Pénurie des semi-conducteurs, vers une redistribution des cartes ?

Plus que la Covid-19, c’est la crise des semi-conducteurs qui impacte le plus fortement l’industrie automobile en 2021, ralentissant la production de tous les constructeurs internationaux. Risquant en plus de perdurer encore quelques trimestres, cela met en avant le rôle vital des semi-conducteurs dans l’industrie moderne et pousse les États-Unis et l’Union Européenne à revoir leur stratégie concernant ces matériaux.

Le jeudi 6 mai 2021, Stellantis a annoncé l’annulation de la production de 190 000 véhicules au premier trimestre de l’année 2021, les dirigeants annonçant quant à eux que les annulations se poursuivront au second trimestre de l’année. Le premier constructeur européen n’est cependant pas le seul touché par cette pénurie, le second grand groupe européen, Volkswagen, ayant annoncé que 100 000 véhicules n’ont pu être produits dans le même intervalle. Les grands groupes américains sont eux aussi touchés. En effet, Ford a communiqué que sa production sera divisée par deux au second trimestre 2021 tandis General Motors s’apprête à perdre un à deux milliards de chiffre d’affaires en 2021. 

Cette crise est la résultante de deux facteurs. Le premier, la crise de la Covid-19 qui a entravé la production du fait de la fermeture des usines dans plusieurs pays comme Taïwan ou encore la Chine. Le second facteur est plus politique, puisqu’il découle de la mise sur liste noire de la Semiconductor Manufacturing International de Chine (SMIC) par l’administration Trump dans ses derniers moments. La SMIC étant l’un des premiers producteurs mondiaux, sa mise sous liste noire freine d’autant plus l’approvisionnement de semi-conducteurs pour les entreprises scrupuleuses de respecter le droit américain et surtout son extraterritorialité. 

Pourtant, cette pénurie a des conséquences positives. Les États-Unis ont su saisir cette opportunité pour redévelopper le secteur des semi-conducteurs sur leur territoire. En effet la compagnie taïwanaise TSMC a annoncé vouloir construire six usines de semi-conducteurs sur le territoire américain. La première, proche de Phoenix en Arizona, sera opérationnelle en 2024 grâce à un investissement de douze milliards de la part de l’entreprise. De son côté, l’administration Biden a annoncé le déblocage de 50 milliards de dollars pour ce secteur. De plus, il semblerait qu'elle soit intervenue directement pour que TSMC produise sur le continent nord-américain, laissant craindre une stratégie déjà bien en place et poursuivie depuis l’administration Trump. 

En Europe les idées changent aussi. En témoigne l’annonce de la Commission européenne  du lancement de son plan sur 10 ans pour atteindre 20 % de parts de marché sur ce secteur, tandis que l’Allemagne et la France tentent de joindre leurs efforts pour rapatrier des sites de production. Si ce plan est ambitieux, il ne sera pas opérationnel avant que le secteur américain n’ait pris un certain essor, ce qui risque d’handicaper l’Union, surtout si de nouvelles normes internationales de production ou écologiques sont produites par les États-Unis avant elle. La guerre des semi-conducteurs est donc lancée.

 

Ugo Viens 

 

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