Tabasco®, de la Louisiane aux Emirats : une marque dans l’ère du temps

La firme américaine Mc Ilhenny a su imposer son produit phare comme la référence sur le marché des sauces pimentées depuis plus d’un siècle grâce à une recette originale. Outre une stratégie de développement international rondement menée, l’entreprise familiale présente dans plus de 160 pays a su utiliser les moyens innovants de chaque époque pour protéger sa marque, tout en conservant l’esprit qui a fait sa réussite.

Retour sur une success story « Made in Louisiana ».
C’est en 1868 qu’Edmund McIlhenny commercialise sa première sauce à base de piment sous le nom Tabasco. A peine 5 années plus tard, une sévère crise économique frappe le monde entier et  contraint nombre de petites entreprises à mettre la clé sous la porte. C’est notamment le cas d’une autre entreprise américaine spécialisée dans les sauces : Heinze.

Poussées par l’augmentation de la consommation durant les années précédant la Grande Dépression, de nombreuses compagnies comme Heinze avait fait le pari d’augmenter leur production et d’investir dans des moyens de productions plus performants. Beaucoup se sont ainsi retrouvés en surproduction et n’ont pas été capable d’assurer une distribution nationale (au niveau Etats-uniens) du fait de l’augmentation des coûts de livraisons dus aux difficultés rencontrées avec la construction des lignes de chemin de fer.

A l’inverse, Mc Ilhenny à lui préféré se concentrer sur le perfectionnement de sa recette, à fait le choix de ne pas investir dans de nouveaux moyens de productions (qui signifiaient souvent automatisation) et n’a pas élargie sa gamme de produit préférant ne commercialiser qu’une seule sauce. La firme n’a ainsi pas contracté de dettes et a été plus à même que de nombreux concurrents ou entreprises d’autres secteurs de faire face à la crise.

En 1905, le Congrès américain a reformé le Trademark Act de 1881, ce qui à permis aux entreprises en situation de monopole d’appellation d’une marque depuis les dix dernières à s’enregistrer pour obtenir un trademark. La firme McIlhenny s’est battu durant plusieurs années pour faire reconnaitre son droit de jouissance exclusif sur l’appellation Tabasco. C’est finalement en 1920 qu’une décision de justice leur donne raison et que Tabasco reçoit son trademark. Un pas de plus est alors franchi dans le développement de la marque, et dans la sécurisation de sa place sur le marché américain.

Cette décision de justice met également un point final à la lutte opposant la famille McIlhenny à Maunsel White sur la détention de la marque Tabasco. En effet, dès 1853, Maunsel White aurait commercialisé une sauce pimentée sous le nom « Maunsel White’s Concentrated Essence of Tobasco Pepper », soit quatre années avant que le produit d’Edmund McIlhenny n’apparaisse sur le marché. Deux arguments sont alors avancé par la famille McIlhenny pour justifier l’acquisition de son trademark : Premièrement, le public n’aurait pas assimilé le terme « tobasco » au produit de M. Whithe, mais le terme « Maunsel White’s ». Enfin, le concurrent a arreté la production de sa sauce pimentée en 1870, ce qui à laissé la famille McIlhenny seule utilisatrice du terme « tabasco » durant les 30 années précédent la réforme du Trademark Act de 1881, alors que la réforme n’exige que 10 années de jouissance exclusif de la marque.

La firme américaine à également su rapidement se montrer dans les médias, par des campagnes publicitaires papier comme cela était d’usage au début du 20ème siècle, mais également au cinéma et ce dès ses balbutiements. La petite bouteille rouge apparait ainsi dès 1901 dans un film américain intitulé « Aunt Jane », ou encore dans le film de Charlie Chaplin « The immigrant » en 1917 avant de développer des films commerciaux dans les années 50, puis des publicités destinées au petit écran à partir des années 80. Toujours bien positionnée dans la culture américaine, des références à la marque sont présente dans des blockbusters américains (L’homme au pistolet d’or – 1974, Retour vers le Futur 3 – 1990) et également dans des séries américaines populaires (Roswell – 1999, Scrubs – 2001…).

Mais Tabasco est aussi une affaire militaire. Certaines rumeurs assurent que le développement de la marque dans le Nord Est américain tient au rôle du Général Hazard et de son cousin qui y était bien implanté. Le Major John C. Henshaw, responsable des ventes à la fin du 19ème siècle à également joué un rôle déterminant puisqu’il a convaincu les revendeurs de distribuer le produit de la famille McIlhenny dans le reste des Etats-Unis et a ainsi fortement contribué à la conquête de nouveaux marchés. De même, le dirigeant de McIlhenny durant les années 40 était Walter McIlhenny, brigadier général doublement décoré durant la seconde guerre mondiale. Il est l’auteur durant la guerre du Vietnam d’un livre de cuisine pour les soldats intitulé « Charley Ration Cookbook; or, No Food Is Too Good for the Man up Front ».

Une affaire militaire, car depuis 1993, la petite bouteille rouge est présente dans chaque ration de l’armée US (MRE : Meal Ready to Eat). Au-delà de satisfaire les attentes gustatives des soldats, le produit aurait d’autres vertus bienfaisantes. Le Cayenne contenu dans la sauce agirait comme un antidouleur puisqu’il bloquerait un composant chimique impliqué dans la transmission de la douleur, il agirait également comme une aspirine naturelle puisque le Cayenne est riche en Salicylates, et soignerait les maux de gorge. Le Tabasco devient alors une petite recette miracle pour l’armée qui en préconise ces usages aux soldats américains, tout en ancrant la marque comme un pilier culturel du pays. Une capacité de lobbying importante donc pour cette marque qui a possédé de nombreux liens avec l’institution militaire américaine tout au long de son histoire.

Toute cette success story aurait pu connaitre une issue tragique si McIlhenny n’avait pas été en mesure de protéger ses moyens de productions face aux dangers naturels. Basée à Avery Island, en Louisiane, la firme à du affronter de nombreux ouragans, tempêtes et autres crus.
Déjà en 1992, l’ouragan Andrew avait fait des dégâts dans l’usine et sur les récoltes, contraignant le site d’Avery Island à suspendre sa production créant l’inquiétude parmi ses distributeurs et revendeurs. Cet incident à permis à l’entreprise familiale de développer une communication de crise efficace depuis lors en matière de protection contre les menaces naturelles. Ceci a été particulièrement bien illustré en 2008, lorsque l’ouragan Gustave menaçait la zone d’Avery Island. Un communiqué de presse à alors fait état de toutes les mesures effectuées sur le site ces dernières années (notamment suite aux ouragans Rita et Katrina) pour protéger les moyens de productions et les matières premières de l’entreprise Pour rassurer ses partenaires, la société McIlhenny aborde les récentes digues construites sur son site ainsi qu’un système de pompage d’eau pour ne pas rééditer l’incident de 1992.



Bien que la production ne se cantonne plus au seul site d’Avery Island depuis une pénurie de récolte durant les années 60, le site situé en plein sur le chemin des tempêtes tropicales revêt l’aspect d’un symbole. En cas de problème majeur, McIlhenny peut compter sur des fournisseurs de piments issus de plusieurs pays d’Amérique du sud (Mexique, Colombie, Honduras, Venezuela…), et sur des entrepôts de stockages disséminés dans le monde (une vingtaine dans les années 1990). La firme possède ainsi une stratégie d’approvisionnement sécurisée tout au long de l’année, ce qui n’est pas sans importance pour une entreprise qui peut produire 700 000 flacons de Tabasco par jours et qui approvisionne le monde entier.

C’est fort de toutes ces réussites que le groupe opère sa première acquisition en 1991 en achetant « Trappey’s Fine Foods », spécialisé dans les sauces et concurrent de Tabasco avec son produit « Red Devil Pepper Sauce ». Présidée alors par Edward McIlhenny, cette acquisition s’inscrit dans une stratégie de diversification de l’offre commerciale de l’entreprise familiale. Depuis lors, 7 produits sont commercialisés sous l’appellation Tabasco par le groupe McIlhenny et sa domination du marché américain et international ne semble plus pouvoir être remis en cause. La famille louisiane à finalement bâtit un empire mondial à partir de piments, de sel et de fûts de chêne.



Tabasco envisage le Web comme un réel espace d’interaction avec des partenaires et clients. En plus de posséder un site réservé uniquement aux professionnels de la restauration et aux restaurants souhaitant distribuer les produits de la marque (http://www.tabascofoodservice.com/), Tabasco possède également un site dédié uniquement aux producteurs alimentaires (tabascoingredients.com), ainsi qu’un réseau de site de fans, tous accessibles depuis le site de la marque (tabasco.com). Comme le souligne Paul C P McIlhenny, actuel président de McIlhenny : « it just makes sense to offer accessible information via the World Wide Web”. 
C’est avec cette vision que Tabasco à développé sur son site deux sections dédiées à son e-réputation: Myths et FAQ.

Dans ces pages, Tabasco donne sa vision de l’histoire, répond aux rumeurs et fait porter sa voix. Un formidable outil de communication, mais également une marque de transparence susceptible de rassurer le consommateur, et de cultiver l’image familiale, locale et responsable de la firme pimentée.

Ses récentes implantations aux Emirats Arabes Unis et au Sultanat d’Oman démontrent une fois encore les capacités de la marque de pénétrer de nouveaux marchés rapidement, en s’appuyant sur des réseaux de distributeurs efficaces. NTDE (National Trading and Developpment Est – possédant déjà des clients comme Davidoff, Haagen Dazs Ice Cream ou Cadbury Chocolates), chargé du développement de la marque dans ces deux pays  parlait en 2010 « d’une autre success story qui débute en termes de parts de marché et de distribution numérique». L’année suivante, en 2011, Tabasco récompensait NTDE comme le meilleur distributeur mondial pour ses performances aux Emirats Arabes Unis où le volume numérique de distribution et des ventes à triplé en une année. Mission accomplie pour une marque qui ne vise que des développements durables sur un marché  de niche.

Benjamin Podvin