Le Portail de l’IE a rencontré Hakim Ali Aichouba, Co-fondateur de la société d’intelligence économique RI-Services, spécialisée dans le business développement au Maghreb et plus spécifiquement en Algérie. Il nous détaille ici ses activités et en quoi l’essor des investissements en Algérie entraîne un besoin en services d’intelligence économique.
Bonjour Hakim Ali Aichouba, vous avez Co-fondé RI-Services en 2012, pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a poussé à créer votre société ?
Après un diplôme en intelligence économique et en management des risques, je me suis orienté vers un parcours d’analyste puis d’opérationnel à l’international pour un grand cabinet de conseil français spécialisé dans le développement à l’international. Cette expérience m’a aidé peu à peu à me forger une conviction : limiter l’intelligence économique à l’échelon du marché domestique peut être, dans certaines activités, réducteur. La mondialisation ayant fait émerger une concurrence internationale, il faut aider les entreprises à conquérir des parts de marchés dans d’autres régions du monde. Des efforts ont été faits, par les différents gouvernements français, ces dernières années pour sortir de la zone d’influence traditionnelle, l’Afrique francophone, pour se tourner notamment vers des marchés autrefois chasse gardée des Anglo-Saxons comme l’Inde ou l’Afrique du Sud. Il existe toutefois des angles morts : En Algérie notamment, la présence française est peu importante en comparaison des liens politiques et culturels qui nous lient à ce pays. L’Algérie est pourtant un marché clé en raison de ses fortes perspectives de croissance et la richesse de ses ressources naturelles.
Or, l’offre en termes d’intelligence économique sur le Maghreb est très peu développée. Il était donc nécessaire de créer une structure franco-maghrébine visant à aider les investisseurs français à développer leurs activités au Maghreb : RI-Services.
Avec quel type de clients travaillez-vous ?
RI-Services a vocation à répondre à toutes les demandes dans les domaines du développement international et de l’intelligence économique. Cependant, qui dit grandes entreprises dit obligatoirement lien avec la sphère politique. Or, par choix, nous ne souhaitons pas nous impliquer dans des négociations commerciales impliquant des tractations politiques au Maghreb. Cependant, de grandes entreprises nous mandatent pour réaliser des actions non pas de business développement mais d’intelligence économique pure sur l’espace maghrébin, comme la cartographie d’acteurs utiles à leur développement. Quand il s’agit de mettre au point une stratégie globale, nous préférons laisser la main. Les grands groupes ont souvent pour cela leurs propres ressources en interne.
Nos partenaires privilégiés sont donc les PME. RI Services œuvre au sein d’organisations patronales, notamment pour l’organisation d’actions de sensibilisation sur les marchés maghrébins et en particulier algérien. Travailler avec des PME permet de voir concrètement le résultat de son action. L’intelligence économique est un univers marqué par des problématiques de confidentialité et son pendant négatif, le cloisonnement de l’information. Quand l’information circule mal, il y a forcément une perte en terme de réactivité, et donc d’efficacité de la stratégie commerciale. Une PME ne peut pas se permettre une telle perte, elle a besoin de résultats concrets. Elle est obligée d’intervenir assez rapidement sur son marché. Je suis satisfait de voir la reconnaissance du client et de traiter en direct avec le chef d’entreprise, et voir le résultat concret de mon action.
Vous dites que l’Algérie est un pays en fort développement, pourriez-vous nous décrire les secteurs où il existe des opportunités d’affaires ?
Depuis le début des années 2000, les autorités algériennes ont mis en place trois plans de relance, afin de moderniser l’économie et sortir l’Algérie de sa dépendance aux ressources gazières et pétrolières. Ces plans ont pour objectifs de développer et de moderniser l’ensemble de l’activité économique dans le pays.
Les investissements couvrent tous les domaines, des énergies renouvelables à l’industrie du tourisme en passant par les transports et l’habitat, sans oublier l’agriculture, le traitement des eaux, les mines et les TIC…etc.
Le dernier plan couvrant la période 2010 à 2014 est doté d’une enveloppe de 286 milliards de Dollars orienté sur la continuité du développement des infrastructures.
De plus, l’Algérie est le premier pays africain par sa superficie, le troisième en termes de PIB. 70% de la population algérienne a moins de 30 ans. Ce développement économique entraîne donc des besoins, et à fortiori des opportunités dans tous les domaines.
Cependant, l’Algérie est encore au début de sa diversification économique, malgré une nette amélioration dans le climat des affaires et dans l’administration (création d’un guichet unique). Ces deux points peuvent apparaitre aux yeux de certains investisseurs étrangers comme des obstacles à la conduite des affaires.
Par ailleurs, l’Algérie fait des efforts pour adapter son cadre juridique des affaires avec les normes internationales. On note par ailleurs l’arrivée des grands cabinets conseils anglo-saxons ces dernières années les fameux (BIG FOUR). Ces derniers ont compris que l’Algérie était en quête de savoir-faire et d’expertise, aussi bien dans le domaine technique que dans le domaine juridique.
Justement, qu’en est-il de l’environnement d’affaires en Algérie ? Est-ce facile d’y investir ?
L’environnement légal s’améliore en Algérie, car le pays cherche à intégrer l’OMC. Elle doit donc conformer son droit commercial avec les standards internationaux. L’Algérie a par exemple modifié la date du weekend. Traditionnellement placé le jeudi et le vendredi, il a été décalé à vendredi et samedi dans un objectif purement économique : L’Algérie a plusieurs ports très importants, notamment ceux d’Alger, Bejaïa et Oran. Ces ports étaient pénalisés par quatre jours de weekend.
Un nouveau cadre légal a par ailleurs renforcé les droits des partenaires locaux. Pour les joint-ventures, une loi de type 49-51% a été instituée : Le partenaire algérien détient obligatoirement 51% des parts d’une joint-venture. Cette loi n’est cependant pas rétroactive : Les entreprises présentes sur le marché algérien avant l’instauration de cette loi (2009) sont épargnées. Les investisseurs français sont cependant réticents à investir en Algérie sans mesurer la fiabilité de leurs partenaires : RI Services assure donc des services de vérification de leurs compétences. Ce qui intéresse nos clients ce n’est pas leur capacité financière, mais bien l’étendue de leur réseau. Est-il en mesure de développer commercialement la joint-venture une fois que l’entreprise française a investi ? C’est, entre autre, l’une de nos activités phares, en intégrant la phase de mise en relation et d’accompagnement.
Les élections présidentielles de 2014 seraient-elles susceptibles de modifier l’environnement d’affaires en Algérie ?
Non, pour la partie qui intéresse nos clients, les réseaux d’affaires algériens sont stables et quelle que soit l’issue des élections, aucun changement à court terme n’est attendu. Un grand nombre de chefs d’entreprises algériens plaident pour la continuité des réformes économiques entreprises depuis plus de dix ans maintenant.
Dans ce contexte, quelle est la place de l’intelligence économique en Algérie aujourd’hui ?
L’Algérie a entrepris depuis de nombreuses années l’intégration de l’intelligence économique dans ses processus décisionnels. Nous pouvons constater qu’en très peu de temps des avancées majeures ont été réalisées : la nomination d’un Délégué Général, dédié notamment aux questions d’intelligence économique au sein du Ministère de l’Industrie, des PME et de la promotion de l’investissement ; l’édition d’un manuel algérien d’intelligence économique ; ainsi que l’émergence de nombreuses formations dédiées à l’IE. C’est dans ce contexte que RI-Services a vu le jour et s’est positionné comme le premier acteur de conseil en IE en Algérie.
Pouvez-vous nous nous donner un ou deux exemples de missions accomplies avec succès par RI-Services en Algérie?
Dans un pays très peu couvert par l’accès à internet et où la valorisation de l’information n’existe quasiment pas, le travail de collecte et d’analyse d’information que nous effectuons est des plus important. Nous avons par exemple réalisé une mission pour une PME française du secteur pharmaceutique qui cherchait à connaître son positionnement auprès des consommateurs Algériens. RI-Services a cherché à savoir quel était son degré de pénétration et a donc pour cela dessiné une cartographie de l’ensemble des réseaux de distributions des médicaments dans le pays, cartographie suivie d’une analyse des différentes données récoltées, pour la diffuser ensuite à notre client.
Nous avons aussi travaillé récemment pour le secteur du luxe : RI-Services a fait un travail de collecte de données sociétales, pouvoir d’achat, émergence de classes moyennes, place des 20-35 ans, afin d’en tirer une analyse et donner ainsi une vision précise et stratégique du potentiel du marché du luxe en Algérie à notre client.
Entretien réalisé par Aliette Jalenques