L’intelligence économique entre dans la législation française, un grand pas vers une politique nationale d’IE

Au lendemain du premier débat sur le contrôle IEF au Sénat à l’initiative de Jean-Baptiste Lemoyne, la commission mixte parlementaire introduit pour la première fois dans la législation française le concept d’intelligence économique (IE). Cette « petite révolution » adjoint à la sécurité économique un volet offensif, laissant entrevoir une future stratégie d’influence normative ancrée dans une politique nationale d’intelligence économique.

La commission mixte paritaire, convoquée pour trouver un accord entre députés et sénateurs sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, s’est réunie ce jeudi 30 mai au Sénat. Elle a abouti à un accord, adoptant plusieurs propositions faites par l’ancien ministre Jean-Baptiste Lemoyne, et par Franck Montaugé, sénateur du Gers. Ces derniers avaient récemment déposé et fait adopter par le Sénat un amendement introduisant l’IE, aujourd’hui devenu l’article 2 bis de la proposition de loi.

L’intelligence économique inscrite dans le marbre de la loi française

Réalité géopolitique qui concerne toutes les entreprises, la guerre économique nécessite une acculturation spécifique au plus haut niveau de l’Etat français. Le contrôle IEF ne couvrant qu’une partie du champ de la souveraineté économique, l’intelligence économique permet justement cette gestion stratégique de l’information économique, à même d’appréhender efficacement les opportunités et les risques pour la France liés à la mondialisation des échanges. C’est pourquoi les sénateurs Jean-Baptiste Lemoyne et Franck Montaugé avaient initié une proposition de loi (PPL) en septembre 2023, portant au niveau législatif l’intelligence économique et visant à en faire le cadre d’une politique publique de reconquête de la souveraineté économique de la France. La PPL demandait que l’Etat se dote d’une stratégie nationale d’intelligence économique, qui serait pilotée par une structure interministérielle rattachée au premier ministre : un secrétariat général à l’IE. Les sénateurs proposent également la création de comités régionaux à l’IE, pour décliner et piloter cette stratégie nationale en lien avec les chambres de commerce et d’industrie.

Pour la première fois dans la législation française, le concept d’intelligence économique est introduit par le biais de cet amendement sur le contrôle IEF, venant compléter celui de la sécurité économique. Désormais, le rapport annuel du Gouvernement sur la promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, ainsi que sur le contrôle des investissements étrangers devra retracer « les mesures prises en matière de sécurité et d’intelligence économiques ». Et pour répondre de ses actions sur ce sujet, l’Etat se doit donc de structurer une stratégie d’intelligence économique.

Un débat annuel sur le contrôle par le Gouvernement des IEF

Le jeudi 29 mai 2024, un débat organisé par Jean-Baptiste Lemoyne se tenait au Sénat sur le thème du contrôle des investissements étrangers en France (IEF), comme outil d’une stratégie d’intelligence économique au service de notre souveraineté. Différents sénateurs et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, ont ainsi échangé pour « s’assurer que le patrimoine économique tricolore est bien protégé face aux menaces croissantes dans un monde qui est en état de guerre économique permanente ». La commission mixte paritaire a ainsi validé la tenue de ce rendez-vous annuel sur le contrôle par le Gouvernement des investissements étrangers en France. L’Assemblée nationale et le Sénat pourront alors se réunir à l’occasion de la publication annuelle des données statistiques en la matière, dont la prochaine sortie est prévue en juin prochain. « Le Parlement aura désormais les moyens d’être encore plus vigilant sur les tentatives de prédation étrangères sur des entreprises françaises. L’actualité économique, avec Biogaran par exemple, montre combien il convient de veiller au patrimoine économique de la Nation », insiste Jean-Baptiste Lemoyne.

La France semble sortie du déni, elle s’est dotée d’une politique de sécurité économique et d’outils pour faire respecter sa souveraineté industrielle et technologique. La prochaine étape sera désormais la mise en place d’une véritable stratégie d’intelligence économique, qui s’étend au-delà de la sécurité économique. Pour Jean-Baptiste Lemoyne, il s’agit de compléter ce volet défensif par de l’offensif, puisque « la meilleure défense, c’est l’attaque » a rappelé Pascal Allizard lors du débat. Pour cela, travailler sur l’influence normative est une priorité car « qui fait la norme fait le marché : anticiper et maîtriser la norme c’est bien, les produire et co-produire c’est mieux. » Puis afin de décliner la stratégie nationale localement, le sénateur propose de « créer un cercle de confiance qui associe mieux les collectivités locales, les entreprises, les partenaires sociaux, les acteurs de l’IE, les prestataires spécialisés et citoyens ». L’enjeu de coopération et de formation est réel, pour sortir du réflexe français de rétention de l’information dans ce contexte où l’économie est tributaire de la géopolitique.

Agathe Bodelot

 

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