La bi-nationalité, une victoire du lobbying africain à la FIFA

La décision de la FIFA d’autoriser les jeunes footballeurs binationaux à choisir leur équipe nationale, sous certaines conditions, a été obtenue de haute lutte par les lobbyistes africains dans la nuit du 19 au 20 octobre 2007.

C’est l’une des plus éclatantes victoires du lobbying africain dans les instances internationales depuis 50 ans.
Une bataille de longue haleine dont les répercussions sont durement ressenties en France, comme le montre l’actualité récente.

Même les grands médias l’ont oublié: l’origine profonde de l’affaire des quotas de joueurs binationaux dans les centres de formation français de football remonte à quelques années. Tout est parti d’une erreur d’appréciation de la fédération française de football (FFF) lors du congrès extraordinaire de la fédération internationale de football association (FIFA) des 19 et 20 octobre 2007 à Doha au Qatar.

Quelques mois plus tôt, alors que Joseph Blatter était en campagne pour un nouveau mandat à la tête des Nations Unies du football, les fédérations du continent, amenées par la confédération africaine de football (CAF), firent pression sur le président sortant pour qu’un aval soit donné aux nouveaux statuts de l’instance faîtière du football mondial entrés en vigueur le 1er janvier 2004. Blatter avait besoin des voix africaines pour être réélu.

A l’aide de lobbyistes professionnels et des stars mondiales telles que Roger Milla, Didier Drogba, Samuel Eto’o et Abedi Pelé, plusieurs pays africains dont l’Algérie, le Cameroun, le Mali, le Maroc, le Sénégal ou la Tunisie, déployèrent une vaste opération d’influence en direction des fédérations asiatiques, européennes et sud-américaines. Les pays africains avaient hâte d’exploiter certaines dispositions du Règlement d’application des Statuts pour, indiquait leur position paper, permettre à de « jeunes binationaux talentueux, parfois oubliés sur le bord du chemin, de servir le pays de leur choix…» Le texte fut voté à l’unanimité des 204 fédérations présentes au congrès de Doha !

Le dispositif visé par l’opération d’influence des Africains prévoyait qu’un  jeune footballeur (l’âge limite de 21 ans fut arrêté après débat), ayant disputé un ou plusieurs matchs de compétition officielle pour le compte d’une équipe nationale, avait dorénavant la possibilité d’opter pour une autre sélection nationale, sous deux conditions principales:

1- Que le joueur n’ait encore jamais disputé un match international « A » pour l’association dont il relève au moment de la demande ;

2- Que le joueur possède déjà la double-nationalité ou multi-nationalité au moment de sa première entrée en jeu dans un match international d’une compétition officielle, quelle qu’en soit la catégorie.

Dans la foulée, plusieurs footballeurs africains bénéficièrent de la nouvelle mesure avant la fin du dernier trimestre de l’année 2007. Ce fut le cas d’Anther Yahia, Abdenasser Ouadah, Samir Beloufa d’Algérie, Oumar Kanouté et Lamine Sissoko du Mali, Lamine Sakho du Sénégal et Adel Chedly de Tunisie, pour ne citer que les premiers bénéficiaires. Signe particulier : tous étaient passés par les sélections nationales françaises de jeunes…

Non contentes de s’arrêter à ce stade, plusieurs fédérations africaines, amenées par l’Algérie, accentuèrent la pression pour faire sauter le verrou de l’âge minimum. Résultat atteint lors du 59ème congrès de la FIFA tenu à Nassau, aux Bahamas, les 2 et 3 juin 2009. Par une majorité de 58% de voix, la FIFA décida « qu’un joueur qui souhaite faire usage de son droit de changer de fédération ne soit plus soumis à une limite d’âge dans la mesure où toutes les autres conditions de l’article 18, alinéa 1 du Règlement d’application des Statuts sont remplies. »

D’après Knowdys Public Affairs, la FFF envisage d’engager des manœuvres de lobbying auprès des Allemands, des Anglais, des Espagnols et des Néerlandais pour interdire purement et simplement la bi-nationalité footballistique. En attendant, l’effet final recherché par les stratèges du football français est au moins atteint en partie: injecter le sentiment de culpabilité dans l’esprit de jeunes footballeurs qui, formés dans l’Hexagone, seraient tentés d’aller voir ailleurs… Un nouveau challenge pour les lobbyistes du football africain.