La politique de défense nationale, plus que tout autre politique, est le symbole de l’Etat et la prérogative suprême du représentant de la France. Chef des Armées, le président qui sera élu en mai 2012 aura à donner les orientations de la France en matière de sécurité nationale
Deux candidats s’affrontent, et la comparaison des programmes ne peut être totalement pertinente, puisque N. Sarkozy a déjà initié des chantiers durant ces cinq dernières années. Pour autant, il semble improbable qu’il fasse volte-face pendant son prochain mandat, et on peut imaginer une certaine continuité dans son action. De l’autre côté, F. Hollande s’est déjà exprimé sur les orientations qu’il souhaiterait donner et les priorités qu’il donnera s’il est élu. Ainsi, nous avons ici dégagé dix points qui vous aideront à comprendre les programmes politiques en matière de défense.
– Les deux candidats s’engagent à modifier, en surface ou en profondeur, les objectifs de défense défini dans le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale, le dernier datant de 2008. Tandis que N. Sarkozy veut initier une réactualisation plus fréquente, F. hollande souhaite en rédiger un nouveau, ancré sur une hiérarchisation des risques identifiables. La Loi de Programmation Militaire (LPM), qui découle naturellement de ce Livre Blanc, court jusqu’en 2014. La LPM a pour but de fixer les contrats opérationnels et les objectifs à atteindre en terme d’activité et de préparation opérationnelles, par la rationalisation et la mutualisation des moyens entre les différentes armées. Nicolas Sarkozy souhaite en faire une relecture fin 2012, et redéfinir son action sur la période 2013-2018. François Hollande souhaite quant à lui en faire voter une nouvelle, et inclura une réorganisation du ministère de la Défense et une évaluation de l’organisation de la Gendarmerie.
La modernisation de l’armée, initiée sous le mandat de Nicolas Sarkozy, continuera autour de la dissuasion nucléaire, puisque quatre sous marins nucléaires lanceurs d’engins ont été mis en service. François Hollande ne souhaite pas modifier cette orientation d’autant plus stratégique qu’elle préserve et garantie l’indépendance de la France sur la scène internationale.
– La collaboration internationale justement est abordée par les deux candidats. Si les deux hommes veulent renforcer la politique européenne de Défense, le président sortant souhaite continuer la mise en place de programme commun, type Galileo dont les premiers satellites ont été lancés. L’opération Atlante, contre la piraterie maritime dans le Golfe d’Arden fait aussi partie des programmes opérationnels, qui ne résultent pas d’une politique commune mais d’opportunités d’actions communes. De son côté, François Hollande souhaite, à l’inverse, initier une réflexion commune sur la PESD, par une concertation des acteurs déjà existants, à savoir le Comité Politique, l’Etat-Major de l’Union Européenne, le Centre de Situation et l’Agence Européenne de Défense.
Sur la scène extra-européenne, la réintégration du commandement militaire intégré de l’OTAN en 2010 s’est concrétisé par la création de 17 postes d’officiers généraux et le passage de 150 à 1 100 représentants de la France à l’OTAN. L’ouverture à la Russie semble être la priorité de Nicolas Sarkozy. François Hollande remet en cause cette intégration, et veut redéfinir le rôle de la France, et n’exclut pas l’idée de se retirer du commandement militaire.
– Les activités militaires et l’industrie de défense sont largement imbriquées, et représentent une opportunité majeure pour la France : d’une part, ces activités favorisent l’emploi d’une main d’œuvre qualifiée et peu sujette à la délocalisation, d’autre part, elles participent à la croissance et à l’indépendance de la nation. Les marchés publics représentent 10 à 15% de la richesse mondiale. Nicolas Sarkozy souhaite regrouper les entreprises françaises et européennes autour de pools industriels, afin de favoriser les chances des entreprises locales, et encourage à la signature d’une European Buy Act. François Hollande va plus loin encore, en soumettant ces industries de technologies civiles et militaires à une même autorité étatique, dont le contrôle serait effectué annuellement par le Parlement. De plus, les appels d’offres ne seraient octroyés que par des projets promouvant l’intégration des PME-PMI.
– Depuis 2007, la France s’est engagée sur différents fronts, parmi lesquels la Somalie, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire et la Lybie. De ces conflits souvent trop méconnus naissent une incompréhension des français. Le lien armée/nation semble trop distendu. Les deux candidats se donnent pour objectif de renforcer l’aide aux blessés de guerre et aux familles de soldats. Ainsi, un soutien psychologique aux familles de soldats en Afghanistan a été initié par Nicolas Sarkozy, et une maison des familles des blessés va voir le jour en 2013 à Percy. François Hollande a fixé à la fin 2012 le retrait des troupes françaises d’Afghanistan. Au dernier trimestre 2011, ce sont près de 37 270 réservistes qui sont recensés, et les eux candidats souhaite continuer à intégrer des jeunes de la vie civile à l’armée. F. hollande vise particulièrement les jeunes de 18-25 ans, dans un programme intitulé Armée française, creuset de la cohésion nationale ».
– Point important en cette période, le budget. Pour les deux candidats, « la défense ne sera pas une variable d’ajustement ». Nicolas Sarkozy ne souhaite donc pas modifier le budget alloué au ministère de la Défense, et le dernier budget voté par le Parlement est valable jusqu’en 2013. François Hollande est moins lisible sur ce point, puisqu’il a déclaré que la Défense devra prendre part à la réduction des dépenses publiques.
– Dernier point, les enjeux de ce quinquennat. Les lignes directrices entre les candidats sont marquées, mais comme nous le disions, elles sont nécessairement différentes puisque Nicolas Sarkozy est dans la continuité de sa politique déjà initiée en 2007. Pour ce dernier, l’industrie de défense devra être centrée sur les nanotechnologies, l’espace, les communications et les attaques cybernétiques. François Hollande quant à lui veut renforcer les voies diplomatiques trop peu utilisées selon lui, relancer une fois encore la Politique Européenne de Défense et assurer un contrôle des armements dans les pays « à risques » de la zone Moyen-Orient/Asie.
Raphaelle Saury et Pierre-Yves Amiot