La stratégie d’intelligence économique dans l’aviation

La 49ème édition du Salon international de l’aéronautique et l’espace qui vient de se clôturer au Bourget a une nouvelle fois montré le poids de l’industrie aéronautique tant civile que militaire dans l’économie française avec ses 157 000 emplois (embauches de 8000 personnes par an) et les 18 milliards d’euros d’excédents commerciaux enregistrés chaque année.

Ce secteur se caractérise par une forte exposition à l’international où près de 75 % de l’activité est réalisée. Dans l’aviation commerciale, Airbus mène la danse et a annoncé au Salon du Bourget près de 730 commandes et options d’avions pour un montant de 72,2 milliards de dollars. Le programme Airbus A320Neo lancé officiellement en décembre 2010 cumule à ce jour plus de 1000 commandes ! L’essor global du transport aérien dans le monde stimule la construction aéronautique et le tissu des sous traitants. Cet essor se réalise sur la base du modèle de compagnie aérienne low cost qui plébiscite les avions short range type A320 ou Boeing 737. Ce segment de marché focalise toutes les attentions des compétiteurs étrangers, notamment russe, canadien, brésilien, indien et surtout chinois.

Ainsi, bien qu’elle vienne de vivre une semaine enivrante, l’industrie doit impérativement relever des défis d’ordre technologique, réglementaire, environnemental, financier, monétaire et concurrentiel. En clair, l’industrie aéronautique va profondément se transformer dans la décennie qui s’ouvre. De nouvelles alliances se créent, beaucoup avec l’Asie. Dans ce cadre, il convient de s’interroger sur les moyens de maintenir des capacités industrielles aéronautiques en Europe.
Des contraintes puissantes s’exercent aujourd’hui sur l’industrie aéronautique pour concevoir, produire et maintenir des aéronefs en Asie ou en Amérique du Sud. Les Indiens demandent une part de plus en plus importante dans la conception et l’ingénierie chez Airbus, les chinois ont obtenu une ligne d’assemblage d’A320 à Tianjin et poussent les équipementiers avec le C919, les brésiliens négocient sur des hélicoptères et des technologies militaires. De manière générale, on assiste à un vaste mouvement de transfert de compétences et de technologies vers ces économies de plus en plus émergées.
L’industrie doit alors avoir une parfaite vision et un bon pilotage stratégique pour accompagner ce changement. L’intelligence économique (IE) pose cette question du management stratégique de l’information. L’IE a construit une grille de lecture originale et novatrice des rapports de forces qui s’exercent dans le champ économique. Il faut ainsi écarter toute approche naïve ou mercantile de l’eldorado asiatique et éviter le pillage des technologies qui ont mobilisées de nombreuses ressources humaines et financières en Europe. Il faut savoir s’allier intelligemment.

Par ailleurs, le mouvement de balancier vers les émergents doit être mieux appréhendé du côté étatique. L’Etat doit avoir un rôle structurant pour la base industrielle et technologique en France dixit le Président Sarkozy. Cela n’est pas toujours traduit dans les faits en France, surtout pour les PME et les ETI. L’Etat américain se place, en revanche, souvent derrière son industrie et la soutient à l’international. Avec, parfois, une part de protectionnisme. On se souvient de l’appel d’offre de 200 avions ravitailleurs commandés à Boeing en 2010 à la suite de l’opposition avec EADS. La décision fut éminemment politique avant d’être économique. De manière générale, l’Etat doit exercer un pilotage stratégique des technologies de demain en investissant dans les bons projets. En France, des outils existent (Crédit d’impôts, Grand Emprunt, Pôle de compétitivité, Fonds Stratégique d’Investissement, Comité de filière) mais beaucoup de financements sont souvent alloués dans leur globalité aux principaux constructeurs et équipementiers. Au détriment des technologies de rupture et de l’innovation ? Une stratégie d’intelligence économique permet de concilier le pilotage stratégique d’une entreprise ou d’un secteur avec l’économie mondiale dans le respect des intérêts de chacun.