Le 26 juillet 2023, un scandale majeur ébranle le secteur technologique français. Le dirigeant de l’entreprise française de semi-conducteurs Ommic est accusé par la DGSI et le PNAT d’avoir illégalement transféré des technologies sensibles, dont certaines à usage militaire, à la Russie et à la Chine. Une trahison qui pourrait conduire à des implications majeures pour la sécurité nationale, mais également internationale.
Ommic, une entreprise stratégique au service de la souveraineté industrielle française
Fleuron industriel français, Ommic fait partie des rares entités en Europe à fabriquer des semi-conducteurs, composants essentiels dans de nombreux appareils connectés civils comme militaires. Elle se revendique comme « pionnière et leader européen » depuis 2017 grâce au développement d’une technologie innovante, GaN, permettant de rendre les puces extrêmement puissantes et performantes. En raison de son emploi systématique par les forces armées françaises depuis cinq ans, cette technologie rend ainsi l’entreprise particulièrement stratégique dans le domaine de la défense. Relevant de la sécurité nationale, ces puces sont – par ailleurs – soumises à une réglementation particulièrement stricte qui encadre leur exportation hors du territoire national.
Les technologies sensibles, objets de toutes les convoitises
Bien que dévoilée seulement en juillet 2023, l’affaire débute en janvier 2021 lors d’un contrôle douanier sur un chargement de puces à destination de la Chine. Rapidement, il est découvert que les marchandises ont été altérées avant leur empaquetage et leurs fiches techniques falsifiées pour cacher leur véritable puissance et ne pas être soumises à la réglementation des biens à double usage (BDU). Particulièrement stratégique, cette législation impose des formalités spécifiques et des permissions pour empêcher l’acquisition de technologies sensibles par des pays hostiles à la France.
Initialement menée par le parquet national anti terroriste (PNAT), l’enquête a été confiée à la DGSI et l’office central pour la répression de la grande délinquance financière. Il est révélé que le dirigeant français d’Ommic aurait mis en place divers stratagèmes pour contourner les sanctions visant Moscou et livrer délibérément des technologies de pointe ainsi que des informations sensibles à une entreprise d’État russe, en passant notamment par la Lituanie, la Turquie et la Chine.
Ces transferts de secrets industriels auraient probablement été utilisés pour renforcer les capacités militaires des pays russe et chinois.
L’intervention des autorités judiciaires compétentes
Bien qu’étant localisée en France, Ommic était – en réalité – sous giron chinois depuis plusieurs années. En effet, en 2018, Ruoadan Z. était devenu président avec plus de 94 % des parts rachetées via un fonds d’investissement français. Ces années d’influence étrangère présumée au sein d’Ommic ont facilité de nombreux transferts stratégiques portant directement atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Une opération judiciaire a donc été ouverte par le parquet national anti terroriste (PNAT) en urgence le 21 mars 2023 et neuf personnes liées à l’entreprise ont été discrètement arrêtées. Quatre suspects – dont le directeur général d’Ommic (Marc R.) et une cadre chinoise – ont été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire le 24 mars dernier.
Marc R. est soupçonné d’avoir livré personnellement des puces électroniques à des clients russes lors d’un voyage en Grèce ou par colis posté depuis son domicile sous un faux nom. Environ 11,8 millions d’euros d’exportations et livraisons de technologies litigieuses ont été recensés par les enquêteurs. Ces agissements occultes auraient sans doute perduré jusqu’au coup de filet de la DGSI, en mars dernier.
Le directeur a, par ailleurs, reconnu une partie des faits lors de sa garde à vue à la DGSI, tout en minimisant son implication. Il a affirmé que les exportations russes, bien qu’illégales, étaient « vitales » pour la survie économique de l’entreprise, plombée « par les pratiques commerciales du président Ruoadan Z. favorisant la Chine sur la vente à prix bradé de semi-conducteurs légaux ». Ce dernier était déjà connu des services français par ses prises de « positions déterminantes dans des groupes français opérant au sein de secteurs stratégiques, comme MC2 », selon Intelligence Online.
Suite à la saisie des actions majoritaires d’Ommic détenues par le président chinois, le tribunal a confié un mandat de gestion à l’État, permettant une reprise tricolore de l’entreprise, avant sa vente à l’américain Macom Technology Solutions.
La perte de la souveraineté industrielle française
Si la découverte d’une telle entreprise d’espionnage technologique est alarmante pour la France, elle ne vient que renforcer le passé déjà mouvementé d’Ommic et mettre en lumière le problème plus vaste de la perte de souveraineté industrielle française.
Dans un contexte où les technologies de pointe jouent un rôle crucial dans l’économie mondiale et où le monde fait face à une pénurie de semi-conducteurs sans précédent, la perte de contrôle sur une entreprise stratégique telle Ommic semble symptomatique du manque de moyens mis en oeuvre par l’exécutif pour contrer l’acquisition étrangère de pépites tricolores innovantes.
En effet, la vente d’Ommic à un acteur américain après une prise de contrôle chinoise interroge sur la capacité de la France à conserver son indépendance et son leadership dans des secteurs clés – les semi-conducteurs de l’entreprise étant dorénavant soumise à la réglementation américaine ITAR -. Elle s’inscrit dans une tendance plus large où les fleurons industriels français sont rachetés par des entités étrangères, affaiblissant progressivement la position de la France sur la scène internationale.
En somme, cette affaire dépasse le simple cadre juridique et commercial, mais témoigne de la guerre économique qui fait rage entre les États, alliés ou non de la France, et la nécessité pour l’Hexagone de protéger ses actifs stratégiques afin de maintenir sa position dans le monde ou du moins, de garantir sa souveraineté industrielle.
Melvin Derradji, pour le club Souveraineté Industrielle de l’AEGE
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