Le label UAF, témoin de la souveraineté économique au sein des armées

Les labels s’avèrent être des outils économiques de forte influence, difficiles à obtenir mais garants d’une qualité reconnue à l’échelle nationale et internationale. Communs dans quelques secteurs tels que l’alimentaire ou l’agriculture, leur arrivée dans les secteurs de la Défense et de la Sécurité est plus récente et encore « fragile ».

Le label UAF, un outil avant tout économique qui s’inscrit dans la politique de l’ancienne ministre des Armées Florence Parly

En 2019, la ministre des Armées Florence Parly présentait au Salon du Bourget – qui réunit tous les acteurs de l’aéronautique, de l’aérien et de l’espace – le label « UAF » (« utilisé par les armées françaises »). Lors de son mandat, de 2017 à 2020, l’ancienne ministre a effectivement mis un point d’honneur à renforcer la capacité de défense de la France et à moderniser ses forces armées, notamment en investissant dans de nouvelles technologies et en développant de nouvelles approches de coopération et de partenariat. Elle a également cherché à améliorer la qualité de vie des personnels militaires et à renforcer l'attractivité de la carrière militaire. 

Le label UAF s’inscrit dans la politique active lancée par la ministre pour soutenir les PME et ETI, qui participent grandement à l’innovation au sein des armées. De nombreuses solutions proposées permettent aux forces françaises de disposer d’équipements à un meilleur niveau de performance, incluant souvent des solutions innovantes. Cette collaboration avec les 26 000 PME et ETI françaises ne représente pas moins de 14 % du budget annuel du ministère des Armées. Les enjeux pour ce dernier et, d’un point de vue plus global, pour les intérêts économiques du pays ne sont plus à démontrer. Les liens entre les entreprises privées et l’industrie de défense et de sécurité ont tout intérêt à être renforcés, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les entreprises privées peuvent apporter une expertise et une innovation technologique précieuses pour moderniser les forces armées et améliorer leurs performances. Ensuite, les contrats de défense peuvent générer des retombées économiques pour les entreprises privées, en particulier dans la recherche et le développement. Enfin, la collaboration entre les entreprises privées et militaires pourrait permettre de développer de nouvelles approches pour faire face aux défis de sécurité et de défense, et pourrait contribuer à préserver la souveraineté économique et technologique en matière de défense et de sécurité.

 

Les Français ne sont pas les seuls à avoir mesuré l’importance de soutenir la participation des petites entreprises au développement des capacités militaires. Sur la scène internationale, on observe de nombreuses politiques similaires, qui prennent ou non la forme d’un label. À titre d’exemple, on peut citer le label « military friendly », dont les États-Unis se servent pour faire valoir leur savoir-faire militaire. On retrouve néanmoins des labels similaires au sein de l’Union européenne. 

Les labels peuvent être utilisés pour indiquer que les produits qui les portent répondent à certaines normes de qualité, de sécurité, de durabilité ou de responsabilité sociale et environnementale. Un label peut être une garantie de qualité pour le consommateur et peut être un moyen pour les entreprises de se démarquer de leurs concurrents et de rassurer leurs clients sur la qualité de leurs produits. Il peut également être utilisé pour encourager les entreprises à adopter des pratiques responsables et durables, en leur offrant une récompense sous forme de reconnaissance et de visibilité pour leur engagement. Leur rôle est également primordial dans le rayonnement d’un pays car le label permet de mettre en avant ses atouts et ainsi contribuer à renforcer sa réputation sur le plan international. Économiquement, cela offre la possibilité d’attirer les investissements étrangers et de favoriser les échanges commerciaux, mais aussi d’encourager les coopérations internationales. L’intérêt est donc double, puisqu'il est bénéfique à la fois pour les entreprises et pour l’État.

 

Le label UAF, un outil qui reflète l’engagement du ministère des Armées dans la souveraineté économique

Même si l’utilisation de l’expression d’économie de guerre par Emmanuel Macron au salon Eurosatory en juin 2022 ne correspond pas parfaitement à la définition qui en est faite initialement, elle met en lumière les enjeux actuels auxquels sont confrontées les armées. Dans ce contexte, cette expression est en réalité utilisée pour désigner la nécessité de se préparer à faire face à des situations de crise ou de conflit. Les armées françaises doivent être en mesure de répondre efficacement aux défis à venir. Cela peut inclure la défense de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la France, la protection de ses citoyens et de ses intérêts nationaux, ou encore la participation à des opérations de maintien de la paix ou de lutte contre le terrorisme à l'étranger. Pour cela, il est important que les armées françaises disposent de moyens et de capacités adaptés à ces types de conflits, notamment en termes d'armement, de technologie et de formation. Cela nécessite des investissements et des efforts en matière de recherche et développement pour être en mesure de faire face à des adversaires de plus en plus sophistiqués.

Les dernières crises auxquelles nous avons été confrontés ont mis à l’épreuve notre modèle économique et nous ont fait prendre conscience de la nécessité de mettre en place de nouveaux systèmes de production et d’approvisionnement. L’incapacité de se procurer des masques en période de pandémie ou encore les difficultés d’approvisionnement en matières premières ont été révélateurs de l’importance de notre dépendance économique à l’égard d’autres pays, ce qui, en temps de crise ou de conflit majeur, est une véritable faille dans notre chaîne d’approvisionnement. Tout l’enjeu pour les années à venir réside dans la capacité des armées à penser et anticiper la gestion des stocks, leur régénération ainsi que la relocalisation de la chaîne de production, qui s’avère fondamentale en cas de conflit à haute intensité. Les enseignements tirés de ces événements nous ont prouvé qu’il s’agit bien de « gagner la guerre avant la guerre », comme l’a écrit Sun Tzu. 

Dans un contexte qui oscille désormais entre le tryptique « compétition, contestation, affrontement », la France doit être en mesure de s’adapter à ces conflits hybrides dont la complexité requiert une vision globale ou systémique qui intègre la pléthore de leviers à actionner pour tendre vers cette indépendance économique. Désormais bien loin du cycle « paix, crise, guerre », le bouleversement de nos modes de pensée et de nos pratiques en termes de production et d’approvisionnement semble inévitable, et est peut-être même déjà initié. L’industrie de défense et de sécurité est un vecteur important de notre souveraineté économique et de notre indépendance stratégique. Ce secteur incontournable génère des emplois et permet de fournir les moyens et équipements nécessaires aux forces armées. Renforcé, il sera une garantie de la capacité décisionnelle de la France sur la scène internationale.

 

La nouvelle pensée stratégique française qui intègre désormais les affrontements dans le champ cognitivo-informationnel

Si d’aucuns croient que la force des armées françaises se résume à sa capacité militaire, sa stratégie et sa tactique, et que les affrontements n’ont lieu que sur des théâtres d’opérations, il n’en est rien. La force des armées tient également compte de nombreux autres facteurs, tels que sa doctrine de combat, sa logistique, ou son équipement, entre autres. En outre, la force d’une armée peut également être influencée par des facteurs politiques, économiques et géopolitiques. Les décisions d’un gouvernement sur ses budgets de défense et ses priorités militaires sont des révélateurs d’enjeux majeurs. Une économie solide est l’un des piliers essentiels à l’expression du plein potentiel des forces armées. Notre chef d’état-major des Armées, Thierry Burkhard, l’a bien compris. Lorsqu’il exprime sa volonté d’intégrer de « nouveaux champs » dans la nouvelle vision stratégique française, il ne fait qu’évoquer ce qu’on nomme « guerre de l’information » ou encore « lutte informationnelle ». La lutte informationnelle désigne l'utilisation de la communication et de l'information pour atteindre un objectif politique, militaire ou économique. Elle peut être utilisée pour influencer l'opinion publique, persuader les décideurs politiques, ou encore déstabiliser un adversaire. La lutte informationnelle peut prendre de nombreuses formes et peut être menée par des gouvernements, des entreprises ou des groupes de pression. Elle peut avoir des conséquences importantes sur la vie politique, sociale et économique d'un pays.

Cette mise en lumière des affrontements dans le champ cognitivo-informationnel, bien que tardive, ouvre la voie à une réflexion ainsi qu’à une mise en œuvre d’actions concrètes visant à améliorer les capacités et compétences françaises dans ces nouveaux champs d’action. On comprend alors d’autant plus l’importance et les enjeux des labels de sécurité et de défense.

 

Cynthia Begue pour le club Analyse de l’AEGE

 

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