Mercantilisme américain : l’Union européenne dans le viseur de Washington

Donald Trump envisage d’imposer des taxes de 10 à 20% sur toutes les importations étrangères, et jusqu’à 25% pour celles du Mexique et du Canada. L’Union européenne n’échappe pas à ces ambitions protectionnistes. 

Lors de son discours d’investiture le 20 janvier, Donald Trump a rappelé son ambition de réindustrialiser les États-Unis en créant un « service de revenu externe » visant à taxer toutes les importations étrangères. Il a ordonné d’intensifier l’extraction de gaz et de pétrole américain tant pour baisser le prix de l’énergie que pour stimuler les exportations, confortant le leadership de l’Amérique dans les hydrocarbures. Par ailleurs, la nouvelle administration entend augmenter les sanctions contre les sociétés russes d’hydrocarbures, son concurrent immédiat. 

L’excédent commercial de l’Union européenne avec les États-Unis, égal à 195,13 milliards d’euros en 2023, est explicitement ciblé par Washington. Donald Trump prévoit d’imposer des taxes aux importations de l’UE de 10 à 20 % voire davantage si les Européens n’achètent pas plus de gaz et de pétrole dont ils dépendent déjà à hauteur de 50% depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Parallèlement, la nouvelle politique énergétique américaine vise à creuser le fossé du coût de l’énergie qui était déjà de deux à trois fois plus cher en Europe qu’aux États-Unis depuis l’instauration de l’Inflation Reduction Act, responsable de nombreuses délocalisations d’entreprises européennes.

Les pays européens les plus vulnérables aux mesures protectionnistes américaines sont l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie et la France, qui représentent plus de 55% des exportations de l’UE aux États-Unis. L’Allemagne pourrait perdre 180 milliards d’euros d’ici 2028, soit une baisse de 1,5% de son PIB tandis que l’Italie perdrait 11 milliards d’euros par an. Quant à la France, les secteurs concernés sont la machinerie, les boissons, les produits pharmaceutiques, l’aéronautique et les cosmétiques. Les exportations françaises vers les États-Unis baisseraient de 0,5% et son PIB de 0,1%. La menace d’une guerre commerciale avec l’UE a poussé certains responsables européens à appeler à céder aux pressions américaines, à l’image de Christine Lagarde et d’Ursula von der Leyen

Le mercantilisme offensif des États-Unis risque de raviver les tensions avec le marché européen : Airbus vs Boeing, taxation des GAFAM, défense européenne et réglementation pharmaceutique européenne. L’administration Trump vise essentiellement à freiner la progression technologique de la Chine pour préserver sa domination géopolitique. Le nouveau secrétaire au Trésor, Scott Bessent, entend exploiter l’actuelle récession chinoise pour imposer des taxes jusqu’à 60 % sur ses exportations. Cette tactique, déjà utilisée contre la puissance japonaise dans les années 1980-1990 avec les accords du Plaza de 1985, pourrait affaiblir le PIB chinois. Faute de débouchés, un afflux de produits chinois, tels que les éoliennes ou les voitures électriques, pourrait déferler sur l’Europe. Cela pourrait entrainer des mesures de protection de l’Union européenne, victime des affrontements entre les deux superpuissances du XXIe siècle. 

L’historien Fernand Braudel a montré que la quête de puissance des États prime sur les logiques de marché ; la France et l’UE ne devraient-elles donc pas en prendre conscience pour véritablement affronter la nouvelle donne de la mondialisation ?

Yann Riveron

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