Lumileds : (encore) un achat facilité par le CFIUS !

C’est une nouvelle acquisition d’un savoir-faire stratégique par un fond d’investissement étatsunien de Lumileds, filiale de Philips et par la même occasion de blocage du rival géostratégique chinois. Cette entreprise est située sur le même cœur de métier d’Aixtron : la transformation du Nitrure de Gallium (GaN) pour la fabrication des LEDs, mais aussi composant utilisable pour l’amélioration des systèmes militaires en cas de guerre électronique.

Nous relayions un article lors de notre revue de presse du 06/12 l’opposition de Barack Obama, par décret, au rachat de la société Aixtron par le chinois FGC au nom de la sécurité nationale. Pour faire échos à cette brève, plus récemment, c’est la société Lumileds, filiale du néerlandais Philips qui fait parler d’elle. Cette entreprise est située sur le même cœur de métier d’Aixtron : la transformation du Nitrure de Gallium (GaN). Principalement utilisé pour les technologies LED, le GaN peut également servir à l’amélioration des systèmes militaires dans le cadre d’une guerre électronique, secteur hautement stratégique. La Chine convoite donc ce matériau et de nouveau cette année, les Etats-Unis bloquent la transaction.

Philips, cherchant à se désengager de l’éclairage, avait mis en vente sa filiale Lumileds en 2015. Il avait pour cela reçu une offre de 3,3 milliards de dollars, pour se faire racheter par le Chinois Go Scale en janvier 2016 (Loukil, 2016). Comme dans le cas de la société Aixtron, le CFIUS (Comité pour l’investissement étranger aux Etats-Unis) avait retoqué ce rachat en invoquant les mêmes raisons de sécurité nationale pour éviter que la Chine accède à la maitrise du matériau.
En effet, le CFIUS doit accorder son aval avant toute fusion-acquisition impliquant des entreprises américaines. Or, le CFIUS a élargi les cas d'application de ce controle musclant l'extraterritorialité du droit américain. L'opération n'implique pas une filliale américaine mais une entreprise étrangère qui possède des bureaux aux Etats-Unis. La filiale n'est pas américaine mais la technologie utilisée est un "enjeux de sécurité nationale" ce qui la fait donc entrer derrière le "cordon de sécurité". 

Fait intéressant annoncé il y a quelques jours par Reuters : Philips vient de céder 80,1% de sa filiale au fond d’investissement Apollo pour 1,5 milliards de dollars (Sterling, 2016), fond d'investissement américain.  Il a accepté ainsi une décote de 1,8 milliards de dollars, en moins d’un an. Les résultats de Phillips sont pourtant solides sur l’exercice 2015 par rapport à 2014, le chiffre d’affaire augmentant de 13,3% et le résultat net de 55% (Zonebourse.com, 2016).

De nouveau, les Etats-Unis usent et abusent de leur droit par le biais du CFIUS, au nom de la sécurité nationale, pour bloquer le rachat par des entreprises chinoises d'entreprise qu'ils jugent stratégiques. On peut donc y voir la mise en œuvre assumée d’une stratégie d’acquisition à moindre coût d’un savoir-faire stratégique pour les Etats-Unis, et par la même occasion de blocage du rival géostratégique chinois.

 

Maxime Louchart