Malgré le retour de la guerre aux portes de l’Europe, l’industrie de défense européenne est absente du projet de bouclier antimissile European Skyshield, compromettant ainsi sa souveraineté. Paris et Berlin sont en désaccord sur les solutions retenues, soulignant les tensions persistantes dans les relations franco-allemandes en matière de défense.
L’invasion russe en Ukraine a révélé l’importance des systèmes de défense antiaérienne contre les missiles longues portées, les avions, les hélicoptères et les drones qui représentent maintenant le principal vecteur d’attaques aériennes. Menés par l’Allemagne, 15 pays de L’OTAN dont la Finlande ont signé en octobre dernier une lettre d’intention European Skyshield (ESSI) afin de créer un système européen de défense antiaérienne et antimissile par l’acquisition d’équipements communs. La menace posée par la Russie à l’égard de l’Europe a contribué à la rapidité avec laquelle le Chancelier allemand a pu rallier un grand nombre de partenaires.
D’autre part, la mise en avant de l’argument économique, grâce à une collaboration étroite avec l’OTAN, a également séduit de nombreux acteurs. Depuis, d’autres ont rejoint le programme dont des pays neutres comme l’Autriche et la Suisse. Les derniers à rejoindre le programme sont la Turquie et la Grèce malgré les tensions qui existent entre ces deux pays. Au total, 21 nations y adhèrent désormais. La France n’a pas rejoint le programme estimant pouvoir se reposer sur sa force de dissuasion nucléaire tout en mettant en avant l’impératif de préserver sa souveraineté industrielle et militaire. De plus, certains pays européens préfèrent utiliser leurs propres systèmes, bien que ne disposant pas de systèmes longue portée.
Un projet constitué de matériels allemands et américains
Le projet European Skyshield envisage l’intégration de trois composantes dans le système de défense contre les attaques aériennes à courte, moyenne et longue portée. Le premier élément sera le système allemand de défense aérienne à courte portée IRIS-T SLM (Infra Red Imaging System Tail/Thrust Surface-Launched Medium Range). Développé depuis 1996 par Diehl BGT Defence en Allemagne, il peut abattre un objectif à 20 km d’altitude et à 40 km de distance. Ce missile a démontré son efficacité sur le terrain pendant le conflit en Ukraine.
Dans le cadre de cette initiative est ensuite envisagé l’emploi du système américain PATRIOT (Phased Array Tracking Radar to Intercept Of Target) ayant une portée moyenne allant jusqu’à 160 kilomètres. Dans cette perspective, l’OTAN a confirmé le 3 janvier dernier une commande de 1000 missiles, pour un montant de 5,1 milliards d’euros.. Enfin, pour compléter le dispositif, l’initiative ESSI envisage l’acquisition du système de défense antimissile balistique à longue portée Arrow-3, capable de détruire un objectif au-delà de l’atmosphère, fruit d’une collaboration entre Israël et les États-Unis. En septembre 2023, l’Allemagne a confirmé l’achat de systèmes de défense anti-missiles israélo-américains Arrow-3, commande estimée à 3,5 milliards de dollars, marquant ainsi le plus gros contrat de défense jamais signé par Israël d’après le ministère israélien de la Défense. Un contrat historique, qui refroidit les relations entre la France et l’Allemagne, l’Elysée regrettant que la BITD européenne ne soit pas privilégiée.
European Skyshield, sans les européens
En somme, l’industrie de défense européenne n’est pas impliquée dans l’initiative. Ce qui semble paradoxal sur un sujet où la souveraineté devrait être recherchée. De plus, le fonds européen European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act (EDIRPA), abondé à hauteur de 500 millions d’euros, n’est pas utilisé. Depuis 2022, ce fonds est accessible aux États européens souhaitant acheter des matériels conçus et produits par l’industrie de défense européenne. Cela pourrait par exemple aider certains pays à se fournir en missiles Mistral pour la courte portée ou encore en SAMP/T Mamba pour la moyenne portée. L’initiative European Sky Shield est donc un sujet qui ne facilite pas les relations entre Paris et Berlin. Entre le Main Ground Combat System (MGCS) et le programme SCAF (Système de Combat Aérien du Futur), les retards et les difficultés à s’entendre sont nombreux, sans compter les précédents programmes annulés par les Allemands, à l’image du programme de patrouilleur maritime MAWS (Maritime Airborne Warfare System) ou encore du Tigre Mark III.
En réponse à Berlin, Emmanuel Macron a annoncé au salon du Bourget en juin 2023, l’achat par cinq pays européens (France, Belgique, Estonie, Hongrie, Chypre) de missiles sol-air Mistral de courte portée (concurrent du missile allemand IRIS-T) fabriqués par MBDA. Pour la première fois, le fonds d’aide à l’acquisition commun d’armement commun EDIRPA a été mis en œuvre. Le président français a également mis en avant le système franco-italien SAMP/T Mamba, missile sol-air de moyenne portée fourni à l’Ukraine.
Club Défense de l’AEGE
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