Financer la BITD, un impératif stratégique et souverain

Le 20 mars 2025, Bercy a accueilli d’intenses discussions sur le financement de la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD). Ce secteur stratégique, souvent délaissé par les investisseurs en raison de ses spécificités techniques, de son image et de son cadre réglementaire, doit pourtant assurer sa pérennité. Deux points fondamentaux ont été clarifiés : la compatibilité entre les critères ESG et la défense, ainsi que l’absence de « zone grise » dans la légalité des armements.

Si la question du financement de la BITD est souvent abordée sous l’angle de la souveraineté nationale, elle constitue également une préoccupation pour l’innovation et la compétitivité économique. En effet, les évolutions récentes du secteur imposent une nouvelle approche industrielle, où la rapidité de production prime désormais sur le triptyque coût-performance-délai. Cette transformation, soulignée par Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, bouleverse l’ensemble de la chaîne de valeur et pose la question du modèle économique à adopter. Dès lors, comment assurer un financement efficace qui profite à tous les acteurs, des grandes entreprises aux PME/ETI sous-traitantes et startups ?

Un secteur en mutation : vers une gestion stratégique des stocks

L’une des évolutions principales concerne la gestion des stocks. Longtemps perçue comme une mauvaise gestion financière, l’accumulation de stocks était évitée au profit d’une production optimisée au plus juste. Aujourd’hui, les tensions géopolitiques et les besoins augmentés des forces armées ont démontré l’intérêt stratégique de disposer de stocks conséquents, notamment pour garantir une réactivité en cas de crise. Ce changement de paradigme entraîne une adaptation de la production industrielle, avec un impératif : produire plus, plus vite, tout en maîtrisant les coûts et la performance.

Heureusement, la notion de performance n’a pas été abandonnée, mais les entreprises doivent désormais trouver un compromis entre rapidité d’exécution, coûts maîtrisés et exigences techniques élevées. Ce nouvel équilibre nécessite un financement adapté, capable de soutenir des investissements lourds dans l’augmentation des capacités de production, la gestion des stocks et l’innovation technologique.

Financer toute la chaîne de valeur : visibilité et ruissellement des commandes

Un autre défi réside dans la transparence et la structuration des commandes. Comment s’assurer que l’ensemble des acteurs de la BITD, y compris les PME et sous-traitants de rang deux ou trois, bénéficie des investissements et des opportunités générées par la montée en puissance du secteur ?

Selon Emmanuel Chiva, il devient essentiel de rendre visibles et accessibles toutes les commandes passées, afin de garantir un ruissellement effectif sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Un financement efficace ne doit pas seulement se concentrer sur les grands industriels, mais également inclure des mécanismes permettant aux entreprises de taille intermédiaire et aux startups d’accéder aux ressources nécessaires pour leur développement. Cela pose la question du rôle respectif des financements publics et privés. Si la rentabilité attire naturellement l’investissement privé, certaines activités stratégiques mais moins lucratives nécessitent un soutien de l’État. C’est cette articulation entre financement souverain et attractivité économique qui déterminera la pérennité du secteur dans un contexte de réarmement global.

Un marché de la défense en pleine expansion 

En 2024, les exportations françaises d’armement ont dépassé les 18 milliards d’euros. En mars 2024, selon le rapport du SIPRI, la France est devenue, pour la première fois, le deuxième plus grand exportateur d’armes au monde, dépassant la Russie. Entre 2014-2018 et 2019-2023, ses exportations d’armement ont bondi de 47 %. La majeure partie de ces exportations (42 %) est destinée aux pays d’Asie et d’Océanie, tandis que 34 % vont vers le Moyen-Orient. L’Inde est le principal client de l’industrie française de défense, représentant à elle seule près de 30 % des ventes. Cette progression s’explique en grande partie par les livraisons d’avions de combat, notamment à l’Inde, au Qatar et à l’Égypte. Cette performance s’inscrit dans un marché en forte croissance, comme en témoigne la progression spectaculaire de certaines entreprises européennes. En 2024, l’entreprise allemande Rheinmetall a enregistré une hausse de 36 % de son chiffre d’affaires, atteignant 9,75 milliards d’euros, tandis que son carnet de commandes a explosé, passant de 21,98 milliards à un record de 55 milliards d’euros. La fragmentation géopolitique et le réarmement accéléré des États, notamment en Europe, génèrent une demande sans précédent. Pour y répondre, l’une des stratégies des entreprises est d’augmenter drastiquement leurs capacités de production. Cette montée en puissance doit aussi s’accompagner d’investissements massifs dans de nouvelles infrastructures industrielles.

L’argent privé finance la rentabilité, l’État assure la souveraineté

Sur ce modèle, Thales, qui poursuit une dynamique de croissance accélérée, est un exemple parlant. En 2024, le groupe a enregistré un niveau record de prises de commandes, atteignant 25,3 milliards d’euros, soit une hausse de 9 %. Le chiffre d’affaires du groupe a franchi la barre des 20 milliards d’euros, en progression de 11,7 %, illustrant la solidité de son positionnement stratégique mais aussi sa montée en puissance industrielle. L’EBIT ajusté (Earnings Before Interest and Taxes) de Thales a progressé de 13,4 % en 2024, atteignant 2,4 milliards d’euros, un signe clair de l’amélioration de sa rentabilité et du renforcement de son empreinte industrielle. Cet indicateur permet d’évaluer la performance économique pure d’une entreprise, en mesurant le profit généré par son activité courante, avant de prendre en compte les charges financières et fiscales. 

Toutefois, une rentabilité affichée via l’EBIT ne suffit pas, encore faut-il qu’elle se matérialise en liquidités disponibles pour financer l’expansion, rembourser les dettes ou rémunérer les actionnaires. C’est ici qu’intervient le Free Cash-Flow (FCF), qui mesure la capacité d’une entreprise à convertir son résultat d’exploitation en trésorerie, après déduction des investissements nécessaires. Chez Thales, cette dynamique est particulièrement robuste, avec 2 milliards d’euros de FCF généré en 2024, le groupe prouve qu’il transforme efficacement ses bénéfices en cash réutilisable pour ses projets stratégiques, notamment le renforcement de ses capacités industrielles et ses investissements en R&D. L’impact de cette solidité financière se reflète également dans son résultat net ajusté, qui atteint 1,9 milliard d’euros (+7 %), confirmant une croissance maîtrisée et une gestion efficace des ressources. Grâce à cette capacité à générer des liquidités, Thales dispose d’une marge de manœuvre importante pour assurer sa montée en puissance, sécuriser ses futures commandes et maintenir son positionnement stratégique sur le marché de la défense et des technologies avancées.

Thales va se doter en 2028 d’un nouveau site de production à Cholet, destiné à renforcer ses capacités industrielles dans le secteur de la défense. Ce projet s’inscrit dans une stratégie d’expansion pour augmenter les stocks et améliorer l’efficacité de la production. En parallèle, Thales a continué d’accroître ses investissements en recherche et développement (R&D), consacrant plus de 4 milliards d’euros, notamment dans les domaines de la cybersécurité, des systèmes d’armement et de l’intelligence artificielle. Cette politique d’innovation a permis à l’entreprise d’améliorer sa compétitivité et de répondre aux besoins croissants des forces armées, en particulier sur des projets stratégiques comme les radars, les drones et les systèmes de surveillance. Par ailleurs, Thales a développé des partenariats avec des entreprises du secteur et a considérablement renforcé ses ventes à l’export, avec un carnet de commandes record de plus de 50 milliards d’euros en 2024. Ces contrats incluent des commandes militaires sur plusieurs années, garantissant une visibilité stratégique et un flux de trésorerie stable.

Les PME en plein essor : l’exemple d’Europlasma

À une toute autre échelle, Europlasma incarne la transformation rapide et la forte valorisation du secteur de la défense. En difficulté il y a encore peu, l’entreprise exploite l’essor de la BITD pour accélérer sa croissance. Grâce à la reprise de la Fonderie de Bretagne, elle s’impose dans le marché des munitions et prévoit une montée en puissance fulgurante  jusqu’à 750 000 obus de 120 mm en 3 à 4 ans, faisant d’elle l’une des plus grandes usines de moyen calibre en Europe. La seule activité des Forges de Tarbes pourrait quadrupler le CA dès 2025, entraînant une forte revalorisation boursière. Ce virage stratégique démontre comment les entreprises industrielles, même en difficulté, peuvent se repositionner rapidement et capter une part massive d’un marché en plein essor, porté par les tensions géopolitiques et la demande croissante en armement.

Cependant, que ce soit pour les grands groupes industriels ou pour les entreprises de « second/troisième niveau », cette expansion fulgurante repose sur une dépendance étroite aux décisions budgétaires des États, elles-mêmes soumises à des arbitrages politiques et économiques fluctuants. Si la dynamique actuelle des dépenses militaires semble durable, l’histoire montre que les cycles de défense ne sont jamais totalement linéaires. De plus, l’augmentation rapide des capacités de production pose la question de leur viabilité à long terme : une surcapacité en cas de stabilisation des tensions pourrait peser sur la rentabilité de l’entreprise.

Un impact direct sur l’emploi et l’économie nationale

L’industrie de défense représente plus de 200 000 emplois en France, dont une grande majorité hautement qualifiés. Cependant, ces entreprises rencontrent d’importantes difficultés financières qui freinent leur développement et leur capacité à répondre aux besoins croissants du secteur. Une étude menée par l’Observatoire économique de la défense et la direction générale du Trésor révèle que les PME et ETI de la BITD présentent des performances financières plus fragiles que celles opérant dans des secteurs industriels comparables. Entre 2016 et 2021, elles affichaient des marges plus faibles, un endettement plus élevé et une sous-capitalisation persistante. Par exemple, les ETI de la défense ont un taux de marge moyen de 16 %, contre 26 % pour des entreprises similaires hors BITD. Cette moindre rentabilité se reflète également dans leurs excédents bruts d’exploitation, ce qui limite leur capacité à investir, innover et recruter.

 Une valorisation difficile des entreprises de la BITD 

​​La valorisation d’une entreprise, particulièrement dans le secteur de la BITD, est un processus compliqué. Pourtant, elle est élémentaire pour attirer des financements, que ce soit par des investisseurs privés ou publics. La valorisation d’une entreprise dans ce secteur dépend de multiples critères, et les enjeux sont considérables, car elle influence directement l’accès au capital, la gestion des risques et la capacité à innover. 

L’une des principales difficultés réside dans la valorisation des actifs immatériels. Dans le secteur de la défense, une part importante de la valeur des entreprises repose sur des technologies de pointe, des brevets, des logiciels et des savoir-faire spécialisés. Si des acteurs comme Dassault Aviation bénéficient d’une reconnaissance pour leur expertise, cette problématique concerne surtout les entreprises plus loin dans la chaîne de production. En effet, de nombreuses PME et ETI fournissent des composants indispensables aux grands groupes industriels, comme des fixations ou des pièces de précision. Malgré leur importance dans la chaîne d’approvisionnement, leur savoir-faire est difficile à quantifier en raison de la nature intangible de leur contribution et de l’incertitude des marchés sur leur valeur future.

Des cycles longs et une forte dépendance aux commandes publiques

Si les rendements du secteur peuvent être attractifs, ils sont conditionnés par des délais de production et d’exécution de contrats particulièrement exigeants. Les pénalités en cas de retard ou de non-conformité peuvent impacter lourdement la rentabilité et la réputation des entreprises, ce qui complexifie encore les décisions d’investissement. L’une des difficultés de la BITD est que lorsqu’une entreprise sait qu’elle va recevoir un contrat, mais sans précision immédiate sur son exécution, elle doit néanmoins mobiliser du capital en amont pour acheter des stocks et lancer la fabrication, ce qui immobilise de la trésorerie. Ce besoin en liquidités est généralement financé par des lignes de crédit, des dettes ou des mécanismes comme l’affacturage ( moyen de financement permettant d’obtenir rapidement une avance de trésorerie par la cession de factures en attente de règlement, appelées « créances clients »), plutôt que par des investisseurs privés, qui privilégient des placements à plus forte rentabilité et à horizon plus court. Les PME et les ETI sont donc moins rentables, plus endettées et sont insuffisamment capitalisées.  De plus, leur taux d’endettement est nettement supérieur à celui des entreprises comparables, faute de résultats suffisants pour renforcer leurs fonds propres, ces entreprises doivent compter sur un apport direct plus important de leurs actionnaires. 

Vers une solution de financement public/privé

Face à cette fragilité financière, l’intervention publique apparaît indispensable. Le marché privé, guidé par des logiques de rentabilité immédiate, n’a ni vocation ni intérêt à soutenir des entreprises dont l’activité est soumise à des cycles budgétaires et à des décisions souveraines. Or, ces PME et ETI sont essentielles à l’autonomie stratégique du pays et à sa capacité à innover dans des domaines critiques comme la cybersécurité, l’aéronautique militaire ou les systèmes terrestres avancés. L’État a bien tenté de pallier ce déficit de financement en créant, en 2018 et 2021, deux fonds spécialisés, Definvest et le Fonds innovation défense, gérés par Bpifrance. Toutefois, ces dispositifs restent limités, car ils interviennent uniquement en co-investissement, avec des participations minoritaires et des montants plafonnés. Ensemble, ces fonds ne disposent actuellement que de 320 millions d’euros, alors que les besoins estimés d’ici 2030 atteignent entre 5 et 7 milliards d’euros, dont 1 à 3 milliards sous forme de fonds propres. Conscient de cette insuffisance, l’État a annoncé le 20 mars 2025 la création d’un nouveau fonds evergreen, « Bpifrance Défense », doté d’un objectif de 450 millions d’euros. Ce fonds permettra aux particuliers d’investir dans la BITD à partir de 500 euros, via des produits d’assurance-vie ou des placements directs, pour une durée minimale de cinq ans. Cette initiative vise à diversifier les sources de financement, mais elle reste encore modeste au regard des enjeux du secteur.

En parallèle, le financement de l’industrie de défense mobilise fortement les acteurs publics et privés. La Caisse des Dépôts et Consignations affiche une exposition de 40 Md€, incluant 35 Md€ de garantie-export et des investissements en fonds propres de Bpifrance, qui a doublé son engagement en cinq ans, atteignant 1,2 Md€. Les fonds d’investissement en non coté apportent 4 Md€ aux PME et ETI du secteur, principalement via des assureurs. Les membres de France Assureurs totalisent 20 Md€ d’investissements, répartis entre 5 Md€ en placements directs (40% actions, 60% obligations) et 15 Md€ en placements indirects, au profit des groupes français de défense et de l’aéronautique-spatial. Si la France veut maintenir une BITD robuste et compétitive face aux défis géopolitiques, elle devra aller au-delà de ces premiers mécanismes en assurant des financements publics stables et suffisants pour soutenir ses PME et ETI stratégiques. Sans un engagement clair de l’État, ces entreprises risquent de se retrouver dans l’incapacité d’investir à la hauteur des ambitions de souveraineté nationale, affaiblissant ainsi la capacité du pays dans un contexte de plus en plus incertain.

Quand la sur-réglementation freine le financement de la BITD

Jusqu’à récemment, l’application des critères ESG dans les stratégies d’investissement a conduit de nombreux fonds à exclure l’industrie de la défense, la plaçant au même niveau que le tabac ou les énergies fossiles, comme une activité prétendument incompatible avec les impératifs de durabilité. Sous la pression des investisseurs institutionnels et des ONG, l’accès au capital s’est progressivement restreint pour de nombreuses entreprises du secteur.

Si les restrictions les plus strictes concernent l’armement nucléaire, la tendance s’est élargie à toute activité militaire et duale. Le Financial Exclusions Tracker, une base de données créée par plusieurs ONG, recense près de 5 500 entreprises dans le monde, dont 73 françaises, exclues des portefeuilles des fonds appliquant des critères ESG stricts. Des groupes industriels comme Airbus, Safran et Thales ont ainsi été boycottés par plus de 40 grands investisseurs en raison de leur implication dans l’armement. À tel point que ces entreprises ont failli être exclues du CAC 40 ESG, avant d’être réintégrées sous la pression du contexte géopolitique et médiatique.

Changement de paradigme :  investir dans la défense, un engagement responsable

Le 20 mars 2024, lors d’une intervention à Bercy, monsieur le Ministre Eric Lombard a rappelé un principe : « l’investissement dans le secteur de la défense est responsable, il l’est d’autant plus que cet investissement protège notre souveraineté et les principes que nous portons : la démocratie, la liberté, le développement durable.» En d’autres termes, sans infrastructures de défense solides, aucun développement économique stable et durable n’est envisageable.

Pourtant, certaines interprétations maximalistes des critères ESG ont conduit à l’exclusion d’entreprises développant des équipements strictement conformes aux réglementations internationales. Cette approche, largement adoptée par les fonds de pension et gestionnaires d’actifs, a accentué la marginalisation de l’industrie de la défense dans l’investissement privé, au détriment de la souveraineté européenne. Un autre point a été clarifié par le Ministre : « Il n’y a pas d’armes controversées. Il y a des armes qui sont proscrites par les textes et les traités internationaux, et là, l’interdiction est totale. Le reste est autorisé par les textes, par la doctrine, par l’intérêt national ». Au niveau national, le label ISR (Investissement Socialement Responsable) permet aux épargnants d’identifier des fonds respectant des critères ESG. Ce label, révisé fin 2023, n’interdit pas le financement de la défense, mais exclut les armements dits «controversés» au sens des conventions internationales : ce label précise clairement que ces armes dites « controversées » se limitent aux armes interdites (notamment armes chimiques et biologiques et mines antipersonnel).

Sur le plan européen, l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (ESMA) a publié des lignes directrices en 2024, imposant des exclusions sectorielles concernant les armes dites controversées. En réponse aux préoccupations des ministères de l’Économie et des Armées, l’ESMA a affiné sa définition de ces «armes controversées» au sens des conventions internationales fin 2024, afin de clarifier les règles applicables. Sur le même registre, la Banque Européenne d’Investissement (BEI) excluait les entreprises de défense du financement, à l’exception des entreprises duales (civiles et militaires). Cependant, cette politique a été assouplie pour élargir l’éligibilité des financements tout en préservant les conditions de financement. Dans le cadre de son Initiative Stratégique pour la Sécurité en Europe (ISSE), la BEI a financé des projets tels que le développement de drones, le déploiement de satellites d’observation, des projets de cybersécurité et des infrastructures militaro-civiles.

Pour un financement souverain de la BITD 

​​La clarté dans la définition des termes est donc un impératif pour éviter les ambiguïtés qui freinent le financement de la BITD. À vouloir trop normer, on crée des barrières qui pénalisent notre souveraineté et notre compétitivité dans un contexte mondial incertain. Il faut toutefois que les investisseurs soient vigilants et s’appuient sur des due diligence claires, notamment en matière de normes ITAR et de régulation extraterritoriale, afin de garantir un financement souverain et stratégique pour l’industrie de défense. Lors de son intervention du 20 mars 2025, Emmanuel Chiva a insisté sur le fait que le contrôle des exportations, souvent perçu comme un problème dans un secteur très réglementé, représente aussi une assurance réputationnelle qui permet de faire un compromis entre souveraineté et attractivité. 

Les stratégies de financement de la BITD sont donc sur la bonne voie, avec un soutien croissant de l’État et une évolution des règles d’investissement. Cependant, beaucoup reste à faire pour assurer un financement stable et ciblé, adapté aux spécificités stratégiques du secteur. Chacun individuellement et collectivement doit prendre conscience que l’économie est interconnectée : investir dans la défense, c’est aussi protéger l’industrie, l’emploi et la souveraineté nationale. Il ne faut toutefois pas tout mélanger et adopter une approche rigoureuse en distinguant les besoins des grands groupes, des PME et des acteurs critiques de la chaîne d’approvisionnement. Un financement efficace et adapté renforcera durablement la position de la France dans un contexte géopolitique incertain.

Coline Fortuna pour le Club Droit de l’AEGE 

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