Depuis l’accord sur le programme nucléaire iranien conclu en juillet 2015, Téhéran bénéficie d’une levée des sanctions internationales et de l’embargo économique des puissances européennes et américaines. Cet abandon des sanctions, officiel depuis Janvier 2016, ouvre des perspectives économiques exceptionnelles, surtout pour les multinationales et les PME françaises.
Le tourisme est l’un des secteurs les plus prometteurs en Iran, et la France, deuxième nation la plus compétitive dans ce domaine en 2015 selon le Forum économique mondial, dispose d’un savoir faire incontournable. Avec un tissu de grands groupes et de petites entreprises qui travaillent dans le transport, l’accueil, l’équipement sportif…, notre pays a clairement une carte à jouer en Iran dans le domaine touristique.
L’Iran est riche d’une civilisation millénaire, avec une culture raffinée, une multitude de sites historiques et des sites naturels à couper le souffle. Autant d’atouts sur le marché touristique mondial. A titre d’exemple, 21 sites iraniens sont placés au Patrimoine mondial de l’Unesco, soit plus que la Grèce par exemple (qui en compte 18)[1] Or, la République Islamique demeure pour l’instant une terre quasi-vierge pour le tourisme étranger : un peu plus de 5 millions de touristes en 2015, pour un pays de près de 80 millions d’habitants et grand comme deux fois la France. Mais les autorités iraniennes visent les 20 millions de touristes à l’horizon 2025. Un objectif ambitieux qui devrait susciter la convoitise des entreprises étrangères, notamment américaines, britanniques… ou françaises.
Transports, hôtels, sports d’hivers : triptyque gagnant pour les entreprises françaises
Les années de marginalisation de la scène internationale ont considérablement détérioré les infrastructures de transports dans le pays, pourtant indispensables pour acheminer et déplacer les prochaines vagues de touristes. En janvier 2016, la société Aéroports de Paris a d’ailleurs signé un accord de principe pour le développement de l’aéroport international Iman Khomeiny de Téhéran. L’entreprise française est chargée de la rénovation du terminal existant, ainsi que la construction et l’exploitation de nouveaux terminaux. Ces investissements visent à atteindre une capacité de 34 millions de passagers par an d’ici 2020, contre seulement 6,5 millions de passagers actuellement[2]. Ces projets pour l’aéroport de Téhéran sont particulièrement ambitieux, et pour cause : situé plus au nord que les hubs internationaux de Dubaï ou Abu Dhabi, l’escale à Téhéran pourrait permettre de faire des trajets plus courts entre l’Asie et l’Europe, et donc plus économiques pour les compagnies aériennes[3]. L’Iran pourrait ainsi damer le pion à ses concurrents et rivaux du Golfe et devenir une nouvelle escale de référence.
Au niveau ferroviaire, l’État iranien prévoit la construction de 5000 kilomètres de nouvelles voies de chemin de fer, notamment des lignes à grande vitesse. La France dispose là encore d’entreprises privées et publiques (SNCF, Réseaux Ferrés de France…) et d’un savoir faire réputés capables de répondre à cette demande.
De plus, l’Iran ne dispose que d’une poignée d’hôtels de standing et les besoins sont considérables. Le pays ne compte qu’une centaine d’hôtel 4 ou 5 étoiles et les autorités souhaiteraient multiplier ce chiffre par quatre dans les prochaines années pour accueillir le flot de touristes étrangers. Le groupe français Accor ne s’y est pas trompé : dès septembre 2015, la multinationale française a conclu un contrat d’exploitation pour un hôtel Ibis et un hôtel Novotel sur l’aéroport de Téhéran[4]. Accor espère aussi ouvrir des établissement dans 20 villes iraniennes au moins, notamment avec ses établissements haut de gamme Pullmann. Les dizaines de millions de touristes qui vont visiter sur l’Iran dans les années à venir sont une occasion en or pour le secteur hôtelier français et sa bonne réputation.
L’Iran, de l’or noir… à l’or blanc ?
L’Iran recèle un dernier atout : ses montagnes et ses sports d’hiver. C’est un fait peu connu en Europe, mais le ski fait pleinement partie des activités de loisirs des iraniens. En janvier 2016, CNN publiait un article au titre évocateur « l’Iran pourrait être votre prochaine destination pour les sports d’hiver »[5], énumérant les multiples atouts des pistes iraniennes : des paysages splendides, des domaines skiables immenses et des forfaits aux prix abordables. Seul bémol : un matériel un peu vieillissant qui date des années 70 et un secteur touristique pour l’instant peu ouvert au tourisme international : à peine 1% des quelque 500.000 skieurs qui arpentent les pistes iraniennes chaque année seraient étrangers.
Premier marché européen pour les sports d’hiver, la France dispose de très nombreuses entreprises de réputation mondiale dans le domaine : promotion touristique, agences de voyage, fourniture de matériel, restauration… L’entreprise iséroise Poma, spécialisée dans les installations et infrastructures pour les pistes (téléski, télésièges…) a d’ailleurs plusieurs projets en Iran, notamment des tramways aériens, des navettes aéroportuaires, et bien entendu, des équipements de neige[6].
Un développement des sports d’hiver en Iran qui pourrait aussi bénéficier à d’autres entreprises française, comme Décathlon : le groupe français d’équipement sportif cherche à s’implanter sur ce marché jeune (la moitié de la population iranienne a moins de 30 ans) et pourrait ouvrir une centaine de magasins en Iran d'ici une dizaine d’années[7].
Mais attention : si le marché iranien bénéficie de multiples atouts (une population formée, une vraie culture locale du commerce international…), les groupes français devront prendre garde à quelques difficultés. Tout d’abord, la concurrence féroce des autres entreprises : quelques jours à peine après les accords du 14 juillet qui entérinent le retour de l’Iran sur la scène internationale, le ministre allemand de l’Economie Sigmar Gabriel était à Téhéran à la tête d’une délégation d’une dizaine de chef d’entreprise pour nouer des premiers contacts avec les autorités locales.
L’Iran est aussi un pays où la sphère publique est particulièrement importante et quasi-incontournable pour les investisseurs étrangers. Une particularité qui s’ajoute à la corruption, qui reste importante malgré d’importants efforts dans le domaine. Dans le classement international « Doing Business » qui mesure l’environnement commercial des entreprises, l’Iran est situé au 120ème rang mondial[8]. Enfin, les groupes français sont confrontés à une culture et un art de vivre raffiné mais très différent de ce qu’il peut se pratiquer en Europe ou dans le reste du Moyen-Orient. Il est donc primordial pour les entreprises françaises de préparer une vraie stratégie d’intelligence culturelle, c’est à dire la connaissance des us et des coutumes locaux pour assurer une relation sans accrocs avec leurs interlocuteurs iraniens.
À condition de bien préparer leur venue, les entreprises françaises du tourisme auraient donc tout à gagner en investissant le marché iranien.
[2]https://www.parisaeroport.fr/docs/default-source/groupe-fichiers/presse/cp-janv-mars-2016/28-10-16-accord-aeroport-international-teheran.pdf?sfvrsn=2
[3]Ardavan Amir-Aslani Iran le sens de l’Histoire 2016 Editions du moments