Le 12 février 2025, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Cadarache dans les Bouches-du-Rhône a franchi une nouvelle étape dans la course à la fusion nucléaire. Grâce au réacteur tokamak West (Tore Supra nuclear reactor), ils ont réussi à maintenir un plasma pendant 1 337 secondes, soit plus de 22 minutes.
La France n’en est pas à son premier exploit dans ce domaine. En effet, en 2003, le tokamak Tore Supra, prédécesseur de West, avait obtenu le premier record du monde en maintenant un plasma durant 390 secondes (soit 6 minutes et 30 secondes). Dix-huit ans plus tard, en 2021, ce seuil avait ensuite été dépassé par la Chine, avec le tokamak EAST, qui avait réussi à maintenir un plasma pendant 1 056 secondes (17 minutes et 36 secondes). Avec cette nouvelle performance, les chercheurs français améliorent ainsi de 25 % le précédent record, consolidant leur position dans la course à la fusion nucléaire.
Mais qu’est-ce que cela représente réellement ?
La fission, qui est actuellement utilisée au sein des centrales nucléaires, a pour but de casser les liaisons de noyaux atomiques lourds. À l’inverse, la fusion, utilisée dans le tokamak West à Cadarache, recrée les réactions physiques ayant lieu au cœur du soleil et des étoiles. La fusion nucléaire est l’une des sources d’énergie les plus puissantes au monde. Le produit de la fusion nucléaire est le plasma. C’est un fluide constitué d’ions (atomes ayant perdu un ou plusieurs électrons) et d’électrons libres. En réalité, il s’agit d’un état de la matière obtenu après l’avoir chauffée à de très hautes températures, d’au moins 100 millions de degrés Celsius. À terme, la fusion nucléaire a pour but de produire une énergie propre, sûre, bon marché et quasi illimitée.
Cependant, stabiliser un plasma sur de longues durées reste un défi de taille. Celui-ci, électriquement chargé, tend à devenir instable, entraînant des pertes soudaines d’énergie et réduisant l’efficacité du processus. De plus, bien que ce nouveau record représente une avancée majeure, à ce jour, la fusion nucléaire n’a pas encore atteint le « seuil d’ignition », c’est-à-dire le moment où la réaction produit autant ou plus d’énergie qu’elle n’en a consommé. En effet, pour que le plasma puisse être produit, il faut une quantité d’énergie considérable, d’au moins 300 000 milliards de watts. Bien que celui-ci ait pu être maintenu par les scientifiques français, 22 minutes restent un temps trop court pour que le plasma puisse fournir une telle quantité d’énergie. Néanmoins, ce succès renforce la crédibilité de certains projets, notamment celui d’ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor). Impliquant trente-cinq pays, dont l’Union européenne, les États-Unis, la Chine, ou encore, la Russie, ITER est un programme de recherche international lancé en 2006 qui a pour objectif de maîtriser la fusion nucléaire et d’évaluer son potentiel pour remplacer les énergies fossiles et la fission nucléaire.
Par ailleurs, les besoins énergétiques ne cessent d’augmenter avec l’essor des nouvelles technologies. L’intelligence artificielle, l’informatique quantique ou encore les data centers, domaines en pleine expansion, figurent parmi les secteurs les plus consommateurs en électricité. À titre d’exemple, les infrastructures d’IA nécessitent des quantités d’énergie colossales pour entraîner et faire fonctionner des modèles toujours plus performants. À ce jour, il est estimé que la consommation énergétique de l’IA serait équivalente à celle de l’Allemagne. Face à cette demande croissante, certaines entreprises, comme Google aux États-Unis, ont décidé d’investir massivement dans des petits réacteurs modulaires, qui sont des sortes de mini centrales nucléaires, moins puissantes mais plus sûres pour leur approvisionnement énergétique.
Ainsi, la maîtrise de la fusion nucléaire représente un atout stratégique considérable à long terme pour la France. En effet, la fusion promet une source d’énergie propre, inépuisable et bon marché, parfaitement adaptée aux besoins des industries du futur. Dans cette perspective, la fusion nucléaire pourrait jouer un rôle clé dans la souveraineté énergétique de la France et dans sa capacité à attirer les industries à forte valeur ajoutée. L’enjeu est double : assurer la transition vers une énergie durable tout en garantissant une compétitivité économique face aux grandes puissances industrielles concurrentes.
Marine Hué pour le Club industrie et souveraineté.
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