L’impact de Glencore Xstrata sur le secteur minier africain

Alors qu’en Chine, le gendarme de la concurrence entend décrypter la fusion entre Glencore et Xstrata, l’Afrique est comme pétrifiée dans l’attente de subir la loi du nouveau géant minier.

Imaginez, aux portes de l’Afrique, un 4ème géant minier dont le chiffre d’affaire pèserait 28 fois le budget national du Congo, 36 fois celui du Cameroun et 41 fois celui du Gabon.

C’est le 07 février 2012 que le minier Xstrata et le courtier Glencore ont annoncé leur rapprochement dans le cadre d’un échange d’actions de 90 milliards USD. C’est la plus importante fusion de l’histoire dans le secteur minier. Si, aux termes des négociations, la transaction est approuvée par les actionnaires des deux groupes et par les autorités de la concurrence au 3ème trimestre 2012, la nouvelle entité, Glencore Xstrata International, de son nom, comptera 130 000 salariés dans 33 pays, 101 mines et une cinquantaine d’installations métallurgiques à travers le monde.

Le chiffre d’affaire cumulé du nouveau groupe sera de 209 milliards USD, environ 28 fois le budget national du Congo, 36 fois celui du Cameroun et 41 fois celui du Gabon. L’actuel directeur général de Xstrata, Mick Davis, deviendra alors le n°1 du nouveau groupe et Ivan Glasenberg, l’actuel directeur général de Glencore, sera son n°2.

Xstrata Glencore entend se démarquer de ses principaux concurrents (BHP Billiton, Rio Tinto et Vale qui représentent 70% de la production mondiale) en intervenant sur une chaîne de valeur allant de l’extraction minière au négoce, en passant par la logistique et le transport. Dans le nouveau couple, Xstrata apportera les matières premières et Glencore son réseau de vente fort de 8000 fournisseurs et 54 bureaux dans le monde. Ce dispositif exceptionnel pourrait intéresser de gros clients comme l’indien Tata Steel, le franco-indien ArcelorMittal, les chinois Shandon Iron & Steel et Chinalco, pour ne citer que quelques-uns.

Les grands perdants de cette méga fusion seront les pays producteurs (africains entre autres) et les pays importateurs (dont la Chine, le Japon, les Etats-Unis et la Corée). Car en l’absence d’offre concurrente, ils seront obligés d’accepter les seules conditions de Glencore Xstrata. Alors qu’en Chine, le gendarme de la concurrence étudie attentivement les détails de cette union entre la minière et le courtier suisses, l’Afrique est comme pétrifiée dans l’attente du nouveau géant. L’Union européenne, elle, semble le reconnaître de facto.

Principal acteur de ce mariage, Glencore est le type de dossier dont rêve tout consultant en intelligence économique parce qu’il se veut opaque… « Si vous ne connaissez pas les bijoux, connaissez le bijoutier » aime à dire Warren Buffet qui ne mettrait sans doute pas un sou dans cette maison, trop opaque à ses yeux, malgré de remarquables efforts dont le moindre n’est pas l’introduction en Bourse de Glencore en mai 2011. La discrétion est dans son ADN.

« Agressifs », les dirigeants de Glencore et Xstrata ont zéro aversion pour le risque. Ce sont des winners froids qui gèrent la boutique pour gagner toujours plus. Rien qu’en 2010, Glencore a payé, à lui tout seul, 780 000 USD d’amende pour non-respect des normes environnementales. Dans le combat féroce qui va l’opposer au trio de tête (BHP Billiton, Vale et Rio Tinto), « ne rien risquer sera encore un risque plus grand » pour le nouveau groupe.

En Afrique, chacune sait déjà s’adapter à la culture locale pour faire face aux aléas tels que la corruption et limiter les contraintes légales (le cas en Zambie), à s’associer avec des juniors minières à la réputation sulfureuse, et à parier sur les territoires difficiles d’accès ou exposés à l’instabilité politique. Unies, les deux entités deviendront une vraie machine de guerre économique dans un environnement minier africain particulièrement concurrentiel.

Et pour ne pas finir, il faudra veiller sur la capacité de Glencore à anticiper et à diversifier. D’après le quotidien britannique The Guardian(dans sa livraison du 06 février 2012), le courtier de Baas a facturé 80 millions USD de matières premières agricoles au Programme alimentaire mondial (PAM) depuis mai 2011 pour répondre à la crise alimentaire à Djibouti, au Kenya et au Soudan notamment. Dans cette opération, Glencore a acheté les produits agricoles en grande quantité auprès des fermiers et les a revendus à l’agence onusienne avec un profit record. Le PAM est sensé s’approvisionner directement auprès des fermiers…

Avec un tel ADN, Glencore Xstrata est-il une bonne nouvelle pour les opérateurs africains? Non. Un redoutable concurrent pour les Big Three (BHP Billiton, Vale, Rio Tinto)? Oui. Une excellente opportunité pour les investisseurs audacieux? Oui.