L’Afrique de l’Ouest est en passe de devenir un vivier de startups dynamiques, jouant un rôle de plus en plus important dans l’économie régionale. Ces entreprises innovantes attirent l’attention de puissances étrangères telles que la France, le Maroc, les États-Unis, la Chine et la Russie, qui cherchent à renforcer leur influence dans la région par le biais d’investissements stratégiques.
L’émergence des startups en Afrique de l’Ouest
L’Afrique de l’Ouest connaît un boom entrepreneurial, avec des startups transformant des secteurs clés de la fintech à l’agrotech. Des hubs tels qu’Abidjan et Lagos émergent, soutenant l’innovation grâce à des incubateurs et accélérateurs comme le MEST Africa Challenge, qui attirent des fonds de capital-risque internationaux.
En technologies financières (fintech), des entreprises à l’image de Flutterwave au Nigeria facilitent les paiements en ligne, permettant aux entreprises et aux particuliers d’effectuer des transactions de manière fluide et sécurisée. Jumia, bien que principalement connue pour ses activités de commerce électronique, intègre également des solutions de paiement innovantes pour renforcer l’écosystème numérique régional. Au Sénégal, Wave révolutionne les services financiers mobiles en offrant des options plus accessibles, notamment pour les populations non bancarisées, contribuant ainsi à l’inclusion financière. Ces startups illustrent parfaitement la profonde transformation du paysage des services financiers et ouvrent de nouvelles perspectives pour l’économie numérique du continent.
L’agritech est un secteur stratégique pour l’Afrique de l’Ouest, où l’agriculture représente plus de 30% du PIB. La région a des rendements agricoles historiquement bas et fait face à une croissance démographique rapide. L’entreprenariat agricole est donc capable d’apporter des solutions innovantes pour améliorer l’efficacité, réduire les coûts et renforcer la souveraineté alimentaire de la région. Des entreprises comme AgroCenta et Farmerline au Ghana illustrent cette transformation. AgroCenta améliore la chaîne d’approvisionnement en connectant directement les petits producteurs aux acheteurs, réduisant ainsi les pertes post-récolte et augmentant les revenus des agriculteurs. Farmerline utilise des technologies mobiles pour fournir des informations essentielles, telles que les prévisions météorologiques et des conseils pratiques, afin d’optimiser les rendements et améliorer la productivité.
Dans ce marché dynamique, les puissances mondiales et régionales, telles que les États-Unis, la Chine, la France et le Maroc, forgent des partenariats stratégiques avec les gouvernements locaux et acteurs privés locaux. Ces nations y voient un levier pour renforcer leur influence économique et géopolitique. Par ces investissement, elles soutiennent l’innovation locale tout en intégrant les marchés africains dans les chaînes de valeur mondiales.
Le jeu d’influence des puissances étrangères
Les start-ups ouest africaines se retrouvent au cœur d’une compétition géopolitique intense, où chaque acteur étranger adopte une stratégie spécifique pour accroître son influence dans des secteurs clés comme la technologie, les infrastructures et l’énergie. Cette dynamique façonne les écosystèmes locaux et transforme profondément le paysage entrepreneurial africain.
Le Maroc se positionne comme un acteur incontournable, capitalisant sur sa position géographique stratégique et son rôle de passerelle entre l’Europe et l’Afrique. À travers des initiatives tel le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, le pays injecte des millions d’euros dans les secteurs de la technologie, de la santé et de l’agriculture. Par exemple, le Fonds Maroc numérique a investi près de 25 millions d’euros dans une vingtaine de startups, faisant du Maroc un hub régional pour les technologies.
La France, de son côté, continue de miser sur ses liens historiques avec l’Afrique francophone. Des initiatives telles que Digital Africa, soutenue par l’Agence Française de Développement (AFD), visent à soutenir les startups africaines dans divers domaines comme la santé et l’éducation. Des entreprises françaises telles qu’Orange et TotalEnergies apportent leur soutien aux jeunes entreprises africaines en investissant massivement dans les infrastructures numériques et en favorisant l’innovation dans le domaine de l’énergie renouvelable.
Les États-Unis se concentrent principalement sur les secteurs stratégiques des technologies et des infrastructures pour renforcer leur influence en Afrique de l’Ouest. Les investissements américains sont souvent dirigés vers les technologies financières (fintechs), soutenus par des programmes comme ceux de l’USAID et par des entreprises à l’image de Mastercard, qui a investi dans des fintechs africaines pour améliorer l’inclusion financière.
La Chine adopte une stratégie ciblée en investissant dans l’écosystème entourant les startups, plutôt que dans celles-ci directement, ce qui engendre une dépendance préoccupante. Les géants chinois ZTE et Huawei développent en Côte d’Ivoire l’ensemble des infrastructures de télécommunications et de 4G. Cette situation impose un monopole étranger, rendant Yamoussoukro vulnérable aux règles dictées par Pékin.
Bien que moins visible que d’autres acteurs sur la scène économique, la Russie s’implique progressivement en Afrique de l’Ouest, principalement dans le domaine des énergies renouvelables. Un exemple majeur est le projet de centrale solaire de Sanankoroba au Mali, en collaboration avec la société russe Novawind, filiale de Rosatom. Ce projet, d’une capacité de 200 mégawatts, représente un investissement de 120 milliards de francs CFA et permettra de fournir de l’électricité à plus de 350 000 foyers d’ici 2025. Cette initiative souligne l’intérêt croissant de la Russie pour l’écosystème régional , tout en offrant une alternative aux modèles occidentaux et chinois.
Futur théâtre de guerre économique ?
Les startups ouest-africaines deviennent des outils stratégiques pour les puissances étrangères. Les investissements, qu’ils viennent de la Chine, des États-Unis ou d’Europe, offrent des perspectives de croissance et d’emplois, mais révèlent également un risque de dépendance économique préoccupant.
Sans une vision stratégique, les États risquent de devenir des pions sur l’échiquier mondial. Pour préserver leur souveraineté, il est essentiel que les décideurs régionaux voient ces startups comme des moteurs d’innovation, et non comme des flux de capitaux. Sans quoi, l’Afrique de l’Ouest pourrait voir son avenir économique dicté par des intérêts extérieurs, compromettant toute possibilité d’émancipation durable.
Oscar Lafay
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