Depuis 2016, les Assises Africaines de l’Intelligence Économique (AAIE) rassemblent la communauté africaine francophone de l’Intelligence économique. Le 13 et 14 décembre dernier s’est ainsi tenue la troisième édition des AAIE à Dakar, autour de la thématique : « L’intelligence économique au cœur de la transformation digitale ».
Pour cette édition 2018, la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones (CPCCAF), le Forum des associations africaines d’intelligence économique, l’École Panafricaine d’intelligence économique et stratégique et le Bureau de Prospective Économique de la Primature du Sénégal étaient les principaux partenaires. Regroupant d’innombrables experts en intelligence économique et les acteurs majeurs du secteur africain, les AAIE ont pendant deux jours rassemblé la communauté de l’IE autour de conférences sur des thématiques clés pour le continent. Retour d’expérience, recommandation et constat, les AAIE sont le rendez-vous africain de l’intelligence économique
François Jeanne Beylot, spécialiste de l’intelligence économique digitale fut à l’initiative de ces premières rencontres en 2016. Tout semble parti d’un constat. En effet, un grand nombre d’initiatives sous la thématique de l’Intelligence économique ont émergé il y a une dizaine d’années en Afrique. Cependant, ces initiatives ne disposaient pas d’une « corrélation et de relation » entre elles, c’est ainsi que les AAIE se sont créées. Elle se positionnent comme entremetteur engagent les pays africains à échanger, se rencontrer et développer les thématiques liées à l’IE
Cette troisième édition s’est tenue pour la première fois à Dakar, les deux premières ayant pris place à Casablanca. Une évidence pour François Jeanne Beylot : « le Sénégal a été l’un des pays les plus novateurs en intelligence économique depuis une dizaine d’années ». Babacar Socrate Diallo, directeur du Centre d’Étude Diplomatique et Stratégique à Dakar (CEDS) et directeur-fondateur de l’École Panafricaine d’Intelligence Économique et de Stratégie (EPIES), rappelait que la discipline a été introduite en Afrique il « y a 10 ans au Sénégal avec le concours de l’État ».
Revenant sur l’aspect sécuritaire, François Jeanne Beylot met le doigt sur certains des grands enjeux en Afrique, de la désinformation à l’importance de la sécurité des infrastructures d’un réseau. Pour ces derniers, c’est d’autant plus vrai avec l’émergence des objets connectés et la possibilité pour ces derniers d’être facilement attaqués : « La sécurité à 100 % n’existe pas ».
Sur la désinformation à proprement parler, la sécurité informationnelle semble essentielle, notamment avec la place importante de « la rumeur » en Afrique. François Jeanne Beylot part d’un constat. Lorsqu’on cherche sur internet de l’information sur les pays africains, « l’Afrique n’en est pas l’auteur, le pays n’en est pas l’auteur et ce n’est pas toujours très positif » surtout autour des questions sécuritaires, pouvant dissuader les investissements étrangers. C’est pourquoi François Jeanne Beylot préconise la création de connaissances, mais surtout sa diffusion et le fait d’« arrêter de laisser parler les organismes onusiens, étasuniens et européens à la place de l’Afrique ». Il est important pour l’Afrique que ses institutions et ses entreprises prennent la parole. C’est ainsi qu’a été mis en place les semaines africaines, lettres de veille hebdomadaire avec de l’information issue directement des ministères, sources primaires d’informations.
«Il y a de l’information en Afrique, de l’information pertinente, des sources d’informations pertinentes, et donc il convient de les maitriser et pourquoi pas diffuser de l’information sur ces sources-là » concluait François Jeanne Beylot, interrogé par Sen-Infos TV lors des AAIE le 14 décembre dernier.
Pour le Commissaire Lieutenant-Colonel Arsène Emvahou de l’armée gabonaise, intervenant lors de ces AAIE autour de la thématique de la compliance et interrogé pour le Portail de l’IE : la « pollution », la « faiblesse en infrastructure numérique et la corruption […] sont des maux qui minent le contient ». L’Afrique, comme acteur « incontournable de la mondialisation » à travers ses nombreuses opportunités commerciales est pratiquement toujours pointée du doigt sur « l’insécurité, la corruption, le mauvais climat des affaires ». Pour le Lieutenant-Colonel, « l’idée d’une compliance globale » viserait à mettre « en exergue la responsabilité partagée des États et des investisseurs ». En effet, un environnement sain est essentiel au développement économique, et les États sont tenus de le garantir. « La corruption est un frein au développement » déplore ainsi l’officier gabonais.
Arsène Emvahou estime également que « la compliance devrait toucher systématiquement tous les secteurs. Dès lors, la traçabilité de l’information semble essentielle pour garantir le développement économique en Afrique. Donnant pour exemple la possible « numérisation totale » des Agences Judiciaires de l’État (AJE), entité en charge de défendre les intérêts des États dans différent contentieux, cette grande source d’information pourrait constituer « une base de données significative en matière de due diligence ». « C’est ce que nous appelons la compliance numérique » poursuit monsieur Emvahou. Cette dernière pourrait ainsi permettre aux professionnels de se maintenir informés en temps réel, mais aussi se maintenir à jour « face aux récurrentes évolutions des normes internationales ».
En ce qui concerne les acteurs et les investisseurs étrangers sur le continent africain, le Lieutenant-Colonel rappelle que ceux-ci sont soumis au risque de sanctions de normes exterritoriales, “tant sur le plan pénal que par le biais d’amendes” (Loi Sapin 2, Foreign Corrupt Practices Act, Cloud Act). L’intelligence économique serait alors « un allié indispensable » permettant aux acteurs économiques « d’avoir une attitude axée sur le profit tout en étant conforme à l’éthique ». « Les Assises Africaines de l’Intelligence Économique sont une pierre d’angle dans cette construction. Cette plateforme participative ambitionne de réunir ce qui est épars pour une croissance économique gagnant-gagnant. » conclue l’officier gabonais.