À l’heure où le 6e Forum Mondial de l’Eau va s’ouvrir, il convient de s’interroger sur la réalité du processus décisionnel autour de la thématique de l’eau, alors que cette ressource est et va devenir un enjeu vital et majeur, quel que soit le pays abordé.
Depuis l’année 1995, la ville de Marseille accueille le Conseil Mondial de l’Eau, de façon permanente. Elle organise aujourd’hui le Forum Mondial de l’Eau, coorganisé entre le Conseil Mondial de l’Eau et un pays hôte, tous les trois ans, dans le but de médiatiser cette problématique aux avatars multiples. Ce Forum Mondial de l’Eau se tient généralement à la même époque que « la Journée de l’Eau des Nations Unies », le 22 mars. À côté de cela se tient une « Semaine mondiale de l’Eau », tous les ans, à Stockholm.
Au regard des nombreux acteurs, institutionnels et privés, qui gravitent autour de cette problématique, il est légitime de se demander quelles solutions à portée opérationnelle peuvent être dégagées par ce 6e Forum ? D’autant que le slogan est le suivant : « le forum des solutions et des engagements ».
Lors d’une conférence récente à l’Institut Catholique de Paris sur « les défis de la gouvernance de l’eau », il a été dit que la gouvernance, doublée d’une volonté politique, permettrait de « gouverner l’eau », de faire en sorte que cette ressource rare et finie ne manque à personne au jour le jour, tout en n’obérant pas les besoins des prochaines générations. Pourtant, la configuration de cette gouvernance de l’eau est telle qu’il est pratiquement impossible de dégager des solutions partagées et efficaces dans le moyen terme. Le nombre de participants ne cesse d’augmenter (2000 en 1997 à Marrakech ; 12 000 en 2006 à Mexico), les structures dédiées autour de l’eau ne cessent d’augmenter également alors que la ressource devient de plus en plus rare. On fait ici face à un paradoxe : plus la ressource diminue, plus les structures et les hommes mobilisés pour la gouverner croissent.
Conscient de cette problématique, la France s’est très tôt regroupée autour d’une « Équipe de France de l’eau », dès le 4e Forum Mondial de l’Eau en 2006. Celle-ci s’est constituée sous le vocable « Partenariat Français pour l’Eau » dès 2007. L’État, les grands Ministères concernés, les collectivités territoriales, les entreprises, les ONG, les fondations, les organisations scientifiques et de recherches y sont présents. Dans la Charte y est affirmée que « le Partenariat Français pour l’Eau fédère les acteurs français dans le domaine de l’eau afin de participer de façon coordonnée et efficace aux grands évènements liés à l’eau ». Il fonctionne sur le principe du consensus. Et a pour objectif de « de rassembler les informations » et « d’élaborer des messages communs », à la fois pour le gouvernement français et les grandes réunions internationales. Néanmoins, cette structure est dépourvue de structure juridique, ce qui ne lui permet pas d’exister et de défendre ses propres positions. On devine donc que c’est un organe faible qui est seulement dédié à amorcer un début de dynamique de regroupement. M. le député André Flajolet encourage cette dynamique et tente depuis quelques années de fédérer ces énergies autour d’un projet commun.
Néanmoins, un Partenariat Français pour l’Eau sans existence juridique, soutenu par le gouvernement français, animé par un député français alors qu’il existe concurremment « un Comité national du Forum », chargé d’apporter des propositions à l’Élysée sur cette même thématique, cela semble être peu efficace. Pour passer outre cette multiplicité de structures et de rencontres internationales, M. le député André Flajolet et la ville de Marseille s’engagent pour ce 6e Forum Mondial de l’Eau sur trois dossiers majeurs.
D’une, faire un point sur les Objectifs du Millénaire et du Développement, objectifs dans lesquels l’eau ne tient qu’un rôle mineur, puisqu’elle n’est qu’un sous-objectif de l’Objectif 7, « Préserver l’environnement ». À noter qu’il y a actuellement une bataille des chiffres afin de savoir si les objectifs concernant l’eau avaient été atteints ou non. D’aucuns affirment que ceux-ci ont été atteints alors que depuis quelques années, l’Aide Publique au Développement consacrée à l’eau représente 7,8 milliards de dollars quand l’ONU répète depuis des années que les dépenses devraient être d’au moins 18 milliards pour atteindre ces mêmes objectifs.
De deux, organiser « une meilleure coopération décentralisée », peut-être envisager « une instance permanente de coopération », dont la mission serait de suivre quelle application des engagements pris lors du dernier Forum Mondial de l’Eau.
De trois, rendre opérationnelle la Convention sur « la gestion des fleuves internationaux », signée en 1997.
En analysant de près la configuration du monde français de l’eau, a fortiori au niveau international, on peut se rendre compte que l’intelligence économique, définie a minima comme une aide à la décision multidimensionnelle, aurait toute sa place.
La veille et la collecte d’informations, le recoupement des sources comme moyen d’achever le premier objectif.
La gestion de projets sur le long terme de façon dynamique comme outil pour concrétiser le second objectif.
L’influence comme technique pour réaliser le troisième objectif.
Damien Soupart