La rivalité économique entre la Chine et les États-Unis, exacerbée par une guerre commerciale ouverte, redéfinit les équilibres mondiaux. L’Union européenne, oscillant entre l’alliance occidentale et ses intérêts économiques en Chine, se trouve à la croisée des chemins.
État des lieux de la guerre commerciale Chine Etats-Unis
La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis a réellement débuté fin 2017 et début 2018, lorsque l’administration de Donald Trump a imposé des droits de douane substantiels de 30 % de 50 % sur les machines à laver et les panneaux solaires chinois. Cette action a marqué un tournant dans la politique étrangère américaine, caractérisée par une critique véhémente des concurrents mondiaux, notamment la Chine et l’Union européenne (UE). Les États-Unis ont justifié ces mesures par la nécessité de corriger les déséquilibres commerciaux, de protéger les industries nationales et de lutter contre le vol de propriété intellectuelle. En outre, Donald Trump considérait de plus en plus la Chine comme une menace pour les intérêts économiques américains tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. En réponse, cette dernière a imposé ses propres droits de douane sur 110 milliards de dollars d’exportations américaines et a mis en œuvre des politiques visant à renforcer ses chaînes d’approvisionnement nationales et à diversifier ses marchés d’exportation.
Pendant le mandat de Biden, les relations ne se sont pas améliorées, ce dernier ayant maintenu les tarifs douaniers, la liste noire du boycott des entreprises chinoises étant ainsi allongée. Initialement, ce décret émis durant le premier mandat de Donald Trump concernait 31 entreprises chinoises du secteur militaro-industriel. La mandature qui suit, celle de Biden, a poussé cette liste à 59 entreprises. Parmi les nouvelles entreprises se trouvent Huawei, le géant pétrolier CNOOC, China Railway Construction, China Mobile ou encore China Telecom. Cependant, l’économie américaine a mieux résisté que prévu, puisque durant les deux dernières années du mandat de Biden, l’économie tourne autour de 3 %, soit 0,6 % de croissance de plus que les prévisions de la Banque mondiale. Les restrictions chinoises sur les importations de capitaux étrangers sur son territoire et un ralentissement des importations ont protégé le pays d’une crise financière. L’objectif de cette mesure était de diminuer la forte dépendance aux capitaux étrangers. De ce fait, un certain décrochage s’est manifesté, en particulier parmi les IDE entrants en Chine durant les années 2023 et 2024. Cette réduction a permis de consolider les actifs chinois par des investissements souverains, mais aussi la relocalisation des capitaux sur son territoire.
China Foreign Direct Investment, 1998 – 2025 | CEIC Data
STATISTICAL BULLETIN OF FDI IN CHINA 2024
Malgré cela, la Chine a conservé un excédent global des produits manufacturés, bien que moins orienté vers les États-Unis. Parallèlement, la part de la Chine dans le commerce total des États-Unis (somme des exportations et des importations) est passé de 15,7 % à 10,9 % entre 2018 et 2024. Parallèlement, la part des États-Unis dans le commerce total de la Chine a également baissé, passant de 13,7 % à 11,2 % sur la même période.
Retour sur les impacts des mesures prises par les deux camps
Les États-Unis ont mis en œuvre un certain nombre de mesures pour pallier le déficit commercial et l’affaiblissement du tissu industriel américain. Le CHIPS Act de 2022 a permis de doter de 52,7 milliards de dollars différents secteurs d’activités comme la fabrication de semi-conducteurs et les équipements connexes, tout en protégeant la sécurité nationale. L’objectif est de réduire les vulnérabilités économiques dans le cadre de la concurrence économique avec la Chine. Cet acte comprend des mesures de renforcement de la sécurité nationale pour limiter les opérations et les investissements sur des pays étrangers comme Taiwan. De plus, les nations occidentales, États-Unis en tête, mettent en œuvre une stratégie globale pour sauvegarder leurs intérêts économiques et leurs supériorités technologiques face à la Chine. Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane supplémentaires de 104 % sur environ 300 milliards de dollars d’importation chinoises. Enfin, les États-Unis cherchent à démanteler les chaînes de production et de valeur transnationale, qui profitent de plus en plus à la Chine.
Avant cela, en décembre dernier, United States Department of Commerce a imposé des restrictions à l’exportation contre les fabricants chinois de semi-conducteurs, visant à limiter l’accès de la Chine aux technologies avancées. Ces mesures incluent l’interdiction de 24 types d’équipements de fabrication servant à fabriquer ces semi-conducteurs notamment d’origine américaine. De plus, les entreprises américaines doivent obtenir une licence du Bureau of Industry and Security (BIS) pour exporter certains produits vers la Chine. Ces restrictions visent à protéger la sécurité nationale et à maintenir la compétitivité technologique des États-Unis.
La Chine a répondu aux tarifs douaniers américains en imposant ses propres tarifs, soit environ 84 % de tarifs douaniers sur 110 milliards de dollars d’exportations américaines dans les secteurs de l’aviation, de l’agriculture et du commerce de détail. De plus, les entreprises exportatrices chinoises ont eu tendance à augmenter leurs prix plutôt qu’à les baisser en réponse aux droits de douane américains, afin de maintenir la valeur perçue des produits chinois sur les marchés internationaux. Par ailleurs, la Chine cherche activement à réduire sa dépendance au marché américain. Ainsi, de 2018 à 2023, la proportion des exportations chinoises destinées aux États-Unis a diminué de 5 points, passant de 19 % à 14 %. En outre, la Chine a annoncé des mesures de relance budgétaire, notamment l’augmentation du niveau d’endettement des administrations locales et l’émission de 177,2 milliards de dollars.
Les conséquences de l’affrontement commercial sino-américain pour l’Union européenne
La guerre commerciale sino-américaine représente un fardeau pour l’UE qui doit naviguer entre son alliance avec les États-Unis via l’OTAN et ses intérêts économiques. L’Union européenne (UE) se trouve dans une position particulièrement délicate, car une rupture avec la Chine engendrerait de graves problèmes. En 2024, la Chine représentait environ 14,6 % des importations de l’UE, soit 10,2 points de plus qu’en 2000. Dès lors, l’UE essaie de trouver un équilibre entre son appartenance au camp occidental et celui de maintenir des relations économiques avec la Chine qui lui bénéficient dans une certaine mesure. En effet, l’UE arrive à tirer profit de ses ventes en Chine qui ont compensé la baisse des exportations américaines dans le pays. En parallèle, Pékin profite du manque d’anticipation des pays européens sur leur ambition d’ « autonomie stratégique », interprétée comme un éloignement à l’égard des États-Unis. La guerre commerciale crée des incertitudes, mais aussi des opportunités pour l’UE.
Les pays d’Asie du Sud-Est sont devenus une zone attractive dans les investissements de l’UE. En ce qui concerne les scénarios futurs pour l’Europe, plusieurs possibilités se dessinent. Donald Trump a promulgué une liste des différentes taxes douanières le 2 avril 2025, en augmentant ses tarifs douaniers sur les produits européens à hauteur de 20 %. La stratégie in fine de cette augmentation reste encore assez floue. Il est à envisager que cette augmentation des taxes douanières américaines sert, d’une part, à renforcer l’économie américaine en relocalisant et en permettant une meilleure canalisation de la fiscalité sur les entreprises américaines. D’autre part, ces dernières visent aussi à imposer à l’UE une négociation de contrats toujours plus importants sur l’achat du pétrole et du gaz américain et de matériels militaires américains.
La confrontation commerciale entre la Chine et les États-Unis, caractérisée par l’imposition de droits de douane et de restrictions technologiques, redéfinit les équilibres économiques mondiaux. L’UE, partenaire commercial majeur des deux protagonistes, se trouve dans une position délicate, naviguant entre ses alliances traditionnelles et ses intérêts économiques en Chine. Si l’UE peut ponctuellement bénéficier de cette rivalité, la tendance au découplage et à la relocalisation des chaînes de valeur pourrait à terme engendrer une fragmentation des normes et des standards internationaux. Cette évolution, encore peu anticipée, pourrait complexifier les échanges commerciaux futurs pour l’ensemble des acteurs mondiaux.
Benoit de Lavignère pour le club Risques et Sûreté
Pour aller plus loin :
- Huawei et ZTE bannis du marché étatsunien : la guerre commerciale se poursuit entre les États-Unis et la Chine
- Biden en quête de soutien dans sa guerre commerciale contre la Chine
- IA : La guerre entre les États-Unis et la Chine fait rage