Chasseurs de tête et intelligence économique

Les cabinets de conseil en recrutement sont de plus en plus nombreux sur le marché. Ces derniers, se revendiquant spécialistes ou multi-spécialistes se partagent le marché stratégique du recrutement de candidats à hauts potentiels. Afin de comprendre au mieux les évolutions et mutations liées à ce domaine d’activité stratégique, nous avons interrogé Philippe Vidal, fondateur du cabinet Vidal Associates.

Philippe Vidal est le fondateur du cabinet Vidal Associates, créé en 1993. Ce cabinet de conseil en ressources humaines et chasse de tête a un spectre de clients très large. Allant du secteur pharmaceutique au secteur financier, en passant par les société de services en ingénierie informatique (SSII), les acteurs qui font le plus appel au cabinet sont les entreprises viticoles. Cette forte demande fait aujourd’hui de Vidal Associates le leader européen des recrutements du secteur viticole.

Le métier de chasseur de tête est un travail méthodique qui demande de collecter de l’information sensible. En ce sens, ce métier fait écho aux pratiques de l’Intelligence économique. Comment qualifier l’essor d’internet, et en quoi cet outil a transformé le travail du chasseur de tête ?

L’intégration d’Internet dans notre métier nous a permis de collecter un plus grand nombre d’informations, et cela en un temps sensiblement réduit. Cependant, de nouvelles problématiques sont également apparues. Avec Internet il faut toujours recouper les informations collectées afin de vérifier leur véracité. En effet, beaucoup de profils en ligne sont « bodybuildés » et c’est donc au recruteur de mettre en place les recherches complémentaires qui permettront de valider la qualité et la véracité de l’information. A l’inverse on peut également trouver via les moteurs de recherches des éléments qui tendent à desservir un candidat pourtant « idéal » sur le papier. En ce sens internet doit être utilisé comme un outil de complément, à l’image des annonces presses avant internet.

Avec l’arrivée des réseaux sociaux professionnels comment, à ce jour, vos consultants et vos chargés de recherche utilisent ces réseaux à des fins de diffusion et de promotion de l’entreprise Vidal Associates ?

Les réseaux sociaux sont des outils de prospection qui permettent d’identifier les key decisions makers. Les profils de nos consultants sont des vitrines où l’on publie les offres les plus pertinentes de la société afin de créer de l’appel entrant. Les réseaux sociaux permettent également de faire de la communication ponctuelle grâce à l’achat de bannières, de boutons et de conduire de potentiels candidats vers nos offres.

Avec la sensibilisation des salariés aux pratiques utilisées par les recruteurs, avez-vous noté des mutations dans les barrières que vous rencontrez au quotidien ?

La sensibilisation des salariés est variable et dépend fortement du secteur d’activité. Les SSII sont aujourd’hui les plus sensibilisés à ses problématiques de fuite de l’information. Les standards sont cependant relativement peu briefés sur ces problématiques et ne constituent donc pas un frein lors de la prise de contact avec les key décision makers.

Votre travail consiste à faire de la veille informationnelle, de la veille stratégique sur les sociétés concurrentes de celles de vos clients, quelles sont les méthodes phares afin de trouver les profils les plus pertinents ?

Dans un premier temps il s’agit d’étudier l’environnement concurrentiel du client ainsi que ses concurrents de proximité et de trouver parmi ces sociétés les plus performantes. Cette analyse se base sur des critères tels que la capacité d’innovation ou le potentiel de croissance. Dans un second temps, il s‘agit de la qualification des profils lors des entretiens. Cette phase permet de croiser les informations. Il est surprenant de voir la quantité d’informations auxquelles on a accès sur des domaines confidentiels et stratégiques même sur des postes de cadres dirigeants à fortes responsabilités. Cela permet de mesurer l’intégrité de la personne interviewée et sa capacité à garder secrètes les informations confidentielles

Comment envisagez-vous l’avenir du métier de consultant en RH / chasseur de tête. Avez vous déjà remarqué de nouvelles tendances dans votre secteur ?  

Internet nous donne accès à une multitude d’informations et multiplie ainsi les profils des candidats potentiels. Notre métier tend à évoluer vers la capacité à sélectionner les bons candidats. La vraie difficulté est de mesurer les motivations, le comportement et la personnalité du candidat car il s’agit de donnés difficiles à appréhender. Les aspects de motivation, de comportement et de personnalité sont cependant essentiels du fait qu’ils se répercutent directement sur la performance du candidat. (Un polytechnicien peut échouer faute d’intelligence relationnel malgré une formation et des expériences probantes). Plus que jamais dans un environnement mouvant et qui s’accélère en terme de concurrence les softs skills prennent de l’importance. Notre travail est de pouvoir appréhender au mieux ces softs skills pour nos clients.  Les outils comme internet facilitent le sourcing, ce qui nous laisse plus de temps pour se concentrer sur l’évaluation des candidats.

Propos recueillis par Hanna Boudet