Le pro bono est-il un nouvel outil à disposition de l’entreprise ?

Peu connu en France, mais pratiqué par 94 des 100 plus grandes entreprises américaines, le pro bono permet aux entreprises de s’engager pour l’intérêt général. Au-delà des considérations philanthropiques, le pro bono offre également aux entreprises des avantages et des opportunités stratégiques.

Le pro bono, du latin « pro bono publico », désigne l’engagement de volontaires pour des causes d’intérêt général. La pratique est née dans les années 1970, lorsque des avocats décidèrent d’offrir leurs compétences gratuitement à des individus n’ayant pas les moyens d’avoir recours à de tels services. Aujourd’hui, il s’agit pour les entreprises de mettre à disposition un ou plusieurs collaborateurs pour des projets d’intérêt général, d’une durée plus ou moins longue. En France, le pro bono pratiqué par les entreprises recouvre des réalités différentes et est désigné par plusieurs appellations : mécénat de compétences ou bénévolat d’entreprises.

Le pro bono, outil RH et réputationnel

Le pro bono, comme le mécénat traditionnel, présente des avantages évidents en termes de réputation et d’image. Il permet à la fois de générer une image positive dans l’esprit du grand public mais également de prouver les compétences d’une entreprise. UPS fit par exemple très forte impression après le tremblement de terre japonais en mars 2011, en allouant ses propres ressources matérielles et humaines, pour aider la région de Tohoku après le drame. En France, Accenture prouve ses compétences en participant à des missions mettant en œuvre les compétences de ses salariés : le cabinet de conseil participe à des « marathons pro bono », organisées par l’association Pro Bono Lab, dans lesquels une équipe d’une dizaine de collaborateurs aide une association d’intérêt général à développer une nouvelle offre, mettre en place une stratégie de communication, rationnaliser le modèle économique etc.

Le pro bono, et surtout quand il s’agit d’un programme employant les compétences professionnelles de ses collaborateurs, représente également un atout significatif en termes de ressources humaines. Aux Etats-Unis, les agences de publicité expliquent que leurs campagnes pro bono permettent d’engager leurs collaborateurs dans des projets originaux, plus créatifs qu’à l’accoutumée et qui donnent un sens à leur travail quotidien. Beaucoup de ces agences affirment que ces campagnes sont « un outil significatif pour motiver l’équipe ». S’il permet de motiver les collaborateurs déjà présents, le pro bono permet également d’améliorer sa marque employeur et ainsi, de favoriser le recrutement de talents. C’est la raison pour laquelle des entreprises telles que la Société Générale ou Accenture en France, réalisent des missions pro bono (les marathons pro bono)  en partenariat avec des grandes écoles, telles qu’HEC ou Sciences Po. Le Barreau de Paris suit la même logique avec l’EFB. Aux Etats-Unis, une étude de 2012 montre que 65% des jeunes diplômés entrant sur le marché du travail expriment vouloir avoir un impact social et environnemental à travers leur profession.

Le pro bono, un outil stratégique

Au-delà de ces avantages RH et réputationnels, le pro bono devient un véritable outil stratégique à travers deux leviers : il favorise à la fois l’entrée sur de nouveaux marchés et l’innovation.

Epps Forensic Consulting PLLC est un cabinet de conseil en médecine légale basé en Arizona. Les collaborateurs de ce cabinet ont passé plus de 1000 heures à aider gratuitement les services de polices et de pompiers de l’Arizona sur des affaires. Cette démarche n’est pas entièrement altruiste et permet à la compagnie de se positionner sur le marché. D’autres services publics de régions différentes sont en effet susceptibles de formuler des appels d’offres pour de tels services: « Nous espérons apparaître comme une évidence », déclare le PDG. De la même manière Epps Forensic Consulting dispense des formations gratuites à la police et aux pompiers, en espérant les vendre à l’avenir.

IBM a, de son côté, mise en place un vaste programme pro bono  préparant son entrée sur des marchés internationaux potentiels, en Roumanie, au Ghana et en Indonésie notamment. En effet, son programme Corporate Service Corps soutient des PME dans le monde entier en envoyant les collaborateurs d’IBM dans des entreprises locales, ce qui permet à la fois de répondre à un problème social, mais également d’agréger des informations et des expériences du marché local ainsi que de diffuser une image valorisante d’IBM sur place. En travaillant avec les communautés et les gouvernements sur place, IBM s’offre un accès privilégié à ces marchés:  « Imaginez l’impact cumulé du travail de 386 000 collaborateurs d’IBM dans 170 countries » déclare Rosabeth M. Kanter, professeur à la Harvard Business School. L’Afrique du Sud est également un marché que la firme américaine entend développer. En avril 2013, IBM développe un programme pro bono lié à ce nouvel axe stratégique et envoie des employés venus de 12 pays différents à Pretoria pour une mission de consulting pro bono.

« Nous pensons que c’est une expérience qui accroît la diversité des façons de penser au sein de la compagnie et de la manière dont nos collaborateurs perçoivent le fonctionnement de notre société », Sir Andrew Witty, PDG de GlaxoSmithKline. L’approche du laboratoire pharmaceutique est en effet de créer un terreau fertile à l’innovation par le pro bono. GSK déclare dans le rapport annuel de son programme de pro bono, le GSK PULSE Volunteer Partnership, que 92% de ses salariés sont capables de créer et de conduire le changement au sein de GSK. De plus, 89% de ses salariés renforcent leur appétence pour la relation consommateur après leur participation dans le programme pro bono PULSE.

Même logique chez IBM et Pfizer : les programmes menés par leurs fondations respectives sont devenus cruciaux dans les stratégies des deux entreprises. Les missions pro bono développent les compétences des salariés, les amènent à acquérir une vision globale et une approche différente suite à l’expérience qu’ils ont connue dans un environnement particulier. En ce sens, elles sont intégrées dans les processus d’innovation des entreprises.

En conclusion, le développement de programmes pro bono est bien un moyen pour les entreprises d’œuvre à la résolution de problèmes sociaux et environnementaux pressants. Mais plus qu’une façon de répondre passivement aux exigences passives de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, le pro bono peut être utilisé de manière stratégique pour les entreprises.

Guillaume Meyer

Sources:

  • Demonstrating the business value of pro bono service, Pro Bono Lab et Taproot Foundation, 2012
  • Businesses’ pro bono work has bottom-line benefits, Phoenix Business Journal, 6 mai 2011

Pour aller plus loin: