Faraday l’étoile montante de l’IA française 

Engagée pour une solution d’IA souveraine, la start-up Faraday incarne une alternative prometteuse dans le monde de l’intelligence artificielle française. Malgré les apparences, il semblerait que la France ne soit pas en reste dans la compétition de l’intelligence artificielle face aux géants technologiques américains. 

Parcours et souveraineté numérique européenne

L’Europe, bien consciente de son retard dans le secteur numérique, est résolue à ne pas répéter les mêmes erreurs dans le domaine de l’intelligence artificielle. Cette prise de conscience stratégique a catalysé l’émergence d’entreprises avant-gardistes, parmi lesquelles Faraday se distingue. Une entreprise innovante d’intelligence artificielle fondée par le jeune Camerounais William Elong.

La fusion entre multiculturalisme et pragmatisme

Dans un monde de plus en plus complexe et compétitif, cette start-up doit relever de nombreux défis pour espérer pouvoir concurrencer les géants américains déjà bien établis. Ainsi, Faraday aborde le problème différemment. Plutôt que de se concentrer initialement sur la levée de fonds, la société de William Elong priorise le développement de son produit phare : Aria, une alternative souveraine et open source à l’instar de ChatGPT. En renouant avec ses partenaires camerounais, l’entreprise réussit un tour de force : elle parvient à développer Aria à des coûts de production significativement inférieurs à ceux de ses concurrents pour leur propre modèle.

Un autre facteur clé du succès, selon William Elong, réside dans la compréhension approfondie des besoins des grandes entreprises, et plus particulièrement celles du CAC40. Contrairement à ChatGPT, qui peut présenter des risques en matière de confidentialité industrielle, Aria adopte le concept de Security by Design. La solution offre un hébergement autonome (offline) et un cloisonnement strict des données, répondant ainsi aux préoccupations de sécurité des grandes entreprises. En outre, Faraday a mis en place une collaboration avec Dassault Systèmes pour renforcer ses solutions cloud. Cette stratégie place la sécurité et la souveraineté au cœur des priorités de Faraday, lui conférant ainsi un avantage distinct dans le marché concurrentiel de l’intelligence artificielle.

Le rôle des réglementations autour du développement des sociétés 

Une préoccupation majeure pour toute entreprise opérant dans le domaine de l’intelligence artificielle est la réglementation, un domaine où l’Europe est particulièrement avant-gardiste, notamment avec l’AI Act signé la semaine dernière. Cette réglementation de l’IA peut constituer un frein au développement des start-ups. La présence de géants technologiques dans le processus réglementaire, souvent engagés dans des activités de lobbying, peut entraîner ce que l’on appelle une « capture réglementaire ». Cette situation crée une barrière d’entrée significative, notamment financière, avec des coûts de mise en conformité pouvant atteindre entre 100 000 et 200 000 euros. Du point de vue français, une régulation excessive de l’IA pourrait être contre-productive, étant donné la position pionnière de la France dans ce secteur en Europe. Faraday aborde activement ces défis, en cherchant à influencer la législation européenne dans un sens plus favorable. La question de la conformité réglementaire est majeure, et déterminera l’orientation stratégique du secteur : il peut donner suite à un alignement sur les modèles américains ou chinois, ou la création moins évidente d’une voie indépendante.

Par ailleurs, la réglementation peut représenter une opportunité pour Faraday. Les clients de Faraday cherchent à renforcer leur souveraineté face aux contraintes imposées par le Cloud Act ainsi que d’autres lois extraterritoriales. Dans ce contexte, la solution d’hébergement autonome proposée par Faraday se présente comme une réponse efficace pour prévenir les fuites de données industrielles. Cela positionnerait Faraday non seulement comme un acteur conforme aux réglementations européennes, mais aussi comme un innovateur capable de naviguer habilement dans un paysage réglementaire complexe.

Le marketing, un aspect peu mis en avant dans les projets français

La question du financement demeure un défi majeur en Europe, où le financement des start-ups et des PME s’avère plus complexe qu’aux États-Unis. William Elong explique que c’est « une différence attribuable à des attitudes culturelles distinctes vis-à-vis du risque ». L’exemple de Faraday illustre parfaitement cette situation : AWS a réagi promptement en accordant un financement en l’espace de deux semaines, alors que les entités françaises, quant à elles, n’ont pas donné suite à leurs demandes. Face à ces obstacles, Faraday adopte une approche pragmatique et se tourne vers les opportunités de financement et les programmes d’incubation américains. La start-up a récemment intégré le programme « Inception » de Nvidia et d’un programme similaire d’AWS. Cette démarche s’inscrit dans la réflexion de William Elong et d’Amal El Fallah Seghrouchni, présidente exécutive du Centre International d’Intelligence Artificielle du Maroc. Ils soulignent l’importance de la souveraineté numérique des nations : « Collaborer avec les géants technologiques est une chose, mais dépendre entièrement d’eux en est une autre ». Cette stratégie illustre la détermination de Faraday à s’affirmer dans un secteur dominé par de grands acteurs, tout en préservant son autonomie et sa vision entrepreneuriale.

Faraday ne se contente pas de révolutionner le financement, mais s’inspire également des stratégies marketing américaines. William Elong souligne l’importance cruciale du marketing pour établir un leader européen dans le domaine : « L’influence est primordiale. » Un exemple éloquent est le projet Bloom du CNRS. Bien que ses travaux fussent plus avancés que ceux d’OpenAI à l’époque, un manque de vision entrepreneuriale a empêché sa valorisation. Il est donc impératif d’établir une culture de marketing à la française ou européenne, qui valorise et oriente les solutions vers les besoins des clients finaux.

Malgré le foisonnement de talents en France, un biais psychologique prédominant tend à favoriser les solutions américaines. Heureusement, des initiatives comme « Je choisis la French Tech » œuvrent à modifier cette tendance, en mettant en avant les capacités et innovations locales. Cette approche permettrait non seulement de reconnaître le potentiel intérieur, mais également de positionner les entreprises européennes comme de sérieux concurrents sur la scène mondiale de l’intelligence artificielle. Au vu de son positionnement, le principal relais marketing de Faraday est le courant de la francophonie et vise en premier lieu les pays francophones.

Une coopération pouvant repenser les relations entre la France et l’Afrique 

En définitive, Faraday illustre comment tirer parti de la complexité culturelle et de la diversité des modèles d’affaires. La start-up incarne non seulement l’innovation en matière d’intelligence artificielle en France, mais ouvre également la voie à une nouvelle ère de collaboration et de compétitivité dans le domaine. Le succès de Faraday n’est pas un cas isolé, mais plutôt le signe d’un mouvement plus large au sein de l’écosystème technologique français.

C’est dans ce contexte dynamique qu’émerge l’entreprise Mistral AI ou encore le laboratoire Kyutai,  une autre initiative innovante qui apporte sa propre vision à l’IA française. Inauguré à Paris, ce premier laboratoire européen dédié à la recherche ouverte en IA, soutenu par le Groupe Iliad, le Groupe CMA CGM et Schmidt Futures, se lance avec une ambition claire : développer des modèles multimodaux avancés et repousser les frontières de l’IA. Cette ère nouvelle, marquée par l’ascension de Faraday et l’émergence de Kyutai, incarne l’aube prometteuse d’une intelligence artificielle française résolument innovante et influente, signalant un future optimiste où la France s’impose comme un acteur clé sur l’échiquier mondial de l’IA.

Nicolas Chevalier pour le Club Data de l’AEGE

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