L’importance d’internet en terme de stratégie de communication pour une entreprise ne peut plus être ignorée. Néanmoins, cet outil facilite aussi les actes de concurrence déloyale, tels que le parasitisme, la contrefaçon ou le dénigrement. Les entreprises n’en demeurent pas pour autant sans protection et peuvent avoir recours à des moyens juridiques pour lesquels les conseils d’Hommes de loi s’avèrent indispensable.
Exemple de dénigrement et de parasitisme
Le 1er juillet 2011, le tribunal de commerce de Paris (5e ch. RG 2010075802, SAS RENTABILIWEB EUROPE / SA HI-MEDIA) a jugé que constitue des actes de concurrence déloyale la modification ou la suppression du contenu d’une page de l’encyclopédie contributive Wikipédia et l’utilisation de mots clés dans le système publicitaire Adwords du moteur de recherche Google, reprenant la dénomination de son concurrent.
En outre, les juges parisiens ont considéré que la jurisprudence ne s’oppose pas à la recherche des « IP » dans la mesure où cette connaissance ne donne pas accès à la personne qui utilise l’ordinateur visé. (Tribunal de commerce de Paris,).
En l’espèce, les entreprises Rentabiliweb et Hi-Media sont deux éditeurs de sites Internet spécialisés dans la sécurisation des paiements informatiques. Rentabiliweb, à l’origine de l’action judiciaire, accuse Hi-Media d’avoir supprimé de Wikipedia la référence à son site de la fiche micropaiement afin de lui nuire et d’avoir laissé son directeur du développement publier des propos dénigrants sur son blog. Hi-Media n’est pas en reste, et reprochait à Rentabiliweb d’avoir enregistré « Allopass » comme mot clé sur Google faisant acte de parasitisme.
- Tout d’abord, l’encyclopédie en ligne Wikipedia qui propose une rubrique en français « micropaiement » a indiqué que le nom de Rentabiliweb a été retiré de la liste le 9 juillet 2008 par un message expédié d’un ordinateur dont l’IP est celui d’un appareil d’Hi-Media. Les juges ont condamné cette suppression, relevant le « préjudice évident » à Rentabiliweb, en assignant Hi-Media à lui payer 25 000 € à titre de dommages et intérêts. Bien que librement modifiable par les internautes, il s’agit pour les juges, de la part d’un concurrent, d’un acte de concurrence déloyale ouvrant droit à indemnisation.
- Par ailleurs, Rentabiliweb a estimé que des cadres dirigeants de Hi-Media l’auraient dénigré en soutenant qu’une part importante de son activité provenait de sites pornographiques, mais n’ont pas nié exploiter de tels sites, ce qui a amené le tribunal à affirmer que « les dirigeants ne l’ont donc pas dénigré puisque le fait est avéré ».
- En outre, en 2010 des rumeurs ont couru sur la cession par Hi-Media, société cotée, de sa filiale Allopass spécialisée dans les micros paiements. Après avoir fait part de son intérêt, Rentabiliweb a aussitôt démenti parlant de perte de vitesse d’Allopass, ce qui a été immédiatement dénoncé comme une tentative de déstabilisation par Hi-média. Le tribunal a alors jugé que « deux semaines après avoir exprimé son intérêt pour Allopass, Rentabiliweb ne peut laisser publier qu’il n’est absolument pas intéressé. Il n’est pas non plus loyal de confirmer une information sur une perte de vitesse d’Allopass sans être capable aujourd’hui de fournir un quelconque fondement à cette confirmation. Il s’agit d’actes graves car susceptibles de diminuer l’intérêt potentiel d’autres acquéreurs d’Allopass, et donc le prix de cession de cette activité, et d’avoir une incidence négative sur le comportement boursier d’Hi-Media ».
- Enfin, concernant l’achat du mot clé « Allopass » à Google, le tribunal de commerce a affirmé que« Bien que ne s’agissant pas d’une marque protégée, son utilisation pour obtenir du moteur de recherche le plus utilisé en France qu’il renvoie au site de Rentabiliweb constitue un acte de parasitisme et de concurrence déloyale dans la mesure où Rentabiliweb peut ainsi détourner à son profit des internautes désirant toucher la société Allopass ».
Distinction diffamation et injure/ dénigrement
Cette affaire démontre qu’en matière d’e-réputations négatives, le rôle de l’avocat est essentiel du fait de sa capacité à qualifier les faits litigieux. Il conviendra par exemple de distinguer la diffamation et l’injure du dénigrement. Ainsi, la loi du 29 juillet 1881 par son article 29, définit les infractions de diffamation et d’injure comme « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».
Le législateur, pour protéger la liberté d’expression, a prévu une prescription de 3 mois au-delà de laquelle il n’est plus possible de se fonder sur les dispositions de la loi de 1881. Concernant la jurisprudence, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, dans une ordonnance du 26 octobre 2009, a rappelé « que les abus de la liberté d’expression tels que prévus par la loi du 29 juillet 1881 ne pouvant être relevés sur le fondement du droit commun, il convient de souligner le fait que suivant l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, le fait incriminé doit être précisé et qualifié, le texte applicable cité et l’acte introduisant l’instance notifié au Ministère Public ».
Il conviendra notamment de distinguer les propos visant directement la personne, des propos dénigrants visant les services d’une entreprise qui relèvent quant à eux du régime de responsabilité de droit commun. Ainsi, l’ordonnance du 26 octobre 2009 dispose que « si certains propos peuvent ailleurs relever du dénigrement porté sur les services (…) ils forment un tout indivisible et ne peuvent être détachés des propos susceptibles d’être qualifiés suivant la législation du 29 juillet 1881 ».
L’atteinte à la vie privée et le Droit à l’image
Énoncé à l’article 9 du Code civil, le droit au respect de sa vie privée n’est pas clairement défini. Pour la doctrine, la sphère de la vie privée se définie comme un ensemble d’informations présentant un caractère personnel, soit les faits, communication ou opinions qui concernent l’individu et dont il serait raisonnable d’attendre de lui qu’il les considère comme intimes ou sensibles, et qu’il veuille en conséquence en empêcher ou au moins en restreindre leur collecte, usage ou circulation. Il s’agit par exemple de la vie affective, familiale, de sa sexualité, de sa santé, de ses convictions personnelles, de son patrimoine etc.
C’est sur cette base que la jurisprudence a développé la notion du droit à l’image qui permet à toute personne de s’opposer à la publication de photographie la représentant sans son autorisation préalable, sans pour autant entraver la liberté d’expression. Le juge prendra en compte la nature de la publication, le caractère anodin ou déjà connu des faits et la pertinence de faits révélés suivant l’information sur l’actualité ou la contribution à un débat d’intérêt général (cf. Cass, 1ère civ, 13 novembre 2003).
Pour éviter que les parties contourne la courte prescription de la loi de 1881 en se fondant sur l’article 9, la jurisprudence a décidé qu’il appartenait au juge de restituer aux faits l’exacte qualification donnée par les parties.
Le Droit d’opposition pour motif légitime
Conformément à l’article 38 loi du 6 janvier 1978, toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ou soient utilisées à des fins de prospection par le responsable du traitement (). C’est le droit d’opposition pour motif légitime à un traitement de données à caractère personnel.
Pour l’article 2, la notion de données à caractère personnel se définit comme « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ». L’exercice de se droit est conditionné à l’existence de raisons légitimes qu’il faudra déterminer.
L’article L. 226-18-1 du Code pénal sanctionne quant à lui le non respect du droit d’opposition en cas de traitement de données à caractère personnel d’une peine d’emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 300.000 euros.
Contrefaçon de marque
Elément important du patrimoine incorporel de la personne physique ou morale, la marque doit être protégée de la contrefaçon.
Des lors, les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle interdisent « la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque identique pour des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ». Par ailleurs, ils interdisent également « l’imitation de la marque et son usage pour des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ». Ainsi, leur utilisation en tant que mots-clés, méta-tags afin d’obtenir un meilleur référencement et générer un lien Internet désignant les produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement constitue un acte de contrefaçon.
De plus, l’article L. 115-33 du Code de la consommation sanctionne les faits d’usage de marque à l’égard de produits ou services différents de ceux désignés par l’enregistrement, de nature à tromper les consommateurs sur les relations existant entre le propriétaire de la marque et celui qui l’utilise de mauvaise foi. La reproduction sans autorisation du titulaire de ses marques sur un blog accompagné de photographies issues du catalogue de la saison en cours est également interdite. La qualification de contrefaçon devra donc s’apprécier au regard de l’usage qui est fait de la marque et de l’atteinte qui est lui est portée.
Notion de parasitisme
Le Parasitisme est un acte de concurrence déloyale consistant à s’approprier indûment la réputation ou le savoir-faire d’un concurrent en créant une confusion dans l’esprit de sa clientèle avec la marque ou les produits parasités.
Lorsque le parasitisme est retenu par les juges, la victime peut obtenir des dommages et intérêts pour atteinte à sa réputation, voire même pour affaiblissement du pouvoir attractif de son entreprise. Il peut s’agir par exemple de toutes actions de pillage des efforts intellectuels, de la notoriété ou du résultat d’investissements d’une entreprise.
Ainsi, le premier réflexe d’une « victime » doit être de s’adresser à un avocat afin de déterminer la réponse juridique à apporter. Les outils existent, il convient de les utiliser.
Alexandre Mandil