Pour le 73ème séminaire de recherche en intelligence économique, le Portail de l’Intelligence économique revient sur l’un des fondements de la décision au XXIème : la recherche de l’avantage stratégique.
A l’occasion du lancement de la nouvelle formation D21 – « Décider au XXIème siècle » de l’Ecole de Guerre Economique, Laurent Henninger – chargé d’études à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) et membre du comité de rédaction de la revue Guerres et Histoire –, Benoist Bihan – chercheur en recherche stratégique et rédacteur de la revue DSI – ont consacré ce séminaire de recherche à l’explicitation du rôle stratégique de la recherche de l’avantage stratégique. L’ambition de cette nouvelle formation : donner l’audace de l’apprentissage, et de la recherche, de cet avantage décisif.
Pour Laurent Henninger, si l’introduction des armes à feu a entrainé une modification d’ampleur dans l’art de la guerre, celle-ci s’inscrit dans un changement civilisationnel plus global de l’Occident. En effet, il est possible de constater les mêmes mutations dans les domaines économiques, religieux, artistiques, sociaux, politiques, géographiques. Il s’agit donc d’un processus global et sociologique nécessitant la création d’un appareil d’état moderne et l’avènement de principes nouveaux (par exemple ceux de la fiscalité moderne et de l’aménagement du territoire). L’ensemble de ces études l’ont poussé à réfléchir sur la notion de modernité en partant de phénomènes militaires.
Cependant, durant ce processus historique de 5 siècles, certains occidentaux et notamment les anglo-saxons ont su mieux profiter de ces évolutions. En étudiant le développement de la puissance anglaise il est apparu que ceux-ci savaient penser la puissance comme un phénomène global dépassant la notion de pouvoir : la puissance relève ainsi de la philosophie voire de la métaphysique. L’un des éléments qui apparait clairement est que l’Angleterre pense la puissance de manière différente en l’appuyant notamment sur la notion de réseaux.
Cette notion est essentielle dans l’avènement de la modernité en tant que le réseau n’est pas déterminé par un lieu. Les Anglais rechercheront donc à récupérer le monopole du commerce en devenant une puissance maritime et non plus « agraire ». La modernité s’incarne dans le monde en termes de deux espaces : fluide et solide. Solide c’est la terre, où ils vivent et font sociétés. Les espaces fluides sont la mer, l’air et peut être le cyberespace : ce sont des espaces isomorphes. Des espaces où l’homme ne peut pas vivre sans prothèses techniques. Or, le réseau s’épanouit réellement dans les espaces fluides en permettant la création de lieux virtuels permettant de s’orienter.
C’est sur la base de cette notion que l’on peut évoquer l’apparition de puissance post-moderne en tant que ce sont des puissances déterritorialisée de dimension planétaire incarnée par la city de Londres. Pour Benoist Bihan, l’époque connait néanmoins un véritable paradoxe. Même si l’on constate un approfondissement du réseau, celui-ci a de plus en plus de mal à devenir performatif.
In fine, la puissance par le réseau n’est plus l’apanage d’un pays : le jeu est beaucoup plus ouvert avec l’émergence de nombreux acteurs. Ce n’est plus le monopole des puissances occidentales. L’articulation entre territorialisation et déterritorialisation de la puissance connait aujourd’hui des mouvements contraires matérialisant ainsi de nouvelles voies dans la recherche d’un avantage stratégique.
Hugo Lambert