Cultivé depuis 1997 aux Etats-Unis, le maïs OGM a toujours rencontré des levées de boucliers à l’échelle européenne, comme en France. La culture du maïs MON810, résistant aux insectes, a effectivement été interrompue à la suite d’un moratoire maintenu depuis 2008 dans l’Hexagone, malgré les invalidations répétées de l’UE.
Autosuffisante en maïs destiné à la consommation humaine, l’Europe doit cependant importer des denrées génétiquement modifiées en quantité pour répondre aux besoins des élevages. Nous aurions ainsi importé 38.5 millions de tonnes de protéines de maïs et de soja dont 85% étaient OGM en 2013, ce qui équivaut à 64 kilogrammes par an et par citoyen, selon la plateforme d’information de l’UE « EurActiv ».
Deux espèces de maïs OGM américaines (développées dans les laboratoires de l’entreprise Monsanto) se retrouvent donc en Europe dans l’alimentation animale, la production d’amidon, de papier et textiles ainsi que dans certains additifs alimentaires tels que le dextrose et le glucose.
Il n’a pas dû vous échapper que l’éventualité d’un renouveau de la culture du maïs OGM dans l’Union Européenne était en débat cette semaine au sein des institutions européennes et par ricochet, françaises.
C’est précisément la question de l’entrée sur les terres européennes de l’espèce « Pioneer 1507 », (résistant aux attaques d’insectes, donc à meilleur rendement) développée par deux géants de l’industrie chimique américaine: DuPont et Dow Chemical qui a fait débat. Le 11 février dernier, 19 Etats se sont, comme la France, opposés à cette proposition, 4 se sont abstenus, comme l’Allemagne, et 5 l’ont approuvé, à l’occasion du conseil des ministres des affaires européennes.
Ce débat a rapidement envahi l’échelon national, la séance du 13 février au Sénat mettant en lumière les réticences françaises face à cette mesure, ainsi que le dilemme posé par les questions de propriété intellectuelle (« droit que possèdent les créateurs sur les œuvres ») et de brevetabilité des gènes et des semences, qu’elles soient ou non transgéniques.
Le gouvernement français estime en effet que les gènes natifs, autrement dits, non transformés par l’homme, mais prélevés sur une espèce et insérés dans une autre pour lui apporter une nouvelle caractéristique, ne doivent pas subir le coût d’une protection juridique stricte (brevet). Cette position est bien évidemment suivie par les semenciers hexagonaux qui créent et sélectionnent les variétés à fort rendement pour assurer la sécurité alimentaire.
Le sujet semble cependant diviser les pays du continent européen, puisque la demande de la société suisse agrochimique Syngenta a été acceptée par l’Office Européen des Brevets, lui octroyant la propriété d’un gène résistant aux insectes issu d’un poivron sauvage.
Avant l’entreprise d’une quelconque activité de lobbying au niveau européen contre l’implantation d’une plante OGM, il conviendrait donc d’harmoniser la position des pays d’Europe sur le système de protection des variétés dit « Certificat d’Obtention Végétal » (COV), appliqué en France, et les brevets ayant cours dans quelques rares pays comme les Etats-Unis ou l’Australie. Le COV permet une utilisation par tous des semences, y compris des pays dits « à brevets », alors qu’à l’inverse les pays européens (ainsi que 86 pays autour du Globe) ne peuvent puiser librement dans les ressources génétiques de ces Etats. Le maïs génétiquement modifié est effectivement protégé par un brevet de 15 ans aux Etats-Unis et les firmes américaines souhaitent vivement voir cette protection passer à 30, plaçant ainsi l’UE et surtout la très dynamique filière des semenciers français en situation de dépendance. Les agriculteurs ont alors à régler des droits d’utilisation et à demander l’aval de l’obtenteur de la variété pour la produire. Cette situation crée une distorsion de concurrence désavantageant nos semenciers nationaux.
Les semenciers français dont le rôle est de créer et sélectionner de nouvelles variétés, mieux adaptées aux conditions climatiques et aux exigences de production, ont d’importants budgets alloués à la recherche. Leurs résultats sont aujourd’hui accessibles à tous, y compris aux chercheurs américains, sans aucune réciprocité.
L’acceptation de la culture de ce nouveau maïs OGM dans les pays membres de l’Union Européenne serait donc, non seulement, une manne économique pour les laboratoires américains, mais provoquerait également le noyautage de nos entreprises, dont le savoir-faire est pourtant très reconnu, et un manque à gagner pour les avancées de la recherche et les évolutions variétales.
Ines de LORGERIL