Le 12 janvier dernier, le canadien Couche-Tard a soumis à Carrefour une lettre d’intention manifestant son projet de rapprochement « amical » consistant à racheter, sur la base d’un prix de 20 euros par action, le géant de la distribution français Carrefour, premier employeur privé en France. Ce projet, estimé à plus de 16 milliards d’euros, suscite le rejet du ministère de l’Economie, qui perçoit une menace pour la sécurité et la souveraineté alimentaire française et l’emploi.
Le projet de rachat n’en est qu'à ses prémices, mais n’étonne néanmoins personne. En effet, malgré un rebond dû aux confinements liés à la pandémie du Covid-19, l’action Carrefour a perdu le quart de sa valeur depuis cinq ans. Côté 17,5 euros par action à la clôture au 13 janvier 2021, l’action flirte depuis 6 mois autour des 13,5 euros, la nouvelle ayant provoqué un rebond.
Le groupe vaut désormais quatorze milliards d’euros. Un prix intéressant pour un concurrent cherchant à s’endetter dans le but de conquérir des parts de marchés; une stratégie déjà adoptée par le canadien Couche-Tard qui s’est développé de manière exponentielle en quelques années. Fondé en 1980, le groupe s’est transformé d’une simple boutique de « dépanneur » à une multinationale au chiffre d’affaires de 54 milliards de dollars en 2019 dégageant 2,4 milliards de bénéfices. Le groupe a une stratégie précise d’expansion par le rachat de concurrents et ambitionne de doubler sa taille d’ici 2023. Si son activité est inférieure à celle de Carrefour, le groupe a une capitalisation 2 fois supérieure (32 323 milliards) à celle du distributeur français (13 593 milliards).
Pour l’instant, il n’y a aucune certitude que l’accord aboutisse. Dans une communication interne au groupe Carrefour, le géant alimentaire français indique qu’il va « examiner le projet qui lui est soumis par Alimentation Couche-Tard", et déterminer si ce projet peut "permettre une accélération du développement du groupe et d’avoir du sens pour l'ensemble de ses parties prenantes, en particulier les collaborateurs du groupe et être créateur de valeur".
En réaction, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire s’est exprimé en poursuivant la ligne engagée depuis la crise sanitaire en manifestant sa volonté de garder sous pavillon français les entreprises d’intérêt stratégique, à l’image du veto émis pour le rachat de Photonis par l’américain Teledyne. Pour l’ancien ministre de l’agriculture, Carrefour est un « chaînon de la sécurité et de la souveraineté alimentaire des français ». Il a évoqué la possibilité d’utiliser le décret sur le contrôle des investissements étrangers en France, qui permet au ministère de l’Economie et des Finances de valider ou non ce type de rachat, où la grande distribution a été intégrée au travers de la loi PACTE adoptée en 2019.
Thibault Menut
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