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Montée en puissance de Preligens : les prémices d’un exercice de protection d’actifs stratégiques

Créée en 2016, Preligens participe activement à la technologisation des moyens de reconnaissance et de production du renseignement. À l’origine de solutions d’intelligence artificielle permettant le recueil et le traitement de données géospatiales, la société française rentre aujourd’hui logiquement en discussion avec des fonds d’investissement, particulièrement gourmands dans la BITD. Une période durant laquelle une attention spéciale doit être donnée pour minimiser les risques de prédation.

Depuis sa création, Preligens a su démontrer un véritable savoir-faire en matière de ROIM (renseignement d’origine image) et a su séduire, au travers de la puissance de son  intelligence artificielle, un certain nombre d’acteurs étatiques, notamment états-unien, britannique, japonais et surtout français. Entreprise tricolore, elle est considérée comme une « pépite nationale » par l’ancienne ministre des Armées Florence Parly lors de sa levée de fonds de 20 millions d’euros en 2020. Le contrat Tornade (traitement optique et radar par neurones artificiels via détecteurs), acté en 2022 auprès de la DGA pour un montant de 240 millions d’euros et pour une durée de 7 ans au profit du renseignement interarmées, n’a pu faire que ressurgir l’attention portée sur l’entreprise française. 

Le 13 février 2023, un article des Échos a mis en lumière les récentes discussions qu’entretiendrait Preligens avec des fonds d’investissement, notamment français, tels que Wendel. En 2020, la société tricolore s’est tournée vers des investisseurs français au détriment de fonds étrangers tels qu’In-Q-Tel, le fonds de la CIA. Aujourd’hui, ce nouveau tour d’investissement se traduirait par un apport de plusieurs dizaines de millions d’euros sous la forme d’une dette convertible. Cette dernière permettrait classiquement à Preligens d’emprunter tout en s’obligeant à opérer un remboursement à terme. En revanche, ce remboursement, à l’inverse d’un emprunt classique, se veut d’être réalisé en tout ou partie par la remise d’actions privilégiées ou ordinaires. Il serait par ailleurs question, en l’espèce, d’une remise partielle d’actions permettant donc l’entrée au capital. Si elle émane ici d’un ou plusieurs acteurs français, il est nécessaire pour les pouvoirs publics de rester vigilants sur cette manœuvre et sur la tentation étrangère de s’inviter à l’opération.

La position montante de la société, championne de l’analyse géospatiale, impose de se servir des déboires antérieurs que la sphère stratégique et technologique française a subis. Il est nécessaire de rappeler que l’épisode de la société Gemplus a abouti au transfert pur et simple d’une technologie française à très haute valeur ajoutée que fut celle de la carte à puce, et ce, pourtant en pleine période d'ascension de l’entreprise. Cette appropriation technologique avait débuté par une arrivée au capital du fonds d’investissement américain Texas Pacific Group (TPG) et du placement à la tête de la société d’Alex Mandl en 2002, alors ancien administrateur d’In-Q-Tel. Comme l’acquisition de Gemplus l’a démontré, une stratégie – sans être précipitée – peut s’étendre dans le temps et demander la superposition de plusieurs manœuvres. À travers celles-ci, l’objectif est multiple : diluer le capital de l’entreprise, modifier sa composition, délocaliser le siège social pour bénéficier de règles fiscales ou de gouvernance facilitant le rachat, etc. Ces manœuvres, à l’effet domino, ont illustré la prise d’actifs stratégiques dans le cas de Gemplus et il est indispensable de s’en souvenir pour s’en prémunir.

Si la question n’est pas de limiter les volontés de conquête de nouveaux marchés d’une entreprise comme Preligens, elle se concentre plutôt sur la capacité des acteurs français et européens à préserver le savoir-faire de la société ainsi que le contrôle de celui-ci par cette dernière. Les objectifs étant de protéger la souveraineté de l’entreprise et de minimiser les risques d’appropriation de technologies avec une aussi haute valeur ajoutée, de surcroît dans un contexte d’accroissement des tensions internationales et de l’affirmation du protectionnisme des grandes puissances mondiales. La présence française doit donc être affirmée et active, sous la forme d’investissements par des sociétés de capital-risque, par les organismes parapublics ou par la création de consortium d’entreprises ad hoc. In fine, c’est une technologie pérenne et souveraine qui s’offrirait aux administrations françaises.

 

Yanis Gras, pour le club OSINT & Veille de l’AEGE

 

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