L’appel du ministre belge de l’économie au boycott des entreprises Electrabel (GDF SUEZ) et Luminus (EDF) illustre les difficultés rencontrée par la Belgique pour mener une politique énergétique en bonne intelligence avec les entreprises opérant sur son territoire.
Ce vendredi 6 avril, Monsieur Johan Vande Lanotte a incité tous les consommateurs de gaz observant une augmentation de leur facture en avril à ne pas la payer et à en contester la légalité.
Le contexte réglementaire belge est actuellement instable pour le secteur de l’énergie. En janvier dernier, les entreprises de fourniture de gaz ont appris par les médias que le gouvernement belge inscrirait dans la loi un gel de leurs prix. Le 29 mars paraissait une loi fixant les dispositions de ce gel tarifaire du 1er avril à la fin 2012. Le premier jour fixé par la loi, plusieurs fournisseurs de gaz ont revu à la hausse leur tarif de manière à ne pas vendre à perte pendant la période.
L’ire du gouvernement belge contre les fournisseurs d’énergie, déclenché cette fois-ci suite à l’augmentation tarifaire inopportune, n’est qu’une des multiples manifestions des difficultés relationnelles entre le gouvernement et les énergéticiens. Coup sur coup, l’annonce de la fin du nucléaire dans l’accord gouvernemental, puis, le gel des tarifs destiné à préserver le pouvoir d’achat, placent les activités des énergéticiens sous les feux des politiciens belges.
Des liens entre l’Etat et les entreprises se révèlent utiles pour réaliser une politique énergétique. La fourniture de gaz dépend en particulier du mode d’approvisionnement. L’approvisionnement en gaz est du ressort de midstreamers dont la gestion du portefeuille gazier est centralisée au niveau européen. Le prix de leur gaz dépend surtout de leurs relations avec les producteurs en Russie, en Algérie ou en Mer du Nord, et non de l’ire d’un gouvernement de leurs marchés de consommateurs.
Dès lors, quel poids peut être donné à un gouvernement national dont les décisions ne l’engagent pas au-delà de son électorat ? La souveraineté d’un Etat dépend de son implication matérielle, et non plus seulement médiatique ou législative, auprès des midstreamers. Comme le prix et la sécurité d’approvisionnement de chaque midstreamerdépendent de leurs fournisseurs, leur activité stratégique devrait plutôt être soutenue par une implication gouvernementale d’ordres diplomatique ou actionnarial.
Comment un énergéticien de niveau européen peut-il couvrir l’approvisionnement d’un pays à l’aide d’offres de gaz à prix fixes à destination de certains de ses clients finaux ? L’indépendance d’une entreprise du secteur repose sur sa capacité à fixer des marges entre chaque changement réglementaire. Son poids de midstreamer de niveau européen dépend aussi de la représentativité et de la cohérence des positions défendues pour chacun de ses marchés de clients finaux auprès des pays producteurs.
Ce conflit ouvert entre le gouvernement belge et les fournisseurs de gaz du pays interpelle sur le poids de ces entreprises stratégiques dans la souveraineté de la Belgique… et sur le poids du gouvernement souverain de Belgique dans la stratégie de ces entreprises.