sites en France jusqu’au 18 mai 2020. La société explique que « même avec un taux infime de traitement accidentel de produits non-autorisés, le risque de contrevenir à la décision de la Cour d’appel pourrait entraîner de lourdes pénalités ».

Finalement, dans un communiqué en date du 15 mai 2020, Amazon France a annoncé la réouverture progressive de ses centres de distribution à partir du 19 mai 2020. Amazon explique que cette décision fait suite à cinq semaines de discussions avec les représentants du personnel et les Comités Sociaux et Economiques de ses sites français, au cours desquelles la société a fourni à plusieurs reprises des éclaircissements et des informations sur les mesures de sécurité mises en œuvre dans ses centres de distribution pour protéger ses salariés. Elle ajoute qu’il s’agit « d’une avancée positive pour les clients de France, pour nos collaborateurs français et pour les nombreuses TPE et PME françaises qui s’appuient sur Amazon pour développer leur activité ».

La CFDT Amazon France Logistique a confirmé cette reprise progressive d’activité (50% maximum de l’effectif), qui se fera sur le principe du volontariat dans un premier temps (entre le 18 mai et le 2 juin 2020). A partir du 3 juin 2020, la reprise sera totale (100% de l’effectif). 

 

Qu’en est-il de l’activité des autres entreprises de e-commerce en France ? Fnac Darty, Boulanger ou encore Cdiscount proposent toujours des produits « non essentiels » sur leurs sites internet respectifs.

Dans un article publié sur le site Challenges, certains concurrents français, comme l’entreprise d’électroménager Boulanger, mettent en avant des mesures de protection des salariés plus strictes que celles mises en place par Amazon pour expliquer la décision à l’encontre du GAFAM. Un syndicaliste de la Fnac explique quant à lui cette décision par l’efficacité des syndicats chez Amazon : « Chez Amazon, les syndicats sont très bien organisés. Le personnel est jeune, très dynamique et sait se mobiliser ». Cependant, un délégué syndical de la Fnac avance une autre hypothèse : « Amazon est dans le collimateur. Il y a la volonté d’éviter qu’ils ne prennent trop de parts de marché pendant la période de confinement ».

Selon une étude de l’entreprise Kantar en date du 10 mars 2020, Amazon est le site internet sur lequel les français dépensent le plus, avec plus de 22% de parts de marché : Amazon (22,2%), Cdiscount (8,1%), Veepee (3,4%), Fnac (2,1%), Darty (2,0%), Showroomprive (2,0%), Boulanger (1,8%), Zalando (1,6%), LaRedoute (1,5%), Zooplus (1,4%).

 

Aysegul Ceylan