« Avoir une stratégie ou mourir » : tel est l’appel lancé par différentes parties prenantes pour sauver l’industrie de la Défense française et européenne condamnée pour certains à moyen terme.
En effet, c’est un panorama peu réjouissant que des industriels, chercheurs ou représentants de l’État ont dressé le 18 mai dernier lors d’une rencontre informelle organisée par l’Institut Choiseul sur le thème de « La révolution des industries de Défense ».
2030 : la fin de l’ancien monde ?
À l’horizon 2020-2030, ce secteur devrait être au cœur d’une grave crise aujourd’hui non surmontable du fait de faiblesses structurelles et conjoncturelles, vieilles pour certaines de déjà plusieurs années. À cette époque, les effets d’une demande globale réduite et d’une offre à l’échelle mondiale de plus en plus pléthorique se seront alors conjugués conduisant à cette environnement défavorable, voire mortel pour les observateurs les plus pessimistes.
En effet, les pays émergents auront alors en grande partie rattrapé leur retard d’acquisitions de technologies dont les importants achats dynamisent aujourd’hui, mais seulement à court terme, le secteur. De plus, les budgets consacrés à ces questions de défense devraient, sauf surprise stratégique majeure, être encore un peu plus amputés. Ils le seront sous les coups de la crise financière qui nous frappe, et de l’équilibrage des dépenses entre budgets de défense et dépenses en matière sociale.
Du côté de l’offre, la concurrence sera d’autant plus rude que les pays émergents bâtissent peu à peu des secteurs industriels compétitifs à la fois en terme de coût et même de plus en plus en terme d’efficacité. Les marchés seront alors disputés par un nombre de challengeurs bien plus important qu’aujourd’hui. Quels facteurs seront alors réellement déterminants dans le choix de tel ou tel produit ? L’économie, le politique, l’opérationnel, etc.
Le dernier domaine où l’État peut encore se doter d’une stratégie
Dans ce secteur régalien si particulier qu’est celui de la Défense, il est encore sans doute plus simple qu’ailleurs de se doter d’une stratégie et de la mettre en place. Secteur de souveraineté d’organisations politiques encore aujourd’hui vigoureuses, la Défense ne peut se passer d’une définition des buts à atteindre et de leur déclinaison en choix, qui sans aucun doute rentreraient en contradiction avec certaines habitudes. La survie de certains est pourtant à ce prix : être en rupture avec les systèmes de pensée et d’agir actuels.
Les liens unissant encore l’État (bien plus qu’un simple client) et l’industrie (bien plus qu’un simple fournisseur) semblent être, de l’avis de tous, les mieux structurées encore aujourd’hui pour permettre la définition et le suivi des orientations prises dans ce domaine. La définition des objectifs, la mobilisation des acteurs ou le soutien à l’export ne peuvent se passer des liens entre des entités ayant pourtant chacun des cultures bien différentes.
L’étude de cas sur l’industrie de défense chinoise présentée lors de cette rencontre est à biens des égards significative. La lente, structurée et dirigée montée en puissance de consortiums n’ayant pas à rougir face à nos actuels fleurons industriels rappelle en effet certaines bonnes pratiques de l’action de l’entité mise au service du collectif. Surtout qu’en 2020, les faiblesses observées (en particulier dans la gestion des ressources humaines) devraient être corrigées.
Il est déjà bien tard, mais sans doute pas encore trop tard pour évoluer et ne pas mourir.