Quel avenir pour Florange ?

Lors de la Journée de l’Intelligence Economique d’Entreprise, qui s’est tenue à Polytechnique, le 22 novembre dernier, Pascal Faure (photo), vice-Président du Conseil Général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies au ministère de l’Economie est revenu sur le rapport qu’il a rendu au ministre Montebourg, concernant la sidérurgie, l’avenir du secteur et du site de Florange

Ce qu’est la sidérurgie : produits et techniques
L’acier est un produit de base pour l’industrie, 27 % de cette production est destinée à la construction, le reste concerne principalement l’industrie mécanique et l’automobile. L’acier concerne 91% des métaux produits, l’unité en est le million de tonnes. La production mondiale atteint 1500 millions de tonnes, la France représente 1% de la production, l’Europe 12%.

L’acier peut être produit selon deux filières principales :
– la filière fonte, ou intégrée, dans laquelle la fonte produite à partir de charbon (coke) et de minerai de fer est transformée en acier par oxydation. Cette filière permet de bien maitriser la composition finale de l’acier, et est donc utilisée pour les produits les plus spécifiques (tôle automobile par exemple) ;

– la filière électrique, dans laquelle de la ferraille de recyclage est refondue dans des fourneaux à arc électrique. Ce processus implique une certaine part d’imprécision et d’impuretés dans le produit fini et n’est donc pour le moment pas adapté à la fabrication des produits les plus techniques.

Le marché de l’acier : Evolution de la production depuis l’après – guerre
Durant les Trente glorieuses, les productions mondiale et européenne étaient corrélées. Après 1975, il y a une stagnation de la production dans le monde mais la production de l’Europe se tasse davantage. Depuis 2000, avec l’apparition de la Chine, il y a un boom de la production, et un affaiblissement de l’Europe. La capacité chinoise en progression, est désormais équivalente à la production européenne. Le prix a de l’acier été multiplié par 8.  En 2008, avec la crise économique, un décrochement de la consommation a été observé. La consommation,  stable jusqu’en 2008, a diminué de 50%, depuis on assiste à une lente remontée. Aujourd’hui, le niveau de la production est de 25% en dessous de la production précédant la crise de 2008.

Des résultats dégradés pour les grands groupes : ArcelorMittal et Thyssen Group, Riva. Les meilleures performances sont plutôt chez les producteurs de niches : Voestalpine ou Salzgitter, qui s’en sortent en fournissant des produits à forte valeur ajoutée. Les opérateurs intégrés (mines/sidérurgie) : Severstal, CSN sont dans une bonne conjoncture.

Situation particulière d’ArcelorMittal
Dans un contexte économique contraignant, ArcelorMittal oriente actuellement sa stratégie autour d’un nombre réduit de priorités, parmi lesquelles figurent le développement amont dans le secteur minier, ce qui permet de dégager des marges supérieures susceptibles de soutenir la capacité d’investissement de l’ensemble du groupe, la focalisation des produits principalement vers le secteur automobile et l’assainissement de son bilan aujourd’hui affaibli par un lourd endettement.

Florange : le site intégré est viable
C’est dans ce contexte que doit s’organiser l’avenir du site de Florange. L’avenir du site doit reposer sur la mise en valeur de ses atouts incontestables : sa localisation favorable, à proximité de clients importants dans le domaine automobile (constructeurs français et allemands). Florange a un avenir assuré  parce que le site est proche des usines automobiles de la région, ses principaux clients, mais le problème essentiel est l’absence de minerais à proximité, ce qui affaiblit sa rentabilité. Ses savoir-faire et sa capacité à produire des aciers de haute technicité, notamment pour l’automobile et l’emballage, les brevets du groupe et la proximité du centre de recherche et développement de Maizières-lès-Metz (principal centre de R&D d’ArcelorMittal dans le monde) qui lui assure une capacité d’innovation capitale.

Le salut par l’innovation, Ulcos
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Pascal Faure a insisté sur la nécessité  d’innover afin de préserver cet avantage compétitif. Le moyen de cette innovation serait un plan d’investissement important  dans les filières « chaude » et « froide », plan que réalise aujourd’hui partiellement l’accord du gouvernement avec Mittal. Mais les investissements prévus par Mittal sont moins ambitieux (document «fourre-tout», selon Le Monde) que le plan prévu par l’auteur du rapport. « Ce plan devrait permettre de compenser les retards d’investissement constatés ces dernières années, de conforter prioritairement les capacités de la filière froide, sans laquelle aucun avenir pérenne de Florange ne peut s’envisager, notamment pour la production automobile, de moderniser le train à chaud et de rénover les hauts-fourneaux », écrivait Pascal Faure.

Les innovations de rupture sont derrière nous, mais il y a néanmoins des pistes d’innovation envisageables :
Dans l’acier froid, l’automobile peut payer très cher des aciers résistants et très précis, légers aussi, disposant d’une bonne formabilité, résistance à la corrosion, la diminution du poids de la carrosserie, un faible cout de fabrication.
Dans l’acier chaud, le projet Ulcos pourrait être une solution, efficace et propre. Il faut savoir que pour une tonne d’acier, deux tonnes de CO2 sont émises. Ulcos pourrait récupérer les gaz, utiliser le CO2, le traiter et le stocker en sous-sol. Pour accélérer le processus et pour économiser du minerai, c’est une nouvelle technologie plus rentable et plus écologique. Le maintien de la filière chaude de Florange dans un complexe intégré pourrait être rendu possible par la mise en œuvre du projet ULCOS (Ultra-LowCarbonDioxideSteelmaking) sur le site lorrain. Ce projet comprend deux volets : la partie aval repose sur le développement du procédé dit de capture et stockage du carbone (CSC) qui consiste à capter le CO2 rejeté dans l’atmosphère et à le stocker de façon pérenne en couche géologique profonde ; la partie amont, plus complexe, porte sur la transformation d’un haut-fourneau à recirculation des gaz dans le but d’optimiser le procédé de réduction du minerai de fer, permettant ainsi de réaliser des économies importantes d’énergie et de coke.  

S’il venait à être mis en œuvre à Florange, le projet garantirait la pérennité du site de Florange comme site de production intégré.

Malgré l’accord entre ArcelorMittal et le gouvernement, les conclusions du rapport restent d’actualité :
« Une prise de décision rapide est maintenant indispensable pour conforter l’avenir du site de Florange et restaurer la confiance entre l’ensemble des parties prenantes. Il est ainsi nécessaire que le groupe ArcelorMittal clarifie ses intentions et mette un terme à une période d’incertitude anxiogène pour les salariés, les sous-traitants et les différents acteurs locaux.
Dans ce but, un véritable dialogue stratégique devrait s’instaurer sans délai entre l’Etat et le groupe ArcelorMittal. Toutefois, si une telle démarche devait mettre en évidence une divergence irréductible entre la stratégie du groupe et l’intérêt des autres parties prenantes, il conviendrait d’examiner les perspectives d’évolution de l’actionnariat et le périmètre correspondant. »

Vous trouverez le rapport en cliquant ici

Rémy Berthonneau