La France, leadeur européen du « cheveu de verre », dénonce la concurrence chinoise sur le marché. Si l’Hexagone produit 50% de la fibre déployée en Europe, la Chine représente en comparaison 58% du marché mondial de la fibre optique. Le gouvernement français s’est fixé des objectifs ambitieux pour 2022 : développer la fibre chez 35 millions de locaux professionnels et d’habitation à un moindre coût.
Si le câble à fibre optique n’est pas concerné par la sécurité des données, il doit cependant être d’une qualité irréprochable afin de fonctionner en continu. De son côté la Chine, en quête de nouveaux marchés, met en œuvre tous les moyens pour séduire les investisseurs français.
Fabriquée depuis les années 1960, cette technologie de pointe se développe dans trois grandes usines en France : Acome, dans la Manche, Prysmian, dans le Pas-de-Calais et Silec, en Seine-et-Marne. En outre, l’industrie du « cheveu de verre » a, depuis 2013, investi 210 millions dans les équipements de production et a ainsi vu ses ventes quadrupler sur les cinq dernières années.
A l’horizon 2022, les opérateurs privés tels que Orange et SFR se sont engagés à couvrir les territoires urbains, qui représentent 55% des logements et locaux professionnels de l’Hexagone. Les collectivités territoriales, elles, ont la responsabilité d’apporter du très haut débit dans les territoires ruraux notamment les zones AMII (appel à la manifestation d’intention d’investissement).
Alors que ces zones sont soutenues financièrement par l’Etat à hauteur de 3,3 milliards d’euros, l’exécutif vient de refuser une aide financière supplémentaire proposée par le Sénat pour installer la fibre dans les zones rurale. Par ailleurs, plusieurs acteurs dénoncent le fait que les 3,3 milliards d’euros n’ont servi qu’au financement des projets connexes, comme la cohésion territoriale ou l’inclusion numérique.
La Chine, elle, a doté la majeure partie de son territoire de la fibre, et cherche de nouveaux marchés pour ne pas réduire sa production. En France, en 2018, la propension de fibre d’origine orientale est estimée à 10%, alors que les pays européens ont des besoins en fibre optique de plus en plus importants. Le marché chinois demeure lui gagnant par la guerre des prix.
« L’enjeu national, c’est de raccorder à la fibre 35 millions de locaux. Assurons-nous que ces réseaux respectent les standards et puissent supporter l’évolution des technologies de transmission », a déclaré au journal Capital M. de Heere, président de la société Acome. En effet, la qualité de la fibre est très importante et celle de la Chine peut être remise en question. À ce titre, les câbles de fibre optique posés par les chinois en République Démocratique du Congo, installés sur 600 kilomètres par la China International Telecommunication Construction Cooperation, sont rongés par les rats et ne sont pas enfouis assez profondément. Ainsi sur certaines sections, l’infrastructure a été coupée plus de 50 fois.
En outre, certaines régions d’Afrique bénéficient d’un taux d’intérêt dérisoire octroyé par les banques chinoises pour financer ces infrastructures coûteuses, ce qui entraine un déséquilibre concurrentiel pour les acteurs français.
Ainsi, si la problématique n’est pas là même pour l’industrie française, le pays voit son carnet de commande se réduire face à la concurrence chinoise, au risque de perdre des emplois. Le financement de ces infrastructures est coûteux et se doit d’être soutenu par l’Etat et les investisseurs privés. Si la Chine vient implanter sa fibre en France, l’industrie perdrait des parts de marché en Europe, mais laisserait surtout l’empire du Milieu prendre en charge le financement de ce qui devrait relever du secteur public.
Pia de Bondy