Guy Gweth : « Le président Biya doit trouver autre chose à vendre aux Français »

A l’occasion de la visite de travail du chef de l’Etat camerounais à Paris à partir du 28 janvier 2013, Radio France internationale (RFI) a interrogé Guy Gweth, consultant en intelligence stratégique, sur la réalité des échanges commerciaux entre la France et l’Afrique. Verdict : « le Président Biya doit trouver autre chose à vendre aux Français. »

Trois idées forces ont ponctué l’interview du fondateur de Knowdys au micro de Jean-Pierre Boris:

Le Cameroun reste le moteur de l’Afrique centrale
Pour Guy Gweth, « la réalité des relations commerciales entre la France et le Cameroun va au-delà de ce que les politiques veulent nous faire croire […] Aux yeux de Paris, le Cameroun n’est ni le Gabon (son premier partenaire économique dans la zone CEMAC) ni la Côte d’ivoire (son premier partenaire au sein de la zone franc), encore moins le Nigeria (son premier partenaire économique en Afrique subsaharienne).

« Mais le Cameroun pèse tout de même 35% du PIB de la communauté économique des Etats d’Afrique centrale, poursuit le fondateur de Knowdys. Il représente donc un intérêt réel pour les entreprises françaises. De plus, sa position stratégique au fond du golfe de Guinée fait que le pays est la porte d’entrée vers les marchés centrafricains, tchadiens et même congolais.

« A ce jour, on compte environ 200 entreprises tenues par des ressortissants français et près de 120 filiales d’entreprises françaises sur le territoire national […] D’Orange à Bolloré en passant par Casino, GDF-Suez, Perenco ou Lafarge, etc., ces entreprises sont présentes dans divers secteurs de l’économie locale : agroalimentaire, assurance, banque, ciment, bois, BTP, télécommunications, hydrocarbures, logistique, etc. Elles emploient des milliers de Camerounais, précise l’expert.»

La concurrence chinoise et américaine fait reculer les Français
Le fondateur de Knowdys estime que « les entreprises chinoises ont causé beaucoup de tort aux intérêts français durant la décennie écoulée en s’appuyant sur une diplomatie du chèque absolument redoutable. Cela ne va pas s’arrêter, prédit l’expert. Avec 536 milliards FCFA octroyés en 2011, China Exim bank, le bras financier de la diplomatie économique chinoise est devenu le premier créancier du Cameroun en 2011, ce qui place les Chinois dans une position quasi dominante sur certains segments du marché camerounais… »

Du côté américain, Guy Gweth fait observer qu’ « en 2011, le volume des échanges entre le Cameroun et les Etats-Unis s’est chiffré à 538 millions USD, un chiffre en constante augmentation. Grâce à l’AGOA (African Growth and Opportunity Act), les exportations camerounaises aux Etats-Unis ont franchi la barre des 86,5 milliards de FCFA, l’équivalent d’une augmentation de 26% du volume des transactions entre les deux pays. » Pour le consultant international, « les demandes de conseils aux investisseurs américains désireux d’investir au Cameroun n’ont jamais été aussi importantes qu’au cours des 36 derniers mois. »

Le président Biya devra trouver autre chose à vendre aux Français
« Les chefs d’entreprises étrangers que nous accompagnons consomment l’argument de la stabilité politique depuis 30 ans, confie le spécialiste des marchés africains à RFI. C’est pertinent mais insuffisant. Le président Biya devra trouver autre chose à vendre aux Français. Les entreprises européennes et américaines attendent concrètement que le chef de l’Etat camerounais les rassure sur sa capacité à assainir le climat des affaires, à lutter durablement contre la corruption et à préserver leurs intérêts face au rouleau compresseur chinois. »

D’après les données confirmées par Knowdys au quatrième trimestre 2012, les importations françaises en provenance du Cameroun portent essentiellement sur les matières premières telles que l’aluminium, le bois, le pétrole, les bananes et le cacao (+31%). A l’inverse, le Cameroun importe principalement des produits agricoles, des produits pharmaceutiques, des machines industrielles et du matériel informatique.

Lors de sa rencontre avec le patronat français le 31 janvier 2013 au siège du MEDEF à Paris, le chef de l’Etat camerounais sera notamment accompagné des ministres de l’Economie, de l’Agriculture, des Mines et de l’industrie, des Petites et moyennes entreprises du Cameroun.

Fondateur de Knowdys, 1er cabinet d’intelligence économique et due diligence spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, Guy Gweth est responsable de la conférence « Doing business in Africa » à l’Ecole Centrale de Paris. Plus d’infos sur www.knowdys.com.

Awa DIALLO
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