L’ordre public est trop souvent considéré au regard de ses composantes historiques que sont la sécurité, la salubrité et la tranquillité, et au travers de la récente et immatérielle notion de moralité publique. Cette quadrilogie classique ne prend pas en compte le volet économique. Initialement, les autorités régulatrices souveraines imposaient une protection de l’ordre public économique principalement au moyen du droit de la concurrence. Or dernièrement, lorsque des distorsions de concurrence apparaissent, les autorités régulatrices négocient leur souveraineté par la conclusion de contrats économiques avec les entreprises privées. Les contrats économiques de souveraineté incarnent alors une stratégie étatique, ayant pour vocation de maintenir différemment la souveraineté d’un Etat.
L’Etat, régulateur dans les rapports économiques
C’est à l’origine sur un fondement théorique de « liberté » que l’ordre public vient s’insérer. « En Occident, l’activité économique est l’expression de la liberté individuelle d’entreprendre, appuyée notamment en France sur la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, aux États-Unis sur la Constitution. Dès lors, chacun perçoit que l’ordre public va contrarier cette liberté individuelle qui est aussi le creuset du développement économique ». Et Gérard Farjat, dans sa thèse, viendra approfondir cette notion d’ordre public économique, il le fera en l’opposant à la liberté contractuelle.
La raison de cette opposition est facilement intelligible, l’État vient imposer sa norme dans des rapports économiques entre individus. La liberté, dans ces développements, est alors amoindrie par cette intervention du régulateur. Mais cette intervention existe parce qu’il existe des rapports de forces qui déstabilisent la société. Dans ce sens, l’État a le devoir d’intervenir, en tant que prescripteur ou régulateur, afin de maintenir un équilibre entre les parties.
Le contrat économique de souveraineté
Cet ordre, cet équilibre, a deux facettes distinctes et complémentaires. La première est liée à la notion de concentration d’entreprises, la seconde à la sauvegarde de l’ordre public économique. Parmi l’amoncellement de règles et d’autorités destinés à les réguler, il existe un outil particulier : celui des contrats économiques de souveraineté. Ce sont des outils d’organisation de l’économie et de régulation négociée des pouvoirs des entreprises, ayant une capacité d’investissement tout à fait considérable. C’est-à-dire que l’État, représenté par les autorités régulatrices du marché, en acceptant ce type de contrat, négocie sa souveraineté, alors même que cette notion est une caractéristique de la notion même d’État. Et c’est cette « souveraineté négociée » qui est au cœur des contrats économiques de souveraineté, outils de régulation de l’ordre public économique.
Les contrats économiques de souveraineté incarnent une stratégie étatique qui a pour vocation de maintenir sa souveraineté, en laissant la possibilité aux entreprises de jouer un rôle proactif dans l’identification de solutions appropriées pour mettre fin à leurs pratiques jugées anticoncurrentielles. Face à l’évolution du marché concurrentiel et à l’accroissement du pouvoir des entités privées, l’État s’est adapté pour rester attractif et faire bénéficier les entreprises d’une diminution notable des risques légaux et financiers pour ces dernières.
Pierre-Alexandre Bévière-L’Hopitalier, Hugues de Courrèges d’Agnos et Jade Lequet
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