Le rapport entre SXSW et la guerre économique ne frappe pas d’emblée. Pourtant, derrière cet acronyme se cache un festival triple, qui de la musique au cinéma en passant par les nouvelles technologies, fait figure d’avant-garde des cultures indies.
Celles-ci infusent tranquillement avant de devenir, souvent, des tendances mondiales. De là à y voir à nouveau le soft power à l'américaine, il n'y a qu'un pas, que nous vous proposons de franchir.
C'est la seconde année que je vais à SXSW. La première fois, c'est trop grand, trop fou, trop de conférences, avec près de 1000 événements en 5 jours, dont les nuits ne sont pas de tout repos. Cette année, c'est à la fois pour faire découvrir ce festival peu connu aux internautes francophones et pour analyser la réussite de l'écosystème d'Austin, qui accueille le festival.
Les leçons sont nombreuses, et presque toujours à sens unique: les Etats-Unis sont décidément très en avance sur les technologies mais encore plus sur l'esprit qui les invente, et la France fait pâle, pour ne pas dire pathétique figure au milieu d'autres nations (Québec, Allemagne, Grande-Bretagne, Corée du Sud, Canada, Singapour) bien organisées pour tirer profit de la messe des early adopters.
Pour rappel et rapide cadrage, SXSW attire chaque année près de 30 000 visiteurs de 70 pays pour la conférence dite "Interactive", dédiée aux nouvelles technologies. Les grands noms du web et des médias sociaux y sont tous, de Twitter ou Foursquare qui y ont véritablement éclos en 2007 et 2010, à Google, Samsung…
Si le festival est bien trop complexe pour être résumé en quelques lignes, on retiendra tout de même les enseignements suivants au prisme de l'intelligence économique :
– Les technologies américaines ne sont qu'un outil. Derrière, c'est une véritable idéologie de l'émancipation, de l'innovation, de l'accès à la connaissance, de l'influence qui joue le rôle de moteur. Quand Elon Musk, le fondateur et PDG à succès (Tesla Motors, SpaceX, Paypal…) évoque la conquête spatiale, c'est pour contraindre la NASA à relancer ses budgets en "excitant", dit-il lui même, la population. Quand les fondateurs de LeapMotion, l'interface sans contact, raconte la philosophie derrière l'outil, c'est pour mettre en avant un mode de connaissance intuitif, qui se joue des langues et des apprentissages.
– La France est à la rue, pas loin du caniveau. Les Britanniques ont à la fois un énorme stand à l'exposition officielle, et une "British Music Embassy" en pleine ville pour attirer les fêtards en quête de pop UK. Les Allemands ont associé à leur marque "Wunderbar" une "German Haus" dans une maison de caractère, qui accueille les ressortissants allemands tous les jours, propose de la conférence, du wifi et des bières. Les Coréens se jouent d'eux-mêmes en proposant 7 startups à l'expo officielle, toutes rassemblées sous le nom de scène "Geeks form Gangnam". La France ? Une centaine de pèlerins, fragmentés en petits groupes, jamais plus d'une dizaine, sans lieu officiel, se rencontrant dans les couloirs, la rue, et la baraque à frites. A la bonne franquette, mais sans aucun désir d'innover, d'aller chercher les idées de SXSW ou d'y montrer les savoirs français dans le numérique, pourtant nombreux (Dailymotion, Deezer, Vente-Privée ou Criteo pour citer quelques grands noms).
Ce qui apparaît parfois comme le "Woodstock des geeks" est en fait une véritable foire à l'innovation, où chacun est invité à partager, "pitcher", proposer, discuter. Le modèle américain fonctionne à fond, la simplicité des contacts et l'envie de faire des affaires profitent à fond de l'ambiance décalée, de la bière gratuite et du climat texan. En espérant qu'en 2014, on y trouve une France audacieuse plutôt qu'une poignée de Gaulois curieux et frustrés de ne pas avoir de présence commune.
Vous pouvez retrouver d'autres témoignages et cette frustration de Français qui ne comprennent pas que l'on soit si absent d'un rendez-vous incontournable. Voir la tribune de l'entrepreneur Cédric Giorgi dans PetitWeb, ou l'article de Cécile Fandos dans l'Usine Nouvelle.
Martin Pasquier