L’intelligence artificielle révolutionne l’usage des drones de combat, redéfinissant les stratégies militaires et les équilibres géopolitiques. Si ces innovations promettent des avancées décisives, elles posent aussi des limites techniques et éthiques majeures.
Les drones de combat à l’ère de l’IA
Depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, l’utilisation des drones autonomes est devenue un enjeu central au sein des champs de bataille modernes. Dans cette guerre des drones, les systèmes s’imposent au cœur des opérations de reconnaissance, de surveillance et de ciblage. Véritable symbole de puissance technologique et militaire, les drones impactent les infrastructures ennemies et peuvent changer l’issue du conflit. Dans cette course à l’armement, ce sont ces technologies avancées qui seront décisives, en particulier la robotique, la guerre électronique et l’intelligence artificielle (IA). L’émergence des drones de combat, combinée aux avancées rapides de l’IA, transforme profondément le domaine militaire. Initialement conçus comme de simples appareils téléguidés, les drones se sont métamorphosés en systèmes semi-autonomes capables d’accomplir des missions complexes. Par exemple, la société Anduril vient de présenter sa nouvelle gamme de drones autonomes Bolt, avec une version Bolt-M, capable de transporter des explosifs pesant jusqu’à 3 lb (1,3 kg). Dans ce cas-là, l’intelligence artificielle permet aux drones de tuer.
Les enjeux techniques de la dronisation : la robotique et l’intelligence artificielle
L’essor des technologies liées à la dronisation repose sur deux piliers principaux : la robotique et l’intelligence artificielle. Ces avancées permettent d’envisager des missions autrefois impossibles, telles que le vol en patrouille, la reconnaissance autonome ou la navigation dans des espaces confinés sans assistance extérieure. Les chercheurs, industriels et centres militaires jouent alors un rôle clé. L’ambition est double : d’une part, garantir la souveraineté, la gouvernance, l’indépendance technologique et la pertinence tactique ; d’autre part, développer des systèmes intelligents basés sur des algorithmes avancés, intégrés à des plateformes peu coûteuses. Deux défis majeurs doivent être relevés : assurer la fiabilité des systèmes d’IA pour éviter des défaillances critiques et garantir leur traçabilité afin de comprendre et maîtriser les décisions prises par ces systèmes autonomes. L’intelligence artificielle joue donc un rôle clé dans l’évolution de la dronisation, agissant comme un programme de coordination sophistiqué pour gérer une masse d’objets en interaction dynamique avec leur environnement et leurs cibles.
Pour autant, l’opérateur humain reste essentiel pour la coordination et l’intervention humaine nécessaire pour la décision à l’instant T. La planification des missions se fait donc en amont, avant toute intervention. Cela inclut l’attribution des cibles et la gestion des trajectoires. Toutefois, à mesure que ces technologies atteignent un niveau de maturité avancé, une problématique majeure semble émerger : celle de la saturation des capacités de combat collaboratif, où la gestion de multiples systèmes intelligents sur le champ de bataille devient difficile. Un exemple concret de cette évolution technologique est le drone kamikaze Shahed 136 iranien, fréquemment utilisé par la Russie sur le front ukrainien.
Une coordination décentralisée
Chaque drone peut répartir intelligemment les tâches au sein du groupe. Cette approche garantit une répartition efficace des zones à couvrir et une adaptation rapide face aux imprévus. « Par exemple, s’il y a une zone à sécuriser avec six drones, chacun prendra en charge une partie spécifique » explique Anthony Larue, directeur IA chez Thales. Dans des missions où la réactivité est essentielle, cette collaboration entre drones s’avère particulièrement précieuse. Si un drone détecte une menace ou subit une défaillance, les autres ajustent instantanément leur trajectoire pour compenser. Cette coordination garantit la continuité des opérations malgré les obstacles. L’autonomie des essaims améliore également la rapidité d’exécution des missions et libère également les commandants qui peuvent alors se concentrer sur les décisions stratégiques. Les opérateurs humains, eux, évoluent vers un rôle de superviseurs, laissant les tâches tactiques aux drones autonomes.
Une efficacité tactique renforcée
Une étude du Département de la Défense américain en 2018, Swarm Weapons: Demonstrating a Swarm Intelligent Algorithm for Parallel Attack, révèle leurs potentiels tactiques. Selon cette étude, une attaque en essaim peut atteindre des objectifs militaires avec moins de ressources et réduire les risques pour les forces attaquantes. La force des essaims réside dans leur capacité à multiplier les attaques simultanées pour affaiblir l’efficacité des défenses adverses. L’intelligence artificielle renforce cette efficacité en répartissant divers rôles au sein des drones : reconnaissance, neutralisation ou leurres. L’identification des cibles et l’évaluation de défenses ennemies font partie des capacités clés de l’utilisation d’essaim de drones. « Ils ne se limitent plus à des missions préprogrammées », explique Anthony Larue, directeur IA chez Thales, avant d’ajouter « Désormais, [les drones] participent à la construction de plans d’intervention en temps réel ». Ces stratégies d’attaques massives et coordonnées, appuyées par des essaims intelligents, donneraient la priorité à la supériorité technologique et à une répartition optimale des rôles. La supériorité technologique peut aussi représenter un risque de brouillage du système et/ou d’interception face à l’augmentation de la quantité de drones.
Quelles conséquences ?
L’intégration de l’intelligence artificielle dans les drones de combat marque une accélération notable de l’intensité des conflits. Les puissances militaires devront non seulement perfectionner leurs propres systèmes autonomes, mais aussi anticiper des contre-mesures face à des adversaires équipés de technologies similaires. La supériorité militaire ne dépend plus uniquement du volume des forces ou de la puissance de feu, mais aussi de la capacité à exploiter pleinement des outils tels que l’IA et les drones autonomes. D’après Anthony Larue, ces innovations participent à la course à l’armement, mais ne bouleversent pas les doctrines militaires puisque « Les drones autonomes enrichissent l’arsenal comme un outil parmi d’autres, au même titre qu’un missile ou un char ». Ces technologies, aussi avancées soient-elles, restent donc pour le moment un moyen parmi d’autres pour atteindre des objectifs tactiques.
Hugo Brogli et Lou Rochambeau pour le club data de l’AEGE
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