Mitsubishi : la victoire silencieuse de Renault

Les conséquences de l’affaire Volkswagen n’en finissent plus de déstabiliser l’industrie automobile. Le scandale a incité les constructeurs à effectuer leurs propres contrôles pour devancer d’éventuelles déconvenues. Ainsi Mitsubishi Motors a reconnu avoir utilisé des méthodes frauduleuses d’évaluation de consommation. Le chaos des fraudes provoque une redistribution des cartes dans le secteur automobile.

L’entreprise japonaise a déclaré que la politique d’objectifs imposée pouvait avoir mis la pression sur les employés qui, n’ont eu d’autre choix que sous évaluer la consommation de carburant de ses véhicules. Le président de Mitsubishi a déclaré qu’un comité externe indépendant est actuellement sollicité pour enquêter sur la question.

Ryugo Nakao, vice-président du groupe MMC, a déclaré que la réglementation japonaise avait imposé des méthodes d’essai afin de mieux représenter la conduite urbaine en incluant en 1991 le « stop and go ». Le responsable a par ailleurs confirmé l’absence de conformité des tests de son entreprise. Il a toutefois ajouté que les objectifs toujours plus exigeants de réduction de consommation peuvent avoir contribué à la tricherie. Plus grave, les premiers résultats de l’enquête confirmeraient qu’une pression aurait été exercée à tous les niveaux de responsabilité.

Le ministère a mis en place un groupe de travail pour l’étude  les autres constructeurs présentent des données d’économie de carburant. La semaine dernière, il a imposé à d’autres constructeurs automobiles nationaux une campagne de tests afin de mesurer l’économie de carburant comme l’ont été les véhicules fabriqués par Mitsubishi Motors Corp. le ministre des Transports Keiichi Ishii a affirmé que les instances de contrôle seront en mesure d’annoncer les résultats sur les quatre premiers modèles dès Juin 2016.

Ce scandale a par ailleurs ravivé les souvenirs d’une situation il y a plus de 15 ans lors de laquelle Mitsubishi Motors a reconnu étouffer systématiquement les plaintes des clients pendant plus de deux décennies, ce qui porte avait déjà amené la firme aux bords de l’effondrement.

L’erreur de trop

Les réactions du marché ont été immédiates. Le sixième plus grand constructeur automobile du Japon a perdu la moitié de sa valeur de marché – environ 3,9 milliards de dollars à la suite de son aveu de fraude. Selon Mitsubishi d’autres modèles pourraient avoir été l’objet de fraude aux normes japonaises. Cette mauvaise nouvelle inquiète dirigeants et actionnaires car aux coûts global des rappels, contrôles et audits, de colossales amendes pourraient toucher le constructeur automobile nippon. Les analystes estiment que le constructeur déboursera près d’un milliard de dollars (876 millions d’euros) pour dédommager les clients lésés. De l’autre côté du Pacifique, l’organisme américain de contrôle de la sécurité automobile est déjà sur le pied de guerre, en annonçant suivre avec attention cette affaire, au moment ou les autorités japonaises perquisitionnait l’une des installations de recherche et développement de l’entreprise. Jouant la transparence, Mitsubishi a déclaré avoir utilisé des méthodes d’évaluation conformes sur les véhicules vendus aux États-Unis, et qu’aucune donnée ne permet de relever une quelconque fraude hors du marché japonais.

La discrète ambition française

Mitsubishi Motor Corporation a connu de nombreuses tentatives de rachat au cours de son existence. Après des rapprochements ratés avec Daimler ou Peugeot, cette situation a été jugée comme une opportunité pour le groupe Renault Nissan. A peine un mois après, le 12 mai suivant, Nissan frappe un grand coup. Le japonais, dont Renault est le principal actionnaire a acquis 34% au capital de Mitsubishi Motors Corporation (MMC) pour 237 milliards de yens, soit près de 2 milliards d’euros. En s’emparant d’un peu plus du tiers du capital de Mitsubishi, Nissan en prend de fait le contrôle au vu du droit boursier japonais. Carlos Ghosn, le PDG du groupe Renault-Nissan, a profité de la faible valorisation boursière de son nouvel allié japonais suite à ses déboires juridiques

Son renflouement par Mitsubishi Heavy Industries n’a donc pas été suffisant, forçant le groupe à son rachat par le groupe Renault Nissan. Le franco-japonais devient désormais le 4ème constructeur mondial avec près de 9,7 millions de véhicules vendus, talonnant de près General Motors. Renault parle cependant d’alliance stratégique et non de fusion en précisant que Mitsubishi gardera sa propre stratégie.

Le scandale des fraudes antipollution initié par l’affaire Volkswagen touche les plus grands constructeurs mondiaux. Le secteur automobile reste cependant relativement stable et méfiant, les constructeurs étant étroitement liés par le jeu des alliances, les grandes fusions étant jugées risquées. Ainsi, « l’alliance stratégique » entre Renault et Mitsubishi pourrait annoncer une stratégie de conquête mondiale en toute discrétion et redistribuer les cartes d’un secteur en plein chaos.

Stephane PRZYBYSZEWSKI