« L’information doit être fraîche et pertinente », entretien avec Sylvain March, trader indépendant

Discipline transverse, l’IE est vouée à offrir aux acteurs économiques qui s’y intéressent les outils pour créer ou recréer leurs axes de développement. Qu’en est-il des marchés boursiers, tant décriés par les crises successives depuis 2008 pour leur déconnexion avec la réalité ?

Sylvain March est un trader indépendant depuis 2008. Informaticien de formation, son intérêt pour les marchés boursiers a débuté en 2002, à une époque où les technologies disponibles ne pouvaient rivaliser avec l’intelligence humaine pour l’analyse des marchés. C’est avec amabilité que celui-ci a bien voulu répondre à nos questions concernant les liens entre les méthodes de l’IE et les besoins d’informations pour la bourse.

Quelle est selon vous la place de l’intelligence économique sur les marchés boursiers ?

L'intelligence économique occupe une place de premier rang sur les marchés boursiers. Depuis la création de la bourse, les démarches de collecte, d'interprétation et d'exploitation des données économiques et financières des entreprises,  sont intrinsèquement liées à la démarche du spéculateur autant que de l'investisseur. En un sens, les analystes boursiers faisaient déjà de l'IE, avant même que l'IE ne soit définie comme un domaine d'étude en tant que tel.

Dans votre métier avez-vous recours à des outils ou des méthodes d’intelligence économique ?

Oui, et c'est même la norme pour tout professionnel de marché sérieux. L'information est le nerf de la guerre : elle doit être fraîche et pertinente. Par conséquent les outils et méthodes pour la collecter doivent être performants et à jour par rapport à la concurrence. D'ailleurs tout un pan de l'industrie boursière ne vit pas des plus values mais de la mise à disposition de ce genre d'outils pour les acteurs directs. Il en va de même pour la méthodologie : des process précis sont définis dans le traitement de la chaine de l'information, et quand un trader l'obtient pour l'aider dans ses décisions, il s'agit d'une information "raffinée" par de nombreux maillons en amont, pour lui faire gagner du temps. S'ajoute à cela enfin la méthodologie d'interprétation des informations économiques, qui a fait couler beaucoup d'encre et continuera encore à le faire. La formation adéquate, autant pour le professionnel que le particulier, reste la clé du succès.

Les médias jouent-ils un rôle concret sur les valeurs boursières ?

Oui, et bien plus qu'on ne le pense. Internet a révolutionné la nature de ce qu'est un média, en permettant à toute personne de devenir elle même vecteur d'informations parfois très écoutées, comme chez les blogueurs à succès. Les médias influencent grandement les décisions des investisseurs, et les décisions des investisseurs sont le terreau du contenu produit par les médias. Le cycle est sans fin et à même parfois tendance à créer des effets boule de neige. On pourrait penser aussi qu'avec l'arrivée des algorithmes de trading et du High Frequency Trading, le poids de l'avis humain allait baisser, mais ce n'est pas le cas. Il ne faut pas oublier que les actions des humains restent la source de la création de "l'information", par nature volatile et imprévisible.

En tant que trader indépendant, est ce que le fait d’utiliser des méthodes d’intelligence économique pour anticiper les mouvements sur le marché constitue un délit d’initié ?

Non, à partir du moment où le code de déontologie est respecté. Selon la définition de l'IE de Christian Harbulot : "L’intelligence économique se définit comme la recherche et l’interprétation systématique de l’information accessible à tous, afin de décrypter les intentions des acteurs et de connaître leurs capacités." Cette définition est directement applicable au travail de l'analyste financier, qu'il soit technique ou fondamental. Dans ce cadre, les lois du genre définies par l'AMF sont respectées.

Pensez-vous qu’une formation en intelligence économique couplée de compétences financières ou commerciales est appropriée pour être trader ?

Tout à fait. Le travail de l'Intelligence Economique et son champ applicatif "polymorphe" en font un outil profitable au métier de trader, et va probablement plus loin dans la méthodologie systématique. En ce sens la formation à l'IE a des choses à apporter aux professionnels de marché, au delà de leurs bases intuitives et de bon sens.

Vous êtes aujourd’hui reconnu comme un modèle pour beaucoup de traders professionnels et débutants qui veulent se lancer à leur propre compte, quels conseils leur donneriez-vous ?

Ayez soif de connaissances, soyez motivé et surtout persévérant. N'écoutez pas trop les avis des autres et développez votre personnalité et votre propre style : le succès est dans la spécialisation. Egalement, le réseau dans le milieu de la finance n'est pas si fermé qu'il en a l'air. Les personnes volontaires et compétentes sont généralement accueillies avec beaucoup d'ouverture, pour peu qu'on se donne la peine de frapper aux bonnes portes avec quelques idées.

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Interview réalisée par William Ndja Elong