La détection d’informations « business », même qualifiées et analysées, n’est pas la fin ultime d’une démarche d’intelligence économique. Car ces informations n’acquièrent vraiment de valeur que par l’utilisation stratégique que l’on en fait.
En matière d’intelligence économique, une information brute doit faire l’objet d’un processus d’affinement complexe avant de pouvoir être utilisée. Sa fiabilité doit d’abord être évaluée, puis il est souvent nécessaire de la structurer et de la modéliser. Elle doit être ensuite croisée avec d’autres informations, analysée au vu de la connaissance que l’on a du secteur concerné et rapportée au business model ciblé.
Cette information doit ensuite servir à alimenter la stratégie et orienter l’action de l’entreprise sur ses marchés. En conséquence, la même information n’aura pas la même valeur et ne sera pas utilisée de façon identique par des entreprises différentes.
Prenons l’exemple d’un nouveau procédé technologique repéré à l’étranger. La portée stratégique de cette information va dépendre de la situation et de la stratégie propres à chaque entreprise. Supposons que mon entreprise soit dotée d’une R&D efficace et d’un appareil productif aux ressources suffisantes. La détection de cette information sur un nouveau procédé m’ouvre une nouvelle voie de business. En tant que PDG, je vais charger ma R&D de s’approprier ce procédé afin d’enrichir notre offre et gagner de nouvelles parts de marché. Pour l’aider dans ce travail, je vais orienter la veille de l’entreprise sur cette technologie et essayer de compléter nos connaissances en la matière, y compris sur son impact économique et concurrentiel. Quand notre développement sera suffisamment avancé et notre nouvelle offre prête, je vais en informer les journalistes spécialistes du domaine et essayer de les convaincre de son intérêt. Puis je vais intégrer le comité d’organisation du principal salon professionnel concerné pour faire mettre ce sujet en vedette de la prochaine édition de cette manifestation et y faire une présentation de mon offre.
Si, au contraire, ma R&D n’est pas au point et que je juge que ce nouveau procédé est durablement hors de ma portée, je vais évaluer ce nouveau procédé plus comme une menace que comme une opportunité. Je vais alors surveiller son apparition sur mon marché et tenter de la contrer par une stratégie offensive sur les tarifs. Je vais également intégrer le comité de normalisation en charge du secteur et défendre une position plus favorable à ma technologie dans la future norme en discussion.
Dernier cas de figure, ma veille et les recherches que je mène sur ce nouveau procédé me montrent qu’il suppose un mode de diffusion très spécifique, compatible avec mon business model. Ma stratégie ne se concentre pas alors sur le procédé en question mais sur le réseau de distribution qu’il suppose. Je prends une licence exclusive auprès de l’inventeur étranger et organise mon réseau commercial de façon à devenir incontournable sur mon marché. Dans mon syndicat professionnel, je me fais élire à la présidence du comité représentant les distributeurs et tente d’obtenir la reconnaissance de cette nouvelle technologie par la profession. En parallèle, je mène une campagne de publicité active auprès de ma cible de marché.
On le voit, la même information peut revêtir des significations très différentes selon la situation de mon entreprise. Elle peut également donner lieu à des positionnements variés sur mon marché. L’information n’a pas de valeur en soi, mais elle acquiert une valeur éminente lorsqu’on l’analyse et qu’on l’utilise dans sa stratégie d’entreprise.
Benoît Maille / CCI Paris Ile-de-France – ARIST
Pour aller plus loin et retrouver tous les articles de Benoît Maille :
– “La veille, point de départ d’une démarche d’intelligence économique“, 13.01.2015
– “La réputation de l’entreprise sur internet“, 20.01.2015
– “Le developpement de l’influence sur les réseaux sociaux “, 27.01.2015
– “Du bon usage du sourcing en IE“, 24.02.2016